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Pourquoi les ouvertures sauvages de bouches d'incendie échauffent-elles les esprits ?

Un millier de bouches d'incendie ont été ouvertes illégalement depuis le début de la canicule en Ile-de-France. Une pratique qui inquiète les pompiers et les collectivités. 

Article rédigé par franceinfo
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Des gens se rafaîchissent dans l'eau d'une bouche d'incendie ouverte, le 21 juin 2017 à Paris.  (LAURENT EMMANUEL / AFP)

C'est une pratique qui fait couler beaucoup d'eau… et d'encre. Chaque année en période de canicule, des bouches d'incendie sont ouvertes et transformées en geysers par des habitants en quête d’un peu de fraîcheur. "Depuis le début de l'episode caniculaire, un millier de bouches d'incendie ont été ouvertes sur les quatre départements de Paris et de la petite couronne", rapporte le capitaine Clément Cognon, de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.

Ce phénomène, nommé "street pooling" et très souvent relayé sur les réseaux sociaux, est interdit. Il peut être sanctionné comme du vol d'eau par 75 000 euros d'amende et cinq ans d'emprisonnement, selon le Code pénal. Franceinfo vous explique pourquoi cette pratique pose problème.

Parce que cela peut être dangereux

C’est la principale crainte de six maires de Seine-Saint-Denis qui se sont réunis, mercredi 21 juin, pour tirer la sonnette d’alarme face à la multiplication des ouvertures de bouches d’incendie : que des enfants soient blessés. Un garçon de 8 ans a ainsi été violemment projeté en l’air par la forte pression des jets d’eau et s'est blessé à la tête en 2015 à Bobigny, a rapporté Le Parisien à l’époque.

Sans oublier que ces jeux d’eau débordent souvent sur la voie publique. "Hier, un enfant était allongé au milieu de la route, en train de patauger, décrit la cheffe de cabinet de la mairie d’Aubervilliers. Si une voiture passe et est aveuglée par le geyser, elle roule dessus."

On va finir par avoir un mort, on est tous fébriles ici.

La cheffe de cabinet de la mairie d'Aubervilliers

à franceinfo

Les pompiers s’inquiètent aussi de potentielles électrocutions. "Il y a un risque d'accident avec les lignes électriques aériennes", pointe le capitaine Clément Cognon.

Parce que c’est un gâchis de ressources

L’ouverture de bornes à incendie provoque un énorme gâchis d’eau. Ce sont ainsi des litres et des litres qui rejoignent directement les égouts.

Sur la journée de mercredi, on estime qu'on a perdu 150 000 m3 d'eau.

Philippe Knusmann, directeur général du syndicat des eaux d'Ile-de-France

à franceinfo

Cent cinquante mille mètres cubes, c'est l'équivalent de 60 piscines olympiques, ce qui correspond à une surconsommation de 50% pour la journée de mercredi en Ile-de-France. Outre son coût environnemental, l'ouverture sauvage des bouches d'incendie "peut provoquer des pénuries d'eau" sur le réseau, explique le capitaine Cognon. Ce qui peut se révéler extrêmement problématique en cas d’incendie à proximité.

Parce que cela coûte cher aux collectivités

Fermer une bouche d'incendie est de la responsabilité des collectivités et de leurs services des eaux. C’est un travail fastidieux, comme le souligne Emmanuel Jabain, agent de maîtrise à la voirie de Nanterre (Hauts-de-Seine). En période de canicule, il accumule les heures supplémentaires pour venir à bout de tous les geysers sauvages. Mercredi, il a fini sa tournée à 22 heures. 

On a beau fermer les bornes d'incendie, ils les rouvrent instantanément.

Emmanuel Jabain, agent de maîtrise de la voirie de Nanterre

à franceinfo

Si Emmanuel Jabain se charge lui-même de faire un peu de pédagogie auprès des jeunes qui jouent près des bouches d'incendie ouvertes, certaines communes, comme Aubervilliers, font aussi appel à des agents de médiation. "Tout cela a un coût, or les collectivités comme les nôtres fonctionnent beaucoup sur les dotations globales de fonctionnement, qui sont réduites depuis quelques années." Car la facture du "street pooling" peut s'avérer salée : 800 000 euros rien que pour la journée de mercredi. Un surcoût qui peut, à terme, se répercuter sur la facture des consommateurs.

La maire d’Aubervilliers, Meriem Derkaoui, réclame le déclenchement d’un plan de catastrophe naturelle. "On n'a pas à pâtir de ces difficultés liées à la canicule, lance le cabinet de l'élu. Il faut que l'Etat prenne ses responsabilités." Les maires d'Aubervilliers, Saint-Denis, Stains, l’Ile-Saint-Denis, La Courneuve et Pantin ont demandé un rendez-vous au préfet et ont adressé un courrier au Premier ministre pour demander le déblocage "de crédits exceptionnels" et l'élaboration, au niveau national, d'un système d'ingénierie pour que l'ouverture des bouches d'incendie soit moins aisée. 

Parce qu'il y a d'autres solutions pour se rafraîchir

Les communes s’adaptent, en temps de canicule, pour s’assurer que leurs habitants aient un accès facilité à des points d’eau. Certaines ont prolongé les horaires d'ouverture de leurs piscines municipales, d'autres les rendent gratuites pour les personnes de plus de 60 ans. A Aubervilliers, l'entrée à la piscine municipale était gratuite pour tout le monde pendant les jours de canicule, et le personnel a été renforcé pour faire face à l’afflux de baigneurs.

Pour encourager les jeunes à se rafraîchir dans des bassins plutôt qu’en pleine rue, Veolia Eau d'Ile-de-France a fait appel au rappeur Youssoupha et au basketteur Mam Jaiteh pour jouer dans le clip La Bouche C La Vie. "Pas besoin de faire du quartier une piscine olympique. Si le grand bain n’est pas au quartier, le quartier ira au grand bain", slamme le rappeur.

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