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Tuerie d'Orlando : Omar Mateen, mari "violent" et collègue "toxique"

L'entourage de cet Américain de 29 ans, qui a tué 49 personnes dans un club gay de Floride, décrit un homme colérique, "raciste" et misogyne.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
Autoportrait d'Omar Mateen, non daté, publié sur son profil Myspace. (MYSPACE / AFP)

Les quelques portraits d'Omar Mateen diffusés par les médias montrent un jeune homme aux larges épaules, habitué semble-t-il à prendre des selfies face à son miroir. Souriant ou bien sérieux, parfois boudeur. Mais son nom est désormais associé à la fusillade la plus meurtrière de l’histoire récente des Etats-Unis. Omar Mateen, 29 ans, a été identifié comme l’auteur du massacre homophobe dans lequel 49 personnes sont mortes et 53 autres ont été blessées. Son attaque a été perpétrée au Pulse, boîte de nuit emblématique de la communauté gay, à Orlando (Floride), dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 juin.

Cette nuit-là, Omar Mateen a donné l'impression d'être un tueur maître de lui-même et méthodique. "Il passait devant chaque personne au sol et lui tirait dessus, pour être sûr qu'elle était morte", a expliqué le père de l'un des blessés, rapportant les propos de son fils, à la sortie de l'hôpital Orlando Regional Medical Center. Mais les témoignages recueillis par les autorités et les médias depuis dimanche esquissent le portrait d'un homme colérique et violent, dont la haine des homosexuels serait relativement récente.

Souvenirs d'un "blagueur" et "vrai gentleman"

Citoyen américain, Omar Mir Seddique Mateen est né le 16 novembre 1986, à New York, comme l'indique sa fiche d'électeur, accessible en ligne. Omar Mateen a trois sœurs et un frère. Le presque trentenaire a vécu la plus grande partie de sa vie en Floride, d'abord avec ses parents à Port Sainte-Lucie, puis dans un complexe résidentiel de Fort Pierce, à 200 kilomètres d'Orlando. Sorti du lycée en 2004, Mateen a obtenu un diplôme en technologies de justice criminelle en 2006 à l’université Indian River State. Il a ensuite travaillé pour l'enseigne GNC, qui commercialise des produits de santé et des compléments alimentaires.

Son ami de l'époque, Samuel King, travaillait dans une chaîne de restaurant voisine, où Omar Mateen allait régulièrement chercher ses repas, raconte le site Daily Beast (en anglais). Samuel King, ouvertement gay et artiste drag, se souvient d'un "blagueur", qui n'avait "à l'époque, aucun problème avec la communauté LGBT". "Il a probablement bu quelques verres au bar, riant avec les barmaids et sachant très bien qu'elles étaient lesbiennes", poursuit-il. "Il a bien dû venir une fois assister à un spectacle de drag queens avec nous", croit se souvenir Samuel King.

En 2007, Omar Mateen a été embauché comme agent de sécurité chez G4S, une grande société de sécurité britannique. Son ex-femme, Sitora Yusufiy, immigrée ouzbek, avec qui il a été officiellement marié de 2009 à 2011, affirme qu'il voulait en réalité entrer dans la police, mais a échoué aux examens d'entrée. Omar Mateen s'est marié une seconde fois et était père d'un petit garçon de 3 ans. Sa deuxième épouse, dont NBC croit savoir qu'elle s'appelle Noor, n'a pas pris la parole publiquement.

"Il parlait de tuer des gens tout le temps"

Les mots de Sitora Yusufiy témoignent de la violence qui habitait déjà Omar Mateen pendant leur mariage. Elle décrit à la presse une personnalité "bipolaire", un homme en proie à des accès de colère, qui consommait beaucoup de "stéroïdes". "Il se disputait souvent avec ses parents, mais comme j'étais la seule personne dans sa vie, l'essentiel de sa violence était dirigé contre moi", raconte-t-elle, dimanche, depuis le parvis de sa maison dans le Colorado, où elle réside désormais. "Il me battait, il rentrait juste à la maison et commençait à me frapper parce que la lessive n’était pas faite…" se souvient-elle encore.

Un ancien collègue d'Omar Mateen, interrogé par NBC (en anglais), décrit sans détour un travailleur "minutieux", qui faisait beaucoup d'exercice physique, mais aussi un collègue "raciste, belliqueux", qui "parlait de tuer des gens tout le temps". Daniel Gilroy estime qu'il avait "des problèmes pour maîtriser sa colère" et qu'il s'énervait très vite "dès lors qu'on parlait de race, de religion et des femmes". "Il n'aimait pas les Noirs, mais encore moins les femmes. Il détestait les femmes. Il ne les respectait pas", ajoute l'homme qui affirme avoir demandé son transfert à cause de ce collègue "toxique".

L'employeur d'Omar Mateen assure en revanche n'avoir rien remarqué. Les tests passés lors de son recrutement en 2007 ne révélant rien de "préoccupant". "Ces vérifications ont été renouvelées en 2013, sans résultat", ajoute la société, dans un communiqué.

