Référendum en Catalogne : "L'émiettement" des pays peut devenir "ingérable", prévient l'économiste Laurent Davezies
L'économiste Laurent Davezies, invité de franceinfo dimanche, remarque que "depuis 20 ans, on a inventé 30 à 40 pays". Leur multiplication n'est pas sans danger, prévient-il.
Le référendum d’autodétermination organisé dimanche 1er octobre en Catalogne pourrait créer "un précédent" dans le monde, selon Laurent Davezies, invité de franceinfo. L'économiste, auteur du livre La crise qui vient – la nouvelle fracture territoriale, publié au Seuil, estime que l’on assiste à un "émiettement du monde" et que c'est un danger.
franceinfo : En cas de victoire des indépendantistes, la Catalogne serait-elle un État viable ?
Laurent Davezies : Oui probablement, si elle reste dans l’Union européenne. On a des précédents comme la Slovénie qui a quitté la Yougoslavie dans des conditions similaires après un référendum. C’est aujourd’hui un pays qui marche très bien. Le véritable problème n’est pas celui de la viabilité mais celui de la fragmentation. Le monde dans lequel on vit a-t-il intérêt à voir le nombre de pays se multiplier ? Cela va devenir ingérable et cela présente des risques du point de vue de la sécurité. Les petits pays ne pratiqueront certainement pas de dépenses militaires. Par exemple, l’Ecosse en cas d’indépendance a déjà dit qu’elle ne financerait plus la Défense.
Comment expliquer cette nouvelle poussée de fièvre indépendantiste en Catalogne ?
C’est une poussée de fièvre que l’on retrouve en Catalogne mais aussi ailleurs en Europe. Il y a eu un référendum en Ecosse. Le même phénomène se voit en Italie du nord, il y a eu aussi les Basques espagnols. Pour la Catalogne, il y a une raison historique. Le statut négocié d’autonomie a été cassé en 2010, ce qui a suscité un grand mécontentement. Il y a aussi une raison structurelle. C’est une région riche, pas la plus riche d’Espagne comme on peut le croire (c'est plutôt la Navarre, Madrid et le Pays Basque), mais les Catalans sont défavorisés sur le plan fiscal. Ils contribuent plus au prélèvement obligatoire qu’ils ne bénéficient de dépenses publiques.
D’autres mouvements similaires pourraient-ils voir le jour ?
On sait qu’il y a des élus corses en ce moment à Barcelone, par exemple. Il y a aussi des Basques espagnols qui observent tranquillement. D’autres poussées de fièvre existent ailleurs dans le monde. Il y a le Groenland, les îles Féroé ou encore le Donbass en Ukraine. Depuis 20 ans, on a inventé 30 à 40 pays. Il est à noter qu'il y a 7 000 langues parlées dans le monde. Si chaque peuple veut son pays, on n’est pas sorti de l’auberge ! On vit aujourd’hui une sorte d’émiettement extraordinaire. Il faudra voir le résultat en Catalogne, mais là on crée un précédent qui autorisera d’autres pays dans le monde à vouloir faire la même chose. Là, c’est en Catalogne et relativement dans le calme, mais si cela arrive en Chine par exemple, ça finira en bain de sang.
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