Camp de migrants à Paris : "C'est une bonne intention, mais ça ne répond pas à la problématique d'ensemble"
Aubépine Dahan, du Collectif parisien de soutien aux exilés, a livré son analyse après l'annonce, mardi, de l'ouverture d'un centre d'accueil humanitaire "autour de la mi-octobre" dans le nord de la capitale.
Pas un, mais deux centres d'accueil : la promesse d'Anne Hidalgo d'ouvrir un camp d'accueil pour les migrants à Paris est en train de voir le jour. Un premier, réservé aux hommes, ouvrira "autour de la mi-octobre" près de la porte de la Chapelle, et un second, dédié aux femmes et aux enfants, est prévu à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) "d'ici à la fin de l'année", a annoncé mardi 6 septembre la maire de Paris. Le même jour, une nouvelle opération d'évacuation avait lieu dans un campement du 19e arrondissement. Aubépine Dahan, du Collectif parisien de soutien aux exilés, réagit à cette annonce pour franceinfo.
Franceinfo : Quelle est la situation en ce moment dans les différents campements de migrants à Paris ?
Aubépine Dahan : Sans compter celle de ce matin, il y a eu 13 opérations policières à Paris, entre le 31 juillet et le 30 août, près de 2 000 interpellations et 300 à 400 OQTF (obligations de quitter le territoire français). Il y a un harcèlement policier permanent, qui se dirigeait, dans un premier temps, contre les exilés, et maintenant aussi contre leurs soutiens. J'ai été placée en garde à vue cet été, ainsi que deux autres soutiens. Pour nous, il y a une corrélation avec les annonces de la mairie de Paris : l'Etat étant opposé au camp d'accueil, il multiplie les opérations. Leur idée fixe est d'éviter tout "appel d'air".
Dans ce contexte, l'ouverture d'un camp d'accueil est-elle une initiative positive ?
On est circonspects. Sur le principe, c'est très bien. Il faut un lieu pour accueillir les gens dépouillés par les passeurs, les nourrir, leur expliquer leurs droits, leur permettre de prendre leur décision [de déposer une demande d'asile] en connaissance de cause. Mais on a des questions auxquelles on n'a pas de réponses. Les droits des personnes seront-ils respectés dans ce camp ? Va-t-il y avoir des contrôles à l'intérieur ? [Bruno Morel, directeur général de l'association Emmaüs solidarités, qui gérera le camp, a assuré que ce site ne "sera pas un lieu de contrôle policier"]
Ce qu'on a vu depuis un an, c'est que les gens pris en charge [lors des évacuations] le sont dans des conditions indignes. Ils sont logés, mais pas nourris, présentés à l'Ofpra [l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui instruit les demandes d'asile] avec des dossiers qui ne tiennent pas la route, notamment parce qu'il manque des traducteurs. Ce sont quand même des vies qui sont en jeu. Il y a une relation avec la mairie, nous sommes reçus. Mais on ne sait pas trop ce qui va sortir de ces échanges.
Quelles sont vos plus grandes craintes ?
Nos deux interrogations sont : va-t-on faire en sorte que les droits des personnes soient respectés ? Et la mairie va-t-elle tenir l'Etat à distance ? Il ne faudrait pas que ce camp devienne un leu de "tri" entre les "bons" et les "mauvais" [migrants]. Le camp est une bonne intention, mais il ne répond pas à la problématique d'ensemble, qui est une problématique nationale. On a vu ce qu'il s'est passé à Calais et à Grande-Synthe. Aujourd'hui, l'action de l'Etat consiste à démanteler, avec l'idée qu'en faisant disparaître les camps, on fera disparaître les migrants... On gère des quantités, il n'y a pas d'humanité.
On peut aussi se demander s'il était nécessaire de construire un camp. Il y a 10% de bâtiments publics vides en Ile-de-France. Ces édifices sont là, il suffit de les réquisitionner, comme l'ont proposé Emmanuelle Cosse ou la Fondation Abbé Pierre. On ne parle pas d'accueillir des millions de personnes, mais 10 000, 20 000 personnes sur un an. C'est impensable que quelques milliers de personnes déstabilisent ainsi notre système d'accueil.
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