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Crise des migrants : a-t-on le droit d'accueillir un réfugié chez soi ?

Depuis le choc de la photo du petit Aylan, les initiatives en faveur de l'accueil des migrants se multiplient en France. Si l'hébergement d'un réfugié chez soi n'est pas illégal, certaines conditions doivent être respectées.

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une femme participe à un rassemblement de soutien aux migrants, le 6 septembre 2015, à Lyon (Rhône). (JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP)

Calm (Comme à la maison), Jésuites réfugiés services, Revivre... Depuis la publication de la photo du petit Aylan, cet enfant syrien de 3 ans retrouvé mort, le 2 septembre, sur une plage de Bodrum (Turquie), les initiatives se multiplient en France pour accueillir des réfugiés chez soi.

Jeudi 4 septembre, près de 500 hôtes aux profils très divers – familles, personnes seules, agriculteurs… – étaient inscrits sur la plate-forme Calm, rapporte France Info. En France, le "délit de solidarité" prévoyant des poursuites judiciaires à l'encontre d'une personne qui aurait tenté de "faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger" était puni de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Depuis son abrogation, à la fin 2012, héberger un réfugié n'est plus illégal, mais certaines conditions doivent être respectées.

Oui, si la personne a fait une demande d'asile

Lorsqu'un migrant a fait une demande d'asile, il est en situation régulière temporaire. En effet, en attendant la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), le demandeur reçoit un récépissé de dépôt de demande d'asile, et une autorisation provisoire de séjour (APS) qui légalise sa situation. Ce document lui permet d'accéder à l'allocation temporaire d'attente, à un logement dans un hôtel, ou à un centre d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada).

"Dès lors qu'il s'agit de demandeurs d'asile", héberger des migrants "est légal", affirme dans les colonnes de 20 Minutes Serge Slama, maître de conférences en droit public, spécialisé dans le droit des étrangers. En 2014, il fallait attendre, en moyenne, 205 jours avant qu'une demande d'asile ne soit traitée par les services de l'Ofpra.

Oui, s'il n'y a aucune rétribution financière

Le 27 janvier 2015, un militant de la Ligue des droits de l'homme (LDH) a été convoqué au tribunal de Dijon (Côte-d'Or) pour avoir aidé des migrants, selon France 3 Bourgogne. La justice lui reprochait d'avoir fourni cinq attestations d'hébergement à des demandeurs d'asile, et d'avoir hébergé une famille chez lui. "Cinq attestations, ce n'est pas anodin. La justice peut soupçonner un trafic, et craindre que l'hébergeur ait demandé une rétribution financière", explique Laure Navarro, avocate spécialiste du droit des étrangers, interrogée par l'Obs

Pour héberger une personne en situation irrégulière en toute légalité, la loi rappelle qu'il faut que l'accueil soit fait à "titre humanitaire", de "façon désintéressée", et ne donne lieu à "aucune contrepartie directe ou indirecte". Cependant, l'hôte peut tout à fait apporter des conseils juridiques, de la nourriture ou des soins médicaux. "Tant que l'on ne se met pas dans une position délictueuse en organisant un réseau de passeurs, ou en demandant une contribution financière, tout ira bien", résume le directeur de France terre d'asile, Pierre Henry, cité dans l'Obs.

Non, si la personne est sous le coup d'une procédure d'expulsion

Il est, en revanche, absolument interdit de venir en aide à une personne sous le coup d'une procédure d'expulsion, puisqu'elle est, alors, en situation irrégulière. La mesure d'expulsion est décidée par un tribunal, notamment lorsque la personne peut "constituer une menace grave pour l'ordre public", avoir des comportements "constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence", porter atteinte "aux intérêts fondamentaux de l'Etat", ou est "liée à des activités terroristes", détaille l'article L521-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En revanche, la personne ne peut pas être expulsée si elle est mineure, mariée depuis au moins trois ans avec quelqu'un qui dispose de la nationalité française, si elle est père ou mère d'un enfant résidant en France, ou si elle est titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" depuis au moins dix ans.

Non, si la personne vit en "état de polygamie"

Les parents ou enfants du migrant, ses frères et ses sœurs, son mari ou son épouse, peuvent l'héberger sans problème. En revanche, ils ne peuvent pas le faire si le réfugié vit "en état de polygamie", rappelle le ministère de l'Intérieur, car "les étrangers polygames titulaires de titres de séjour l’ont nécessairement obtenu indûment à la suite d'un comportement frauduleux."

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