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Ukraine : après la Crimée, les risques de contagion en Europe de l'Est

L'exemple du rattachement de la péninsule à la Russie pourrait se propager vers d'autres régions russophones et déstabiliser la région.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des miliciens pro-russes démontent le portail du siège de la marine à Sébastopol, en Crimée, avant de prendre possession des lieux, mercredi 19 mars 2014. (VASILIY BATANOV / AFP)

Après la Crimée, d'autres régions de l'ex-URSS vont-elles tomber dans l'escarcelle de la Russie ? C'est la crainte de plusieurs pays situés à proximité de la Russie. Ils redoutent une contagion après le référendum dans la péninsule ukrainienne, qui a abouti au rattachement de cette région de 2 millions d'habitants à la Russie. 

Non sans raison. "Poutine est un nostalgique de l'époque soviétique. Il fait du révisionnisme des frontières de 1991 pour retrouver une plus grande patrie", affirme à francetv info Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé à l'Institut Thomas More. Vladimir Poutine souhaite-t-il continuer son expansion à l'ouest ?

Alors que certains territoires russophones réclament d'ores et déjà leur rattachement à la Russie, francetv info fait le tour des zones exposées au risque d'annexion.

L'est de l'Ukraine

Avec la perte de la Crimée, l'Ukraine a été dépossédée de 2 millions d'habitants et de 27 000 km2 de territoire. Mais les dégâts pourraient ne pas s'arrêter là. Suivant l'exemple de la Crimée, d'autres régions réclament à leur tour un référendum. "L'est et le sud de l'Ukraine font partie des dossiers qui ne sont pas réglés", prévient Philippe Migault, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la région, joint par francetv info.

Des habitants de la région de Donetsk, à l'est du pays, ont déjà organisé plusieurs manifestations pour demander un rattachement à la Russie. Fief du président déchu Victor Ianoukovitch, les pro-Russes de la région veulent profiter de l'élan créé par la Crimée, comme le montre ce reportage de France 24. Depuis plusieurs semaines, plusieurs villes à l'est et au sud du pays sont le théâtre de troubles. C'est le cas de Kharkiv, où une fusillade a fait deux morts samedi dernier, dont un militant pro-russe.

Niveau du risque ? Crédible. Pour l'historienne Catherine Durandin, contactée par francetv info, "une contagion à l'est et au sud de l'Ukraine est possible". Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, ajoute que l'intervention de Moscou en Crimée participe d'une "stratégie globale", qui pourrait se poursuivre dans l'est de l'Ukraine.

De son côté, Vladimir Poutine souffle le chaud et le froid. Le président russe avait d'abord affirmé, en janvier, qu'il n'interviendrait pas en Ukraine avant, finalement, de le faire en Crimée. Il a par la suite affirmé à plusieurs reprises que la Russie se réservait le droit d'intervenir pour protéger les Russes de souche vivant dans l'est de l'Ukraine. Désormais, Vladimir Poutine se veut rassurant et assure qu'il n'interviendra pas une nouvelle fois chez son voisin : "Nous ne souhaitons pas une partition de l'Ukraine, nous n'en avons pas besoin", affirme-t-il.  

Deux micro-régions de Moldavie

Un peu plus à l'ouest, les inquiétudes sont aussi fortes. "La contagion est déjà à l'œuvre en Moldavie avec la Transnistrie", alerte l'historienne Catherine Durandin, auteure de Que veut la Russie ? (Bourin Éditeur, 2010). La Transnistrie est une micro-région située à l'est de la Moldavie (ce petit pays de 3,6 millions d'habitants coincé entre l'Ukraine et la Roumanie) et dominée par des minorités russe et ukrainienne. Avec le soutien de Moscou, la région a fait sécession à l'issue d'une guerre en 1992, mais son indépendance n'a été reconnue par aucun pays.

Depuis, la Moldavie s'est engagée sur la voie d'un accord d'association et de libre-échange avec l'Union européenne, ce que refuse la Transnistrie. Le président du Parlement de la région a officiellement demandé, mardi, au président de la Douma russe d'entamer des démarches pour le rattachement à la Russie. Comme en Ukraine, cette région permet donc à Moscou de faire pression pour tenter de garder la Moldavie dans sa sphère d'influence, note Le Monde.

Catherine Durandin s'inquiète aussi du devenir d'une autre région russophone du sud de la Moldavie : la Gagaouzie. Ce district (dont la superficie avoisine celle du département du Val-d'Oise) a demandé par référendum à rejoindre l'union douanière de Vladimir Poutine, à la suite de l’accord d’association avec l’Union européenne signé par la Moldavie en novembre 2013, rappelle Courrier International. Pour Catherine Durandin, si ces micro-régions deviennent indépendantes, "cela signifie un éclatement qui peut mener à la disparition de la Moldavie en tant qu'entité, ce qui représenterait un sacré problème pour les Européens".

Niveau du risque ? Important. "Une Transnistrie russe, c'est un scénario très probable", lâche Catherine Durandin. "On retrouve beaucoup d'éléments en commun entre les événements en Crimée et la situation en Transnistrie", a d'ailleurs déclaré, cette semaine, le président moldave, Nicolae Timofti. Ce dernier craint une répétition du scénario ukrainien et affirme que des "actions de déstabilisation sont entreprises" sur son territoire.

Le nord-est de l'Estonie

Catherine Durandin se dit qu'il est possible de voir les minorités russophones du nord-est de l'Estonie manifester à leur tour leur souhait de se rapprocher de la Russie. "Ce serait vraiment déstabilisant pour l'Europe, puisque l'Estonie est membre de l'Otan et fait parie des 28 pays de l'UE", avance l'historienne.

Niveau du risque ? Faible. Pour le politologue Steven Ekovich, joint par francetv info, un tel scénario est peu probable. Le chercheur souligne que dans ce cas, les Etats-Unis réagiraient beaucoup plus durement : "La Crimée ne faisait pas partie des intérêts vitaux des Américains. En revanche, si la Russie touche à un membre de l'Otan, comme un Etat balte, ce sera différent...". Du coup, il estime que Moscou ne prendra pas ce risque.

De son côté Philippe Migault estime qu'il existe "beaucoup de fantasmes" autour de l'intention supposée de Vladimir Poutine de reconstruire un bloc comme au temps de l'Union soviétique. Le chercheur rappelle que les pays d'Asie centrale sont volontaires pour rejoindre l'union douanière menée par Moscou, qui est d'ailleurs une idée du Kazakhstan. "Ce n'est pas de l'impérialisme, certains pays russophones s'aperçoivent simplement qu'ils ont intérêt à travailler ensemble", estime Philippe Migault.

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