Mali : l’ex-putchiste Sanogo, en prison pour « meurtre et assassinats »
Le règne du général Amadou Sanogo prend fin. Celui qui, depuis son putsch en mars 2012, avait précipité le Mali dans le chaos est désormais derrière les barreaux, inculpé pour « meurtres et assassinats » entre autres chefs d’inculpation.
Le général Amadou Sanogo, auteur du putsch de mars 2012 ayant précipité le Mali dans le chaos, a été inculpé mercredi à Bamako de "meurtres et assassinats", entre autres chefs d'inculpation dans plusieurs affaires, et écroué.
Sanogo "a été inculpé de meurtres et assassinats, complicité de meurtres et assassinats, et placé sous mandat de dépôt", a déclaré à l'AFP une source judiciaire proche du juge d'instruction Yaya Karembe qui avait ordonné son interpellation et l'a entendu avant de l'inculper.
Il a en outre été inculpé de "séquestration et d'enlèvement", a ajouté cette source qui a affirmé que "nul n'est au dessus de la loi". "D'autres personnes" proches de Sanogo "seront rapidement entendues", a-t-elle affirmé.
Selon une autre source au ministère de la Justice, l'ordre de l'arrêter a été donné "au plus haut niveau" de l'Etat.
"C'est une victoire pour les familles des victimes et la justice malienne dans une affaire hautement sensible", ont estimé la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et l'Association malienne des droits de l'Homme (AMDH), ajoutant: "C'est un signal fort pour la lutte contre l'impunité qui démontre que personne n'est au dessus des lois".
Dans la matinée, plusieurs dizaines de soldats maliens armés ont pénétré au domicile du général Sanogo, dans le centre de Bamako, avant de le faire monter à l'arrière d'un véhicule, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Il ne voulait pas se rendre devant la justice, nous venons donc d'exécuter un mandat d'amener" du magistrat, a déclaré un militaire sur les lieux. Son domicile a été perquisitionné.
Ancien capitaine promu général en août, il avait été convoqué fin octobre par le juge Karembe mais ne s'était pas présenté, ce qui avait provoqué l'indignation de plusieurs partis politiques et organisations de la société civile.
Début octobre, d'anciens compagnons de Sanogo avaient mené une mutinerie à Kati, son ancien quartier général situé à 15 km de Bamako, pour réclamer eux aussi des promotions, obligeant l'armée régulière à intervenir pour reprendre le contrôle des lieux.
Des proches de Sanogo sont soupçonnés d'avoir sévi contre ces soldats qui s'étaient alors opposés à lui.
Mi-octobre, des familles de militaires avaient affirmé avoir découvert dans la caserne de Kati et ses alentours les corps d'au moins trois de leurs parents soldats.
Dans les mois suivant le coup d'Etat du 22 mars 2012, puis le contre-coup d'Etat sanglant du 30 avril suivant, Kati avait déjà été le lieu de nombreuses exactions et assassinats commis contre des militaires considérés comme fidèles au président renversé, Amadou Toumani Touré.
Des hommes politiques, des journalistes et des membres de la société civile ont également été victimes des brutalités des putschistes.
Il y a une semaine, le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR), coalition de partis et d'organisations qui s'étaient opposés au coup d'Etat, s'était déclaré "profondément indigné" que le général Sanogo ne réponde pas à une convocation de la justice.
Le coup d'Etat avait précipité la chute du nord du Mali aux mains de groupes islamistes armés, qui ont occupé cette région pendant neuf mois avant d'en être en partie chassés par une intervention militaire internationale initiée par la France en janvier 2013 et toujours en cours.
La promotion au grade de général d'Amadou Sanogo, alors capitaine, a été l'une des dernières décisions prises par le président malien de transition, Dioncounda Traoré, juste après l'élection le 11 août d'Ibrahim Boubacar Keïta.
Amadou Sanogo, à qui avait été accordé le statut "d'ex-chef d'Etat" après le putsch, est depuis tombé en disgrâce: il a été démis de ses fonctions à la tête d'un comité chargé de réformer l'armée et contraint de quitter Kati, où l'armement dont il disposait a été confisqué par l'armée.
Après la mutinerie d'octobre, le président Keïta avait promis dans un discours à la Nation que "Kati n'allait plus faire peur à Bamako".
Le capitaine Sanogo avait justifié le coup d'Etat de mars 2012 par l'incapacité d'un Etat corrompu à lutter contre la montée des périls dans le nord du Mali - groupes jihadistes et criminels, rébellion touareg...
Mais la région n'a fait que s'enfoncer dans le chaos jusqu'à l'intervention de l'armée française.
Au bout d'à peine deux semaines, Sanogo avait dû rendre le pouvoir à des civils sous la pression internationale mais il gardait une forte capacité de nuisance à Bamako.
Aimant se comparer au général français Charles de Gaulle qui, depuis Londres, avait appelé en 1940 à la résistance contre l'Allemagne nazie et le régime collaborationniste de Vichy en France, Amadou Haya Sanogo n'a jamais combattu dans le nord du Mali contre l'occupation islamiste.
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