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"Le vieil homme m'indigne" : étriller Stéphane Hessel fait aussi vendre

Ce pamphlet de Gilles-William Goldnadel, avocat et grand défenseur de la cause israélienne, a déjà été écoulé à 30 000 exemplaires depuis sa parution fin janvier. Mais que reproche-t-il exactement à l'ancien résistant ?

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Stéphane Hessel et Gilles-William Goldnadel. (JEAN-CLAUDE GAWSEWITCH / JOHANNES EISELE / AFP)

"Stéphane Hessel, c'est l'Abbé Pierre, moins la soutane." Dès les premières pages, le ton est donné. Gilles-William Goldnadel, avocat et grand défenseur de la cause israélienne, a publié fin janvier Le vieil homme m'indigne, un pamphlet de 56 pages contre Stéphane Hessel. Soit environ le double du best-seller Indignez-vous ! de l'ancien résistant, mini-ouvrage écoulé à plus de 2 millions d'exemplaires depuis sa parution fin 2010.

En un mois à peine, Le vieil homme m'indigne s'est écoulé à 30 000 exemplaires et son éditeur, Jean-Claude Gawsewitch, a dû lancer une nouvelle impression. "Vide" de sa pensée, "haine" d'Israël, "hypocrisie et mensonges" sur son passé... Goldnadel, par ailleurs président de l'Association France-Israël, étrille minutieusement celui qu'il qualifie d'"imposteur". Morceaux choisis en quatre points.

• Hessel aurait enjolivé son passé

Première source d'indignation pour Gilles-William Goldnadel, le passé de Stéphane Hessel. L'avocat cite la postface d'Indignez-vous dans laquelle il est fait mention du rôle de Hessel dans la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme à l'ONU, en 1948, aux côtés de René Cassin. "Il n'est strictement pour rien dans la rédaction de la Déclaration universelle", s'insurge Goldnadel, qui dédie pour cela son livre à René Cassin. 

A l'époque, Hessel était chef de cabinet d'Henri Laugier, secrétaire de la Commission des droits de l'homme à l'ONU. Mais "l'indigné" a reconnu plusieurs fois n'être qu'un "modeste contributeur" du texte, notamment lors d'une émission sur le site Arrêt sur images (article payant). Dès 2008, il expliquait même au Centre d'actualité de l'ONU avoir été un simple "témoin" de cet événement historique.

Le succès de son petit ouvrage lui a déjà attiré les foudres de certaines personnes qui accusent les médias de le présenter comme un "grand résistant" (par exemple Le Point.fr). En octobre 2011, Marianne.fr rapportait que Hessel avait été uniquement un "second rôle" et qu'il avait passé le plus clair de son temps dans un bureau, à Londres. De quoi éclipser, semble-t-il, son arrestation par la Gestapo en juillet 1944 et sa déportation au camp de Buchenwald.

• "Il ne s'indigne de rien, ou presque"

Deuxième grief, Hessel serait beaucoup trop sélectif dans ses choix. Pour l'avocat, le nonagénaire se focalise uniquement sur la question israélo-palestinienne et oublie des sujets d'indignation primordiaux. Ainsi, il "ne consacre pas une ligne" à la guerre civile au Darfour, ni "aux chrétiens d'Orient" et encore moins "aux Tibétains", alors que son livre sera traduit en mandarin, précise l'auteur. 

"J'ai toujours été du côté des dissidents", écrit Hessel, qui ouvre son livre sur une référence au Conseil national de la résistance. "Il faut bien le reconnaître, il faut être dissident pour oser prendre le parti des sans-papiers ou des Palestiniens", ironise Goldnadel. Selon lui, le "vieil homme" est plutôt "du côté des faux rebelles et des authentiques fayots". 

• "Du Dieudonné pur jus"

Si ce "vide intersidérant" énerve autant l'avocat, c'est aussi parce que Hessel est un pro-palestinien revendiqué. En tant que sioniste, Goldnadel ne peut s'y résoudre. "Réserver ses uniques flèches empoisonnées au seul Etat juif relève d'une haine obsessive", juge-t-il. Hessel, qui précise souvent que son père était un juif allemand, défendrait donc "des positions anti-israéliennes indiscutables car venant d'un être insoupçonnable d'antijudaïsme". 

Les mots ne sont jamais assez durs pour dessouder l'indignation hessélienne : "complaisance envers le terrorisme antisémite", esprit "pathologiquement anti-occidental", etc. Citant des déclarations faites par Hessel à la presse étrangère, Goldnadel estime même que c'est "du Dieudonné pur jus". Cette charge pro-israélienne contre l'ancien ambassadeur n'est pas nouvelle : l'an dernier, le Crif avait fait annuler une conférence avec Hessel jugée trop partisane à l'Ecole normale supérieure.

Conclusion de Gilles-William Goldnadel : "L'Arabe palestinien comme l'immigré irrégulier sont les nouveaux juifs errants, crucifiés par ces nouveaux nazis occidentaux dont l'Israélien est l'un des représentants les plus détestables, car traître à sa vocation douloureuse."

 • "Indignez-vous", un succès immérité ?

"Le soi-disant livre ne contient aucune idée." A plusieurs reprises, Le vieil homme m'indigne souligne l'absence de contenu de l'ouvrage de Stéphane Hessel. "C'est la première fois depuis l'invention de l'imprimerie qu'un document écrit contient aussi peu d'idées et rencontre autant de succès", peste Goldnadel. 

Là encore, la critique n'est pas nouvelle. Le succès d'Indignez-vous a certes conduit l'ex-ambassadeur sur les plateaux télévisés, mais a aussi fait de lui une cible des médias, notamment écrits. Marianne y a vu "un faible diagnostic sans ordonnance" ; le blogueur Pierre Assouline un "texte dégoulinant de bons sentiments" ; le site de débats Causeur.fr un "vieil homme indigne" et Slate.fr un "combat contre des moulins à vent".

Dans une interview au site Atlantico.fr, Goldnadel complète son analyse. Il voit dans l'immense succès de son adversaire "la preuve la plus caricaturale de la gauchisation des idées, je devrais dire des fantasmes, qui s’expriment aujourd’hui, de l’antisarkozysme primaire à l’anti-occidentalisme pathologique". Hessel et Goldnadel, deux visages d'une même imposture ?

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