Le tableau périodique des éléments dont la Terre va manquer
Des chercheurs américains de l'université de Yale ont référencé les éléments qui vont se faire rares dans les décennies à venir si leur consommation garde le même rythme. La fabrication des nouvelles technologies est pointée du doigt.
Argent, or, cuivre, tantale, platine, palladium, plomb ou étain, tous ces éléments composent vos smartphones. On y trouve aussi du néodyme, du praséodyme ou du dysprosium, qui font partie des éléments chimiques les moins abondants de notre planète, comme le souligne Sciences et Avenir.
Vous n'imaginez pas le nombre d'éléments chimiques contenus dans votre smartphone http://t.co/3D4UBQ0YvC #iPhone6 pic.twitter.com/nPZRvGw80O
— Damien Hypolite (@damienhypolite) 19 Septembre 2014
Pour fabriquer les toutes dernières technologies, des dizaines d'éléments chimiques rares sont utilisées. Dans une étude publiée en mars, des chercheurs de l'université de Yale (Etats-Unis) ont ainsi classé les métaux dont l'approvisionnement va devenir plus complexe et coûteux. Après cinq ans de recherche, ils sont parvenus à des tableaux périodiques des éléments "en voie de disparition".
Quels éléments sont les plus utilisés ?
"Dans les équipements modernes, on trouve maintenant 30 à 40 éléments du tableau. En plus des métaux classiques, il y a de faibles quantités de nombreux éléments, du tantale, du néodyme, du palladium, de l’argent…", explique Jean-François Labbé, géologue spécialisé en économie des matières premières minérales au Bureau de recherche géologiques et minières. La seule fabrication d'un circuit imprimé, exemple choisi par les chercheurs de Yale, nécessite depuis la complexification des appareils électroniques la concentration de 43 éléments différents, comme l'indique le tableau de Mendeleïev ci-dessus.
L'indium, irremplaçable. Vous en touchez chaque jour. Cet élément chimique fait partie des écrans tactiles de vos tablettes et téléphones ainsi que des écrans LCD. Avec un petit peu de cuivre et de sélénium, il est également l'élément principal de certains panneaux solaires. Bref, il semble impossible de vivre sans. Sa consommation aurait été multipliée par 12 ces trente dernières années, selon le magazine Science et Vie dans son numéro de mai 2012. Quant à son prix, il était déjà passé, entre 2003 et 2005, de 70 dollars le kilo à 1 000 dollars, comme le rappelait RFI. "Ces métaux, essentiels à la production de nouvelles technologies comme les smartphones, l'optique infrarouge et l'imagerie médicale, vont être de plus en plus difficiles à obtenir dans les prochaines décennies", souligne Thomas Graedel, professeur d'écologie industrielle à Yale et principal auteur de l'étude.
Quels éléments sont en voie de disparition ?
Si la demande augmente de manière impressionnante avec l'explosion des nouvelles technologies, ces ressources s'amenuisent. "Les métaux dits rares sont produits en faible quantité, c'est-à-dire de quelques tonnes à 100 000 tonnes par an", explique Jean-François Labbé. L'indium est utile, mais sa situation est alarmante. Sur le tableau ci-dessus, il est classé parmi les plus difficiles à trouver. L'indium fait d'ailleurs partie des métaux dont l'abondance est jugée critique par la Commission européenne (document PDF et en anglais).
L'approvisionnement peut aussi se révéler complexe quand les lieux de production se situent dans des zones politiquement instables. Ou inversement, l'exploitation de ces ressources peut parfois devenir facteur de déséquilibre Exemple révélateur : le coltan, cet élément indispensable à la fabrication des smartphones. Il est exploité en République démocratique du Congo, dans la province du Kivu. Face aux intérêts économiques, la région est devenue une zone de non-droit, comme l'explique Mediapart. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres cas à surveiller.
Le rhénium est le métal le plus difficile à obtenir au monde, selon Science et vie. Son exploitation vous permet de partir en vacances. En effet, cet élément est utilisé pour la fabrication des avions de ligne modernes et de chasse. Il vient améliorer la résistance thermique des turbines des réacteurs. Il est pourtant très difficile à produire. Sous-produit de la molybdène, déjà sous-produit de l'exploitation minière du cuivre, le rhénium est en bout de production. D'après Science et vie, seulement 50 tonnes seraient produites chaque année, contre 2 000 pour l'or.
Face à ces pénuries, l'étude publiée par l'université de Yale souligne l'urgence d'améliorer les programmes de recyclage de l'électronique. Elle conseille notamment une collecte plus responsable des consommateurs, qui trop facilement laissent dans les tiroirs les vieux téléphones dont ils ne se servent plus. "Contrairement au pétrole, on ne consomme pas à proprement dit les métaux, on les utilise. Ils peuvent donc en théorie être recyclés lorsque l'équipement qui les contient arrive en fin d'usage", selon Jean-François Labbé. Mais le recyclage n'est jamais total et n'est pas toujours rentable. Il ne peut couvrir à lui seul la demande croissante, estime le géologue. Il faut continuer d'extraire. Une solution qui se heurte à de nombreux obstacles : opposants, contraintes environnementales ou encore géopolitiques.
Malgré tout, la pénurie des métaux n'est pas pour demain. "Les ressources physiques sont largement confortables pour assurer les besoins de notre siècle. Néanmoins, il va bien y avoir un moment où il n'y en aura plus assez si la consommation continue à croître comme au cours de ces dernières décennies", constate Jean-François Labbé.
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