Ce que l'on sait du coup d'Etat en Thaïlande
Le chef de l'armée en Thaïlande a annoncé une prise de pouvoir en direct à la télévision, jeudi. Un énième rebondissement après sept mois de crise qui ont fait 28 morts.
"Diriger le pays en douceur", c'est ce que promet le chef de l'armée de Thaïlande. Le général Prayut Chan-O-Cha a annoncé un coup d'Etat en direct à la télévision, jeudi 22 mai. Cette déclaration intervient deux jours après que l'armée a décrété la loi martiale. Le général a justifié ce coup d'Etat par la violence qui secoue le pays. Vingt-huit personnes sont mortes depuis le début de la crise à l'automne dernier, la plupart lors de tirs ou de jets de grenades en plein Bangkok pour réprimer des manifestations. La Première ministre, Yingluck Shinawatra, a quant à elle été destituée le 7 mai.
L'armée prend des premières mesures
La Constitution est suspendue. "A part le chapitre sur la monarchie", a déclaré un porte-parole militaire. Le gouvernement est également suspendu. Le Premier ministre renversé, Niwattumrong Boonsongpaisan, et ses ministres doivent se présenter aux militaires d'ici la fin de la journée. "Le Sénat fonctionne toujours", a précisé le porte-parole.
Les rassemblements sont interdits. L'armée a ordonné aux manifestants des deux bords, campant dans Bangkok, de rentrer chez eux, et a interdit tous les rassemblements de plus de cinq personnes. Les manifestants ont commencé à obtempérer dans la soirée, dans la joie du côté de l'opposition.
Un couvre-feu est imposé. Cette restriction de circulation, de 22 heures à 5 heures, s'applique à tout le pays à partir de la nuit de jeudi à vendredi. "Tous les Thaïlandais doivent rester calmes et les fonctionnaires doivent continuer à travailler comme d'habitude", a ajouté le porte-parole de l'armée.
Les réseaux sociaux pourraient être bloqués. Aucun contenu ne doit "inciter à la violence" ou critiquer les nouveaux dirigeants. "Si nous considérons qu'ils violent [ces règles], nous suspendrons le service immédiatement et convoquerons les coupables pour les poursuivre", a déclaré le porte-parole de l'armée.
La réussite du coup d'Etat dépend du roi
La Thaïlande a connu jusqu'ici 18 coups d'Etat ou tentatives depuis 1932. Le dernier date de 2006. "Pour que le coup d'Etat réussisse, il faut que l'audience royale ait lieu", explique Eugénie Mérieau, chargée de cours à Sciences Po et auteure de l'ouvrage Les Chemises rouges de Thaïlande, contactée par francetv info. En clair, si le roi s'y oppose, le coup d'Etat décrété par l'armée échoue. "Si le roi valide le coup d'Etat, on est parti pour une nouvelle Constitution et on peut alors craindre de nouvelles manifestations", poursuit cette spécialiste de la Thaïlande. Les "chemises rouges", partisanes de l'ancienne Première ministre Yingluck Shinawatra, pourraient inciter à la rébellion. "Pour l'heure, les 'chemises rouges' appellent au calme, assure Eugénie Mérieau, mais leurs leaders ont emprisonnés ou en fuite."
L'armée veut influer sur la succession royale
Si l'armée argue que ce coup d'Etat est nécessaire pour un retour "à la normale", Eugénie Mérieau raconte les coulisses de cette crise, qui risque de "s'éterniser". Pour elle, c'est la succession monarchique qui est en jeu. "Deux camps s'opposent : les 'chemises rouges' soutiennent le prince héritier, les 'chemises jaunes' préféreraient la fille du roi." En procédant à un coup d'Etat, l'armée, traditionnellement proche des "chemises jaunes", "espère influer sur le processus de succession", affirme la spécialiste de la Thaïlande.
La communauté internationale s'inquiète
Le secrétaire d'Etat américain a condamné le putsch avec force. "Il n'y a pas de justification à ce coup d'Etat militaire", a dénoncé John Kerry dans un communiqué, appelant au "rétablissement immédiat d'un gouvernement civil" et au "retour de la démocratie". Même ton pour l'Union européenne, qui a appelé jeudi à un "retour rapide à un processus démocratique légitime" en Thaïlande. François Hollande a condamné cette prise de pouvoir et plaidé pour "un retour immédiat à l'ordre constitutionnel et l'organisation d'un processus électoral".
Les Nations unies ont exprimé leur crainte de voir les libertés fondamentales remises en cause et ont appelé les autorités à respecter les droits de l'homme.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.