Tempête Harvey : trois questions sur les produits chimiques présents dans l'usine Arkema qui a explosé au Texas
Après le passage de la tempête, deux explosions et des émanations de fumée ont été signalées sur le site de l'usine. Franceinfo vous explique ce qu'il faut savoir sur les peroxydes organiques, cette substance chimique qui s'est enflammée.
Dans la foulée de la tempête Harvey, deux explosions et de la fumée noire ont été signalées, jeudi 31 août, sur le site d'une usine chimique du groupe Arkema à Crosby, au Texas (Etats-Unis). Un accident qui a provoqué une situation confuse sur place, entre informations alarmantes et messages rassurants. Franceinfo vous résume ce qu'il faut savoir sur les peroxydes organiques, ces substances chimiques qui se sont enflammées et qui ont causé les explosions.
>> DIRECT. Suivez la situation après le passage de la tempête Harvey au Texas
1C'est quoi, les peroxydes organiques ?
Les peroxydes organiques sont une famille de produits "qui permettent d’amorcer la réaction de polymérisation" dans le cadre de la fabrication du plastique, explique à franceinfo Benoît Sallé, expert d’assistance conseil dans les domaines de prévention des incendies et explosions à l’INRS (Institut national de la recherche et de la sécurité).
Pour bien comprendre, il faut savoir que "les plastiques sont des macromolécules", détaille à franceinfo Jérémy Breuzard, enseignant en chimie à l'Ecole supérieure de chimie, physique, électronique de Lyon. Or, pour obtenir ces macromolécules, "il faut faire une réaction de polymérisation, pour enchaîner de petites molécules, poursuit-il. C’est là qu'on utilise les peroxydes organiques pour transformer les monomères (de petites molécules) en radicaux, qui vont réagir entre eux et faire des chaînes qui vont s'allonger" pour former du plastique.
2Ces produits sont-ils dangereux ?
Les peroxydes organiques doivent être manipulés avec précaution, car "ces composés sont explosifs", indique Jérémy Breuzard. "Ils sont connus pour leur instabilité, donc il faut les maintenir au froid pour une durée limitée, car d’eux-mêmes, ils prennent feu", poursuit-il. C'est justement ce qui s'est produit à Crosby. "Une fois que ces produits ont commencé leur réaction de décomposition, on ne peut quasiment plus les arrêter, car la réaction va s’autoentretenir", explique Benoît Sallé.
Je ne connais pas l’organisation des secours sur place, mais il est essentiel d’avoir un périmètre suffisant pour garantir la sécurité de la population.
Benoît Sallé, expert dans les domaines de prévention des incendies et explosionsà franceinfo
Dans un communiqué, Arkema précise qu'il existe un risque de nouvelles explosions et appelle les riverains à ne pas revenir dans la zone d'évacuation qui avait été établie dans un rayon de 2,5 km.
Dans une usine, les peroxydes organiques peuvent aussi présenter "des risques pour l’organisme" des employés qui les manipulent, relève Benoît Sallé. Selon une fiche pratique du site de l'INRS, "la toxicité générale des peroxydes organiques est peu élevée. Certains ont une action corrosive sur la peau, les yeux, les muqueuses, comme les peroxydes dérivant des cétones et les hydroperoxydes, même en solution diluée. En cas d'inhalation ou d'ingestion accidentelle, ils peuvent avoir des effets dont la nature et la gravité sur l'organisme sont variables en fonction du peroxyde".
En ce qui concerne les éventuelles conséquences écologiques des explosions de l'usine Arkema au Texas, franceinfo a interrogé Eric Thybaud, responsable du pôle "Dangers et impact sur le vivant" à la direction des risques chroniques de l’Ineris (Institut national de l'environnement industriel et des risques). D'après lui, les peroxydes organiques ne sont "pas des produits connus pour avoir des propriétés éco-toxicologiques", c'est-à-dire que s'ils sont amenés à se répandre dans l'eau, par exemple après une inondation, ils ne sont "pas toxiques pour la faune et la flore".
Sauf que, selon Richard Rennard, qui dirige l'une des branches du groupe Arkema, l'incident à Crosby "n'est pas un rejet chimique" mais "un incendie". Les peroxydes organiques "sont des produits très réactifs, donc a priori, si un contenant explose, on ne voit pas très bien ce qui pourrait se répandre, à part les produits de combustion (...) Les peroxydes eux-mêmes sont détruits par la combustion", confirme Anne-Christine Macherey, toxicologue et directrice de l’Unité de prévention du risque chimique au CNRS, contactée par franceinfo.
3Et quelles sont les conséquences quand ils se mettent à brûler ?
"Les peroxydes organiques sont des produits organiques, donc les produits de leur combustion sont du CO2, du CO (gaz carbonique), des hydrocarbures et des produits de combustion, comme dans n’importe quel incendie", indique à franceinfo Anne-Christine Macherey. La combustion des peroxydes organiques dégage aussi des cendres "qui sont des particules qui provoquent des irritations respiratoires", ajoute-t-elle.
En revanche, tous les spécialistes contactés par franceinfo font part de leur difficulté à évaluer la nocivité des fumées générées par la combustion des peroxydes organiques qui ont pris feu à Crosby. "On n’a pas d’information sur les quantités stockées, ni sur le type de produit", déclare Benoît Sallé. "Je ne connais pas leur composition", renchérit Eric Thybaud.
Le responsable d'Arkema a annoncé qu'il ne croyait pas vraiment au potentiel mortel de la fumée dégagée par l'incendie de l'usine, alors que le directeur de l'Agence fédérale des situations d'urgence (Fema), Brock Long, a affirmé, dans un premier temps, que le panache de fumée était extrêmement dangereux, selon l'AFP. Quelques heures plus tard, l'agence américaine de l'environnement (EPA) a quant à elle assuré, après avoir récolté des données au-dessus du site, que cet incendie n'a pas généré "une concentration inquiétante de matériaux toxiques à l'heure actuelle".
Dans l'immédiat, Richard Rennard encourage malgré tout les personnes qui auraient inhalé les fumées à aller voir un médecin. "La fumée risque d'irriter vos yeux, vos poumons et potentiellement votre peau", a-t-il prévenu.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.