En 2013, Mateen "ne constituait pas une menace"

G4S a toutefois appris en 2013 qu'Omar Mateen avait été interrogé par le FBI. En effet, l'auteur de la tuerie a fait l'objet de deux enquêtes. La première en 2013, à la suite de déclarations rapportées par ses collègues, témoignant de sa sympathie à l'égard de l'islam radical. Mais la police fédérale américaine n'a "pas été en mesure de vérifier le contenu de ses propos", rapporte Ron Hopper, agent du FBI. 

La deuxième enquête s'est déroulée en 2014, cette fois pour des liens présumés avec Moner Mohammad Abu-Salha, premier Américain auteur d'un attentat-suicide en Syrie. Mais là encore, le FBI a conclu que les contacts entre les deux hommes étaient minimes et qu'Omar Mateen "ne constituait pas une menace substantielle à cette époque", a dit Ron Hopper. Depuis, plus aucune enquête n'était en cours. Sans antécédents judiciaires, Omar Mateen disposait de deux permis de port d'arme et a pu acheter en toute légalité, quelques jours avant l'attaque, une arme de poing et un fusil d'assaut.

Cet homme armé a tout de même revendiqué son lien avec les jihadistes de l'Etat islamique pendant la tuerie. Depuis les toilettes du Pulse où il était barricadé, il a appelé le 911, numéro des services de secours américains, pour déclarer qu'il prêtait allégeance à l'Etat islamique, selon le FBI. Il a également fait référence aux frères Tsarnaev, auteurs des attentats de Boston en 2013. Aucun séjour dans un camp d'entraînement au jihad n'apparaît pour le moment dans son dossier. Il se serait seulement rendu deux fois en Arabie saoudite, après son divorce, en 2011 et 2012, selon des responsables américains. Des voyages initialement présentés comme des pélerinages à La Mecque, comme celui qu'effectuent chaque année des millions de musulmans.

L'imam Syed Shafiq Rahman, du centre islamique de Fort Pierce, le décrit d'ailleurs comme un croyant "discret". Il "venait avec son jeune fils le soir pour prier et ensuite il repartait". A la veille du massacre du Pulse, Omar Mateen s'était à nouveau présenté au centre islamique pour prier. Ses sœurs, elles, étaient très actives dans la communauté musulmane.

De son côté, Seddique Mateen, le père du tueur, de nationalité afghane mais vivant aux Etats-Unis, assure que le massacre d'Orlando n'a "rien à voir avec la religion", mais tout à voir avec l'homophobie. Il se souvient d'une scène vécue quelques mois plus tôt. Voyant deux hommes s'embrasser dans la rue, Omar Mateen se serait mis en colère. "Ils font ça devant mon fils", se serait-il écrié. Seddique Mateen a aussi présenté "des excuses" et déclaré "être choqué" par la tuerie perpétrée par son fils.

"C'est à Dieu de punir les homosexuels", selon son père

Mais les propos de Seddique Mateen à l'égard de la communauté homosexuelle sont sans équivoque. Dans une vidéo mise en ligne sur Facebook, en dari, langue afghane, il dénonce les actes de son fils et explique que "c'est à Dieu qu'il revient de punir les homosexuels pour leurs actes, pas à ses serviteurs", traduit le Washington Post (en anglais). "Je me demande pourquoi il a fait ça en ce mois sacré de ramadan, ajoute-t-il. Mon fils Omar Mateen était une très bonne personne (...) Je ne savais pas qu'il avait ce nœud dans le cœur."

Seddique Mateen entretient lui aussi des liens troubles avec l'islam radical. Il dénonce publiquement les crimes de son fils, mais soutient volontiers les talibans afghans. Après avoir annoncé sa candidature à la présidence afghane, en février 2015 (plusieurs mois après l'élection), Seddique Mateen a publié des messages parfois "incohérents", sur Facebook, ces derniers jours, toujours selon le Washington Post. Il y exprime sa "gratitude" envers les talibans et "ordonne à l'armée, à la police et aux renseignements" d'arrêter plusieurs figures politiques afghanes, parmi lesquelles l'ancien président Hamid Karzai et l'actuel dirigerant Ashraf Ghani.

Désormais, les équipes du FBI déploient d'importants moyens pour fouiller le passé d'Omar Mateen. "L'enquête se poursuit et, rien que cette nuit, nous avons probablement traité une centaine de pistes", souligne l'agent spécial Paul Wysopal, en charge du dossier. "Comme vous le savez depuis les attentats du 11-Septembre, on ne laisse plus aucune piste inexplorée et c'est la même chose aujourd'hui", prévient-il.

Le 11 septembre 2001, Omar Mateen, alors âgé de 14 ans, aurait justement "sauté partout et acclamé les terroristes", selon un ancien camarade de classe. D'autres assurent au Washington Post (en anglais) l'avoir vu "faire des bruits d'avion et imiter une collision avec un immeuble".

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