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Mitt Romney et l'avortement : ni pour, ni contre, bien au contraire

Une déclaration récente du républicain a de nouveau semé le trouble sur sa position. Qu'en est-il vraiment ? Le candidat peut-t-il faire interdire l'IVG s'il est élu ?

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le candidat républicain Mitt Romney lors d'un meeting à Newport News, en Virginie (Etats-Unis), le 8 octobre 2012. (JIM WATSON / AFP)

Tenter de comprendre la position de Mitt Romney sur l'avortement, c'est un peu comme aller à la pêche au spaghetti dans une casserole d'eau bouillante : quand on pense l'avoir, paf ! il nous échappe. Le candidat républicain à la présidentielle américaine est un spécialiste des revirements sur le sujet. FTVi a tenté d'y voir clair sur ses positions réelles et ses intentions futures.

Ce qu'il dit aujourd'hui

Officiellement, Mitt Romney est fermement opposé à l'avortement, sauf "en cas de viol, d'inceste et de danger pour la vie de la mère" : c'est la position qu'il défend dans cette campagne. Mais mercredi 10 octobre, il a déclaré qu'"aucune législation sur l'avortement" ne faisait partie de son programme.

Mitt Romney sera "un président pro-vie"

Ses propos, négligemment lâchés lors d'une interview au Des Moines Register (article en anglais), quotidien régional de l'Iowa, ont déclenché une salve de commentaires goguenards. Aurait-il encore changé d'avis ? Son camp a aussitôt affirmé que non, le candidat est bien un vrai "pro-life" – opposant à l'avortement.

Ce qu'il disait avant

En réalité, c'est un peu plus compliqué que ça. Mitt Romney a commencé sa carrière politique en se présentant comme "pro-choice" – favorable au droit à l'avortement. Il déclare à l'époque ne pas vouloir remettre en cause le droit des femmes à disposer de leur propre corps, par exemple lors de sa campagne pour être élu gouverneur du Massachusetts, en 2002, un Etat où l'électorat républicain est majoritairement constitué de modérés.

Mais une fois installé au poste, il change d'avis. A partir de 2005, le gouverneur se présente comme pro-life. Lui-même fait remonter sa "conversion", racontée en détails par Slate (en anglais), au débat sur la recherche à partir des cellules souches embryonnaires, qui lui aurait fait prendre conscience du caractère sacré de la vie. 

Le problème, c'est que le mormon a tendance à légèrement adapter sa position à son auditoire. Entre 1999 et 2002, alors qu'il dirige l'organisation des Jeux olympiques de Salt Lake City dans l'Utah, Etat très conservateur, Mitt Romney, à l'époque officiellement pro-choice, cultive l'ambiguité en interview. "Quand on me demande si je suis pro-choice ou pro-life, je dis que je refuse ces étiquettes", explique-t-il au Salt Lake Tribune"La question est : 'quel est le choix dont on parle ? Je suis pour le fait que les femmes en Amérique aient l'opportunité de faire le bon choix. (…) Le bon choix, c'est bien sûr de porter l'enfant à terme. L'avortement est un mauvais choix." Subtil, n'est-ce-pas ?

Ce qu'il pense vraiment

Peut-être un peu trop subtil, en fait. Ses atermoiements sur la question sont en partie responsables de sa réputation de "girouette". Ses adversaires l'accusent, non sans arguments, de changer son fusil d'épaule en fonction de la position dominante. Sa dernière déclaration en serait un symptôme : si en début de campagne le candidat devait rassurer la base de son parti, majoritairement pro-life, Romney voudrait maintenant faire du pied aux modérés, dont il a besoin pour remporter l'élection.

La majorité de ceux qui ont suivi son parcours pensent qu'au fond, l'ex-gouverneur du Massachusetts est une sorte de "pro-life modéré", prêt au compromis.  Personnellement opposé à l'avortement, il n'a pas l'intention de faire de cette conviction un combat politique et préfère laisser le sujet à la droite religieuse.

Ce qu'il peut faire

Dans une certaine mesure, Mitt Romney peut se le permettre : le sujet échappe de toute façon largement aux prérogatives du président. Aux Etats-Unis, le droit à l'avortement a été établi en 1973 par un arrêt de la Cour suprême, Roe vs Wade. Les Etats ont une certaine latitude pour en fixer les modalités, mais ne peuvent l'interdire. Pour cela, il faudrait que la Cour rende une nouvelle décision qui renverse la première.

Dès lors, un Mitt Romney président n'aurait que deux options pour faire avancer la cause anti-avortement. Il peut tenter de donner une teinte pro-life à la Cour suprême : ses neuf membres sont en effet nommés par le président, et un ou deux sièges sont généralement renouvelés lors de chaque mandat.

L'autre solution consisterait à promouvoir des législations réduisant de facto l'accès à l'avortement, comme l'ont déjà fait certains Etats. Par exemple, des lois obligeant les femmes à passer une échographie avant une interruption volontaire de grossesse, ou qui allongent les délais de réflexion requis.

Ce qu'il fera certainement

Le seul véritable engagement de campagne de Mitt Romney porte sur un de ces moyens d'action indirects : il a promis de couper les financements publics aujourd'hui octroyés au planning familial (Planned Parenthood, en anglais) par l'Etat fédéral. 

Ses intentions concernant la Cour suprême sont plus floues : s'il a déjà souhaité publiquement que la Cour renverse Roe vs Wade, il n'est pas certain que l'avortement entre dans ses priorités lorsqu'il choisira un nouveau juge.

Reste une inconnue : l'influence que pourrait avoir son colistier Paul Ryan, aux opinions beaucoup plus affirmées sur le sujet. "Je crois que la vie commence dès la conception, c'est pour cela que je suis contre l'avortement", a-t-il encore rappelé jeudi 11 octobre lors de son débat face au vice-président Joe Biden. "Je comprends que c'est un sujet difficile (…). Mais la politique d'une administration Romney sera de s'opposer à l'avortement sauf en cas de viol, d'inceste ou lorsque la vie de la mère est en danger."

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