La mort atroce d'un vendeur de poisson indigne le Maroc
Le ministre de l'Intérieur marocain se dit déterminé à établir les circonstances exactes de la mort d'un vendeur de poisson, broyé dans une benne à ordures, et à "punir les responsables de ce drame". La mort du vendeur a été filmée sur un téléphone portable et diffusée sur internet.
La mort tragique d'un vendeur de poisson, broyé par une benne à ordures, suscite une vague d'indignation et de manifestations au Maroc, où les autorités affichent leur volonté de "punir" les responsables de ce drame. Mouhcine Fikri, un marchand de poisson d'une trentaine d'années, est mort dans la soirée du vendredi 29 octobre, à Al-Hoceima, dans le Rif.
Il a été happé par une benne à ordures alors qu'il tentait apparemment de s'opposer à la saisie et à la destruction de sa marchandise par des agents de la ville. Les circonstances effroyables de sa mort, filmée sur un téléphone portable et diffusée sur internet, ont choqué la population. Une photo de la victime inanimée, la tête et un bras dépassant du mécanisme de compactage, a été largement diffusée sur les réseaux sociaux, qui ont relayé des appels à manifester dans tout le pays.
"Nous sommes tous Mouhcine !"
Dimanche, des milliers de personnes ont participé aux funérailles du jeune homme, rendant hommage au "martyr Mouhcine" et marchant dans le calme pendant plusieurs heures dans le centre-ville d'Al-Hoceima jusqu'à la localité d'Imzouren, où la dépouille a été inhumée.
La foule se rendant aux funérailles de #MouhcineFikri... (AIC press) #LT #Maroc pic.twitter.com/QgZo8NhfHR
— Benjamin Bousquet (@benjibousquet) 30 octobre 2016
Solidarité avec la marche pour #Mohsen #Fikri à #Alhoceima #Maroc pour que Justice soit faite #JesuisMohssin_Fikri pic.twitter.com/nTVUjnEybW
— Jamal Ikazban (@ikazban) 30 octobre 2016
Le soir même, une marée humaine a envahi le centre-ville d'Al-Hoceima. "Criminels, assassins", ont notamment scandé les milliers de manifestants, "Arrêtez la hogra [l'arbitraire]", ou encore "Ecoute Makhzen [palais royal], on n'humilie pas le peuple du Rif !". Le rassemblement, au fort accent identitaire berbère et revendiquant l'héritage rebelle de la région, s'est déroulé jusqu'à 21h30 (heure locale) sans incident.
Des manifestations de moindre ampleur ont eu lieu dans plusieurs autres villes du Rif, mais aussi - fait peu ordinaire - à Casablanca, Marrakech et Rabat, où plus d'un millier de personnes ont défilé au cri de "Nous sommes tous Mouhcine !", brandissant la photo de la victime ou une pancarte provocatrice "Bienvenue à la COP22, ici on broie les gens".
Mohammed VI réclame "une enquête minutieuse et approfondie"
Actuellement en Tanzanie, au terme d'une tournée diplomatique en Afrique de l'Est, le roi Mohammed VI a dépêché dimanche à Al-Hoceima son ministre de l'Intérieur Mohammed Hassad qui est venu "présenter les condoléances et la compassion du souverain à la famille du défunt". Le roi a donné des instructions "pour qu'une enquête minutieuse et approfondie soit diligentée (...)", alors que l'Intérieur avait déjà annoncé l'ouverture d'une enquête, conjointement avec le parquet local, au lendemain du drame.
Les circonstances exactes de la mort de Mouhcine Fikri restent à établir, et le ministre de l'Intérieur s'est dit "déterminé à établir les circonstances exactes du drame et à en punir les responsables". La victime avait refusé d'obtempérer à un barrage de police, et avait en suite été interceptée, avec dans sa voiture "une quantité importante d'espadon, une espèce interdite à la pêche", a récapitulé le ministre. "Décision a été prise de détruire la marchandise illégale", a-t-il expliqué.
Qui a pris la décision de le faire le soir même, comment la benne a-t-elle pu se déclencher... c'est à toutes ces questions que l'enquête du procureur doit répondre.
"Personne n'avait le droit de le traiter ainsi", a déploré Mohammed Hassad. "On ne peut pas accepter que des responsables agissent dans la précipitation, sous la colère, ou dans des conditions qui ne respectent pas le droits des gens", a-t-il souligné, promettant les conclusions de l'enquête d'ici "quelques jours".
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