Italie : trois questions sur la démission annoncée du Premier ministre Enrico Letta
Il a annoncé sa démission sous la pression du chef de son parti de centre gauche, Matteo Renzi, qui devrait lui succéder à la tête du gouvernement.
Nouveau séisme politique en Italie. Le chef du gouvernement a annoncé sa démission, jeudi 13 février. Le président du Conseil, Enrico Letta, doit la remettre, vendredi, au président Giorgio Napolitano.
Depuis les élections législatives, il y a un an, la vie politique italienne a été un feuilleton à rebondissements avec l'éviction de Silvio Berlusconi du Parlement et l'ascension du dirigeant de centre gauche Matteo Renzi. Cet énième soubresaut pose (au moins) trois questions.
Pourquoi cette démission d'Enrico Letta ?
Le président du Conseil (l'équivalent du poste de Premier ministre en France), en fonction depuis fin avril seulement, a été désavoué par son propre parti, le Parti démocrate. Ce parti représente la première force de gauche du pays, et est la première formation de la majorité gouvernementale. Le chef du PD, Matteo Renzi, a poussé vers la sortie son ex-numéro 2.
Malgré le pacte noué entre les deux hommes pour une poursuite de l'action du gouvernement Letta jusqu'à la fin 2014 (au moins), Renzi a lancé des attaques incessantes, ne ménageant pas ses critiques à l'égard d'un gouvernement qui "ne fait pas" suffisamment. Il reprochait à Letta sa lenteur et son manque de détermination.
Jeudi, Renzi a lancé un appel pour changer de gouvernement "d'urgence" afin d'accélérer les réformes. Sa motion a été massivement adoptée par son parti, par 136 voix contre 16. Et quelques minutes après ce vote, la démission de Letta a été annoncée par ses services.
Mercredi encore, Letta avait défié Renzi en présentant un programme pour relancer son gouvernement. Mais au fil des débats au sein de la direction du PD, le sort de Letta était apparu scellé, la grande majorité des intervenants appelant à un "acte de clarté". Et jeudi, Letta avait décidé de ne pas participer à la réunion du PD, officiellement pour permettre à ses collègues de prendre leurs décisions "avec le maximum de sérénité".
Qui sera son successeur ?
A seulement 39 ans, Matteo Renzi est tout désigné. Pratiquement inconnu il y a un an et demi, le dynamique maire de Florence est arrivé à la tête du PD en décembre après une victoire écrasante. En janvier, il a conclu un accord avec l'ennemi juré de la gauche italienne, Silvio Berlusconi, au siège du PD, sur un projet de révision de la loi électorale pour garantir des majorités plus stables. Dès lors, son ascension semblait irrésistible.
Fils de militant, diplômé en droit et ancien chef scout catholique, ce jeune dirigeant pressé d'arriver au pouvoir est un "jeunot" de la politique italienne, dont le programme initial a consisté à "mettre à la casse" ("rottamare") les caciques de son parti.
Peu marqué idéologiquement, il s'inspire du style et du discours de Tony Blair et de Barack Obama. Il dit vouloir refonder son parti, à la manière du "New Labor" promu en 1994 par le futur Premier ministre britannique Tony Blair, pour en faire "un parti plus agile et innovateur".
Il copie volontiers l'allure du président américain Barack Obama, aimant se présenter les manches de chemise retroussées. Souvent vu en train de participer à des marathons ou circulant à bicyclette dans sa ville, il aime arborer une veste de cuir qui lui a valu des satires le montrant comme Fonzie, héros de la série américaine Happy Days.
Dynamique, ambitieux, Matteo Renzi est le chouchou des médias, avec son physique du gendre idéal, son visage poupin et son accent toscan teinté d'un léger zozotement. Lors d'un sondage effectué il y a trois semaines à peine, 54% des Italiens disaient avoir un avis favorable sur le jeune leader politique.
L'Italie risque-t-elle un nouveau blocage politique ?
Enrico Letta "montera" vendredi au Quirinal, la colline où se trouve la présidence, après un dernier Conseil des ministres au Palais Chigi. Ensuite, le président Giorgio Napolitano devrait procéder aux consultations des différents partis avant de, très probablement, choisir Matteo Renzi pour former un nouveau gouvernement. Une fois celui-ci constitué, le nouvel exécutif devra se présenter, peut-être dès mardi prochain, devant le parlement pour obtenir le vote de confiance.
Matteo Renzi a déclaré qu'il solliciterait le soutien des actuels partenaires de la coalition avec l'objectif de tenir pendant l'ensemble d'une législature, jusqu'en 2018. Mais Angelino Alfano, vice-Premier ministre, bras droit de Silvio Berlusconi et fondateur du Nouveau Centre Droit né de la scission provoquée par Silvio Berlusconi au sein du Peuple de la liberté, a toutefois déclaré qu'il retirerait son soutien à Enrico Letta si le Parti démocrate décidait de ne plus le soutenir.
Signe des tensions politiques, le débat parlementaire prévu mardi sur la réforme du Code électoral, jugé responsable du blocage consécutif aux élections de février 2013, a été reporté à la semaine prochaine.
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