Allemagne : une ado germano-russe accuse des migrants de viol, le ton monte entre Moscou et Berlin
Une adolescente germano-russe affirme avoir été violée par des migrants en Allemagne. Mais la police a démenti sa version des faits, provoquant un incident diplomatique entre Berlin et Moscou.
Lisa F. est au centre d'un sordide fait divers en Allemagne. Sa famille affirme qu'elle a été violée par des migrants à Berlin. L'histoire de cette jeune fille de 13 ans à la double nationalité allemande et russe a déclenché un incident diplomatique entre l'Allemagne et la Russie.
La jeune fille dénonce un viol, la police dément
Lundi 11 janvier, Lisa F. disparaît dans la capitale allemande. La jeune fille n'est retrouvée que trente heures plus tard. Dans sa déposition, l'adolescente dit avoir été violée et battue par trois personnes de type "méditerranéen". Ses proches confirment ses dires.
Mais, après enquête et examen médical, la police dément cette version des faits. Il est établi, dit-elle, qu'il s'agissait d'une disparition volontaire, que les rapports sexuels étaient consentis et que Lisa F. avait déjà agi de la sorte.
Les proches de l'adolescente rejettent les conclusions de la police et accusent les policiers d'avoir fait pression sur elle pour qu'elle modifie son récit. Reste une enquête ouverte par le parquet berlinois pour détournement de mineur.
L'extrême droite instrumentalise l'affaire
L'extrême droite allemande s'est saisie du cas de l'adolescente pour en faire un argument politique. Car l'affaire survient après le scandale des agressions sexuelles en série commises contre des femmes durant les festivités du Nouvel An à Cologne, pour lesquelles la police soupçonne principalement des migrants venus d'Afrique du Nord.
En outre, depuis ces évènements, la chancelière allemande, Angela Merkel, qui refuse de fermer son pays aux demandeurs d'asile, doit faire face à une opposition redoublée dans son camp conservateur et au scepticisme croissant de l'opinion publique.
La Russie accuse l'Allemagne de dissimulation
En Allemagne, la communauté germano-russe, elle aussi, a organisé des manifestations qui ont réuni des centaines de personnes dans tout le pays durant le week-end du 23 janvier. Certains rassemblements ont été émaillés de slogans racistes, selon les médias allemands.
Or cette communauté des "Allemands de Russie" – des descendants d'Allemands installés dans les républiques soviétiques qui ont pu émigrer en Allemagne et en obtenir la nationalité après la chute de l'URSS – est très soudée et reste étroitement liée à son ancienne patrie.
Les proches de Lisa F. sont d'ailleurs très présents dans les médias russes qui ont abondamment relayé l'affaire. Certains d'entre eux ont repris les allégations de la famille, laissant entendre que les policiers avaient voulu camoufler les faits afin de ne pas mettre en difficulté la politique d'Angela Merkel.
Le pouvoir russe s'est emparé de l'affaire. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a accusé la police allemande d'avoir "balayé l'affaire sous le tapis" et d'avoir "très longtemps dissimulé" des informations sur le dossier de l'adolescente. Cette dernière n'a "pas disparu de son plein gré pendant 30 heures", a affirmé le très peu diplomate ministre. Il a enfin dit "espérer" qu'il n'y avait "pas de tentatives d'enjoliver la réalité à des fins politiques".
Jeudi, la Russie a renchéri, toujours par la voix de Sergueï Lavrov. Elle a appelé l'Allemagne à lui fournir "toutes les informations nécessaires" pour qu'il y ait "moins de malentendus". "Comme il s'agit d'une citoyenne russe, nous avons le droit de ne pas attendre la fin de l'enquête (...). Nous devons être informés de tel ou tel incident impliquant des citoyens russes", a-t-il souligné. L'Allemagne "ne l'a pas fait à temps", a regretté Sergueï Lavrov. "Plus il y aura de transparence, plus on aura d'informations sur nos citoyens se trouvant dans des situations extraordinaires, y compris si graves, mieux cela sera pour nos relations" avec Berlin.
Berlin dénonce une manœuvre de Moscou
Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a de son côté enjoint Moscou à ne pas utiliser ce fait divers à des fins de "propagande politique pour attiser un débat sans aucun doute difficile, le débat sur les migrants".
Le porte-parole de la diplomatie allemande, Martin Schäfer, lui ,a ironisé : "Nous nous réjouissons du grand engagement du gouvernement russe envers la transparence et l'objectivité de la justice pénale."
"Nous avons en Allemagne une justice indépendante (...) et cette justice doit travailler dans le calme, sans ingérences extérieures injustifiées, il est même interdit d'instrumentaliser politiquement ce processus", a renchéri le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert.
Car cette passe d'armes diplomatique survient sur fond de tensions, alimentées notamment par les sanctions contre Moscou en raison de la crise ukrainienne et les divergences sur la guerre civile en Syrie.
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