Cet article date de plus de neuf ans.

Des eurodéputés interpellent l'Europe sur le sort d'un militant menacé de mort en Hongrie

La tête d'Andrea Giuliano, militant LGBT, a été mise à prix 10 000 dollars par le responsable d'une association d'extrême droite, pour le détournement d'un logo, lors de la Gay Pride 2014.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Andrea Giuliano lors de la Gay Pride à Budapest (Hongrie), le 5 juillet 2014. (BERNADETT SZABO / REUTERS)

Plusieurs parlementaires ont adressé un courrier au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, jeudi 21 mai, pour l'alerter sur le sort d'un militant LGBT italien dont la tête a été mise à prix 10 000 euros en Hongrie. Son tort ? Avoir caricaturé un symbole cher à des organisations d'extrême droite, le 5 juillet dernier, lors de la Gay Pride de Budapest.

"La communauté européenne toute entière ne peut plus continuer à ignorer la récente et scandaleuse privation des droits civiques et des libertés du militant LGBT Andre Giuliano", écrivent les signataires, parmi lesquels des élus du Parti démocrate et du Mouvement 5 étoiles, qui ont déjà alerté le Parlement en session plénière.

Un pénis à la place de la moto

Pendant plusieurs mois, l'affaire est restée sous silence, jusqu'à la publication d'un récit dans La Stampa (en italien), lundi 18 mai. Tout débute l'été dernier, quand Andrea Giuliano, installé depuis huit ans à Budapest, décide de se moquer de L'Association des motards du sentiment national, une organisation d'extrême droite nostalgique de la "Grande Hongrie", homophobe et antisémite, en remplaçant la moto de leur logo par un pénis.

Des menaces de mort apparaissent rapidement sur les réseaux sociaux. Sa photo, son adresse et celle de son employeur sont communiquées sur le site du mouvement. Un jour, deux hommes l'attendent à son domicile, mais il parvient à s'échapper. Son employeur reçoit des centaines de courriels l'invitant à licencier le militant. Le militant finit par porter plainte.

Sandor Jeszenszky, le responsable des motards, va encore plus loin. Il promet 10 000 dollars à celui qui tuerait Andrea Giuliano. Qu'importe, d'ailleurs, si l'intéressé a été photographié en string quelques mois plus tôt, lors d'une séance de pole-dance.

Cet ancien du parti d'extrême droite Jobbik dirige d'une main de fer une organisation qui projetait, en 2013, de scander des slogans antisémites dans les rues de la capitale, "Mettez les gaz !", le jour des commémorations des victimes hongroises de l'Holocauste. La justice avait finalement interdit le rassemblement, précise le Tagesspiegel (en allemand), qui revient également sur le cas d'Andre Giuliano.

Plusieurs déménagements et des menaces depuis un an

"J'ai dû déménager plusieurs fois et les menaces se poursuivent aujourd'hui, à un rythme un peu moins élevé", explique Andrea Giuliano, interrogé par le journaliste Roberto Saviano (en italien). "Mais maintenant qu'on en parle au Parlement européen, c'est le silence, bizarrement."

Malgré les menaces récurrentes, Andrea Giuliano ne bénéficie d'aucune protection. Pire, il va comparaître en juin, à Budapest, pour diffamation et "manipulation irrespectueuse des symboles nationaux". Mis en cause pour diffamation, il a d'ailleurs manqué une convocation à comparaître, envoyée à une ancienne adresse.

Malgré tout, il ne regrette pas d'avoir provoqué les motards du Sentiment national. "Je n'accepte pas de vivre dans une société qui me critique pour qui je suis." En 2012, le militant s'était déjà illustré en dormant dans une tente installée dans un quartier rom, alors la cible d'attaques menées par la Garde hongroise, une organisation d'extrême droite.

Andrea Giuliano est soutenu dans son combat par le Tasz, une organisation hongroise des droits de l'homme. Mais la police locale semble peu pressée de faire avancer l'enquête. Si son dossier est toujours à l'arrêt dans 18 mois, son avocat lui a dit qu'il pourrait saisir la cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg. Interrogé par La Stampa, le militant résume à sa manière la situation : "la question est simple : est-il légal de faire ce qu'ils ont fait ? Non. Est-il légal de faire ce que j'ai fait ? Oui."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.