Ukraine : nationaliste et anarchiste, l'autre visage de la révolte
Prête à en découdre avec les forces de l'ordre, une frange de manifestants menace d'échapper au contrôle des leaders de l'opposition.
Cagoulés, casqués et armés, ils sont l'une des facettes du mouvement de contestation qui secoue l'Ukraine depuis plusieurs semaines. Si la majorité des manifestants réunis sur la place de l'Indépendance, dans le centre de Kiev, reste composée de citoyens indépendants et pro-européens, des centaines d'autres sont beaucoup plus radicalisés. Il s'agit d'ultranationalistes qui tiennent tête aux forces de l'ordre et avec qui l'opposition doit désormais compter. Cette mouvance est représentée notamment par le groupement Praviy Sektor, créé dès le début des manifestations et qui, selon la BBC (en anglais), a pris une part active dans les combats avec la police le 19 janvier.
Si, parmi les manifestants, on retrouve des membres du parti Svoboda (liberté, en ukrainien), un mouvement nationaliste, c'est-à-dire antirusse, c'est une frange beaucoup plus radicale qui mène les combats les plus durs. "Ce sont des gens de tous âges, soit russophones, soit ukrainophones, qui viennent de toutes les régions d'Ukraine, Est ou Ouest, et qui se revendiquent nationalistes. Beaucoup sont affiliés à l'extrême droite, mais pas au parti nationaliste Svoboda, qu'ils trouvent trop mou", explique à Libération un des dignitaires de Svoboda, sous couvert d'anonymat.
Ils ne s'arrêteront qu'à la chute de Ianoukovitch
Grygory, 32 ans est l'un d'entre eux. Cet électricien originaire de Tchernihiv, à une centaine de kilomètres de Kiev, explique aux équipes de France 2 que la véritable révolution n'a pas encore eu lieu. Il veut faire tomber un système qui est, à ses yeux, le même qu'à l'époque soviétique. Ces nationalistes anarchistes ne s'arrêteront qu'à la chute du président ukrainien Viktor Ianoukovitch, et non pas en cas de rapprochement avec l'Union européenne, comme le réclamait le gros des manifestants au début de la contestation. "Ils sont reconnaissables à leur drapeau rouge et noir. Ils sont casqués, cagoulés, armés de matraque et de boucliers de fortune. Eux réclament une révolution ", raconte à francetv info Alban Mikoczy, envoyé spécial de France 2 à Kiev. Spécialisés dans la confection de cocktails Molotov, ils ont également fabriqué une catapulte pour tirer des pavés sur les policiers.
Symbole de cette radicalisation, à l'entrée du campement à Kiev est placardée une photo de l'un des "martyrs", tué lors des émeutes. Une affiche promet une récompense de 5 000 dollars (3 600 euros) pour celui qui dénoncera le "tueur", et 100 000 dollars (73 000 euros) pour celui qui aura "sa tête" !, rapporte Le Parisien (article payant).
Les leaders de l'opposition obligés de muscler leurs discours
La trêve négociée avec le pouvoir par Vitali Klitschko, un des leaders de l'opposition, a certes été respectée jeudi 23 janvier, mais elle est fragile. Annonçant un nouvel échec des négociations avec le gouvernement dans la soirée, l'ancien boxeur s'est ainsi fait siffler par cette frange de manifestants. Et dès l'aube vendredi matin, ces derniers sont repassés à l'offensive en occupant un ministère et en dressant une nouvelle barricade dans le centre de Kiev.
Accusés d'immobilisme, les leaders de l'opposition sont contraints de composer avec cette frange du mouvement. Déjà, ils ont musclé leur discours. Arseni Iatseniouk, chef de file du parti de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko, a ainsi averti les autorités : "Si le gouvernement ne fait pas de concessions, nous irons tous ensemble de l'avant, même si le résultat doit être une balle en plein front." Vitali Klitschko s'est dit, lui aussi, prêt à "passer à l'offensive".
Cependant, précise Alban Mikoczy, ces ultranationalistes demeurent minoritaires. De plus, localisés uniquement à Kiev, ils ne sont pas en mesure d'entraîner le pays dans leur sillage, estime le journaliste.
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