Le jour où la mort d'un petit réfugié syrien a bouleversé le monde
Le corps d'Aylan Kurdi, 3 ans, a été découvert, mercredi à l'aube, sur une plage turque située en face de l'île grecque de Kos. Les clichés, pris sur place par la photographe turque Nilüfer Demir, ont bouleversé le monde entier.
Mercredi 2 septembre, le jour se lève sur la plage turque de Bodrum. Sur le rivage, le corps d'un petit garçon de 3 ans gît, face contre le sable. Il est mort dans un naufrage, alors que sa famille tentait de gagner l'île grecque de Kos. C'est un pêcheur du coin qui a fait la macabre découverte, selon la BBC (en anglais) : "Je me suis rendu à la mer et j'étais terrifié. Mon cœur est brisé."
Un policier fait la moue, choqué par la découverte
Les officiers de police turcs sont dépêchés sur place. L'un d'eux s'empare du corps de la petite victime, sous les yeux d'un collègue équipé d'un appareil photo. Quand il emporte le cadavre, un autre collègue fait la moue, choqué par la découverte. Le sable est jonché de vêtements, rassemblés dans des sacs plastique noirs. Photographe pour l'agence turque Dogan, Nilüfer Demir assiste également à la scène. "Je voulais juste montrer la douleur que je ressentais quand je voyais Aylan, a-t-elle expliqué, au micro de CNN Turk (en turc). Nous ne pouvions plus rien faire pour lui." Ses images sont publiées par des médias turcs, en fin de matinée. "L'humanité est en train de mourir", peste Timeturk (en turc).
La victime s'appelle Aylan Kurdi. Sa mère est morte dans le naufrage de deux canots pneumatiques, qui se dirigeaient vers l'île grecque de Kos. Le corps de son frère Galip a également été retrouvé sans vie, à 100 mètres d'Aylan. Mercredi, au moins 12 cadavres ont été emportés à la morgue de Bodrum. Sur place, l'agence Anadonu a également tourné des images d'une autre mère de famille éplorée, sa fille dans les bras, après la mort de deux de ses enfants.
Rapidement, les images de la mort de cet enfant de 3 ans sont partagées sur les réseaux sociaux, avec le mot-clé #KiyiyaVuranInsanlik, littéralement : "l'humanité échouée". Des observateurs et militants des Droits de l'homme partagent également ces images, non sans avoir pesé le pour et le contre. "Cela n'a pas été une décision facile de partager une image aussi brutale d'un enfant à terre, s'est justifié, après coup, Peter Bouckaert (en anglais), responsable des urgences à Human Rights Watch. Mais je tiens à ces enfants autant qu'au mien."
Publier ? Ne pas publier ?
La photo de l'enfant est parfois détournée sur Twitter, tantôt avec des ailes d'ange – pour lui rendre hommage – tantôt étendu au milieu d'une salle de l'ONU – pour dénoncer l'inaction de la communauté internationale. La photo est aussi repérée dans les salles de rédaction, où le débat s'engage. Publier, ne pas publier ? De nombreux sites d'informations reprennent l'image. Les quotidiens britanniques choisissent de placer la photo sur leur une du lendemain, tout comme Bild (Allemagne), La Repubblica (Italie), El Mundo ou El Pais (Espagne), Le Soir (Belgique)... A l'inverse de la grande majorité des journaux français, où l'image est absente.
Sur la plage maudite, près de Bodrum, les vacanciers turcs et étrangers profitent à nouveau du soleil. A en croire ces clichés du quotidien Huriyet (en turc), un parasol jaune est planté le jour même par des vacanciers, à deux mètres de l'endroit où a été découvert le corps d'Aylan.
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