Le rapport Merah relève "plusieurs défaillances objectives"
Le ministère de l'Intérieur rend public le rapport sur les dysfonctionnements que Manuel Valls avait commandé à son arrivée place Beauvau.
AFFAIRE MERAH - Le ministère de l'Intérieur a rendu public, mardi 23 octobre, le "rapport de retour d'expérience (...) sur la lutte antiterroriste", commandé par Manuel Valls sur les "dysfonctionnements" mis au jour par l'affaire Merah. Mohamed Merah a assassiné trois parachutistes les 11 et 15 mars à Toulouse et Montauban, puis trois enfants et un père de famille dans une école juive de Toulouse le 19 mars.
Revendiquant agir au nom d'Al-Qaïda, il avait été tué au terme du long siège de son appartement toulousain le 22 mars. Selon un communiqué de l'Intérieur, ce rapport de 17 pages "prend acte des dysfonctionnements passés afin de consolider la lutte antiterroriste au service de la sécurité des Français". "Le ministre de l'Intérieur entend mettre en œuvre rapidement les adaptations nécessaires", est-il précisé.
Le Raid est épargné par le rapport
Critiqué lors du siège de l'appartement de Mohamed Merah, le Raid sort toutefois conforté par le rapport, selon lequel ses "choix tactiques", notamment celui d'interpeller l'assassin chez lui plutôt qu'à l'extérieur, "paraissent cohérents".
Les services secrets sont trop cloisonnés
Des informations qui ne remontent pas. Mohamed Merah a profité du cloisonnement des informations entre services, selon l'IGPN. Une mère de famille se plaint en juin 2010 que Merah a montré à son fils des vidéos de décapitation, mais cette information ne remonte pas à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Déjà, en février 2008, il s'était "ré-islamisé" en prison. Cet élément aurait pu déclencher l'alarme. Mais il ne sera connu qu'à la mi-2011.
Une faille dans la surveillance. De même, le départ de Merah au Pakistan depuis Roissy, le 19 août 2011, passe inaperçu. La raison est toute simple. Le jeune homme a choisi de faire une escale à Oman, qui ne fait pas partie des trente et une destinations sensibles surveillées de près par les services de renseignements.
Le rapport ne fait pas la lumière sur la traque. Les rapporteurs Guy Desprats et Jérôme Léonnet évoquent peu la traque du tueur après le premier assassinat, le 11 mars. Ils parlent toutefois de "cloisonnements entre services, notamment entre police judiciaire et renseignement intérieur", sans en dire davantage. Même discrétion sur les relations entre le renseignement intérieur (DCRI) et les autres services de renseignements, étrangers ou français, en particulier la DGSE. Là, c'est le secret-défense qui est mis en avant par les auteurs.
La dangerosité de Mohamed Merah a été mal évaluée
C'est l'évaluation de la dangerosité de Merah par la DCRI qui est la plus critiquée, même si les rapporteurs jugent que les défaillances ne relèvent pas de "l'erreur caractérisée".
Une fiche de surveillance désactivée. Alors que Merah était connu depuis 2006 comme gravitant autour de la mouvance salafiste toulousaine, sa fiche de surveillance est désactivée en 2010 de manière "inopportune", juge le rapport.
Un debriefing raté. Contrôlé en Afghanistan en 2010, il est de nouveau l'objet de l'intérêt des renseignements intérieurs, mais son debriefing, le 14 novembre 2010, est raté, selon le rapport, et il n'est plus surveillé en janvier 2012. Pendant le siège de son appartement, lors de ses échanges avec un agent de la DCRI, Mohamed Merah le fait lui-même remarquer.
Les propositions pour améliorer la surveillance
Un meilleur partage de l'information. Les rapporteurs proposent de créer des bureaux de liaison au niveau régional. "Au-delà, des échanges d'information plus réguliers et plus formalisés avec l'ensemble des services de police et de gendarmerie et les services de l'administration pénitentiaire sont prévus", a annoncé de son côté le ministère de l'Intérieur.
De nouveaux moyens d'enquête. Mohamed Merah louait un appartement et des véhicules sans bénéficier de revenus fixes. Les auteurs du rapport préconisent donc des moyens qui permettent une "détection préventive dans le domaine financier".
Un cadre juridique pour suivre de près les sites jihadistes. Les rapporteurs souhaitent aussi que soit établi "un cadre juridique" permettant de suivre de près les sites jihadistes : "Une partie de la formation et de l'endoctrinement de Merah est directement liée à la consultation de tels sites", relève le rapport.
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