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Israël-Palestine : pourquoi les couteaux ont remplacé les pierres

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un combattant palestinien armé de couteaux dans la bande de Gaza, le 12 octobre 2015. (MOHAMMED ABED / AFP)

Depuis plusieurs jours, les attaques au couteau contre des Israéliens se multiplient en Cisjordanie, à Jérusalem et dans la bande de Gaza. Un mode opératoire utilisé à un rythme inédit, propre à une nouvelle génération de combattants palestiniens.

"Le terrorisme au couteau ne nous vaincra pas." Depuis le 1er octobre, les attaques à l'arme blanche contre les Israéliens se multiplient en Israël et dans les territoires palestiniens. Selon un dernier bilan publié mercredi matin, une vingtaine de personnes ont été agressées de cette manière et deux ont été tuées, sans coordination apparente.

Sur les réseaux sociaux et dans les médias israéliens, les images de couteaux et d'agressions circulent en continu. Cette nouvelle vague de violence, appelée par certains observateurs "l'intifada des couteaux", n'a pourtant rien à voir avec les précédentes révoltes, où les Palestiniens utilisaient majoritairement des pierres sous le contrôle d'organisations palestiniennes. Comment comprendre ce nouveau mode opératoire ?

C'est une arme accessible à tous

Le couteau est un objet du quotidien que tout le monde possède chez soi. Disponible partout, il ne demande aucun entraînement, et il est facilement dissimulable. "L'usage d'une arme aussi répandue montre bien que le mouvement est spontané", explique Frédéric Encel, spécialiste du Proche-Orient, à francetv info. "A l'instar de l'intifada de 1987, mais contrairement à celle de 2000, les auteurs de ces attaques ne sont pas dirigés par des organisations palestiniennes, Hamas et Fatah. Ils ont pris les couteaux seuls, comme leurs aînés avaient pris les pierres il y a trente ans."

Un Palestinien est arrêté après avoir poignardé un jeune Israélien à Jérusalem, le 9 octobre 2015. (MENAHEM KAHANA / AFP)

L'usage du couteau est donc avant tout pragmatique, notamment face à la diminution du nombre d'armes dans la bande de Gaza. "Depuis plusieurs années, Mahmoud Abbas, le chef de l'Autorité palestinienne, prône la lutte non-armée et le dialogue, et a restreint le port d'armes, détaille Frédéric Encel. Si l'on n'est pas affilié au Hamas ou au Fatah, il est très difficile de se procurer un fusil, alors que tout le monde a un couteau."

Il est difficile de s'en protéger en amont 

Si le couteau est l'arme la plus basique, "il n'existe aucune réponse sécuritaire à lui apporter", explique à l'Agence France-Presse Miri Eisin, ancienne colonel du renseignement militaire israélien. Sorti d'un sac, caché sous une veste… Il est impossible de prévoir une attaque au couteau.

Les Israéliens sont habitués à développer des solutions techniques contre les menaces, comme le bouclier anti-missiles Dôme de fer contre les roquettes, mais sont pris de court par ce mode opératoire qui s'emploie à un rythme inédit. La seule journée du 3 octobre a ainsi été émaillée de trois agressions. Dans la matinée, un jeune homme de 18 ans, Mustapha al-Khatib, porte un coup de couteau à un policier lors d'un contrôle à Jérusalem-Est, la partie de la ville occupée par Israël. Peu de temps après, une lycéenne de 17 ans poignarde un garde-frontière à la frontière entre Jérusalem-Est et Ouest. En fin de journée, c'est un jeune juif de 13 ans qui est attaqué, alors qu'il circule à bicyclette.

Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, ordonne alors de nouvelles sanctions, comme la destruction des habitations de Palestiniens responsables d’attentats et la révocation du statut de résident de Palestiniens en Israël. A Jérusalem, les mesures de sécurité sont renforcées, notamment dans la vieille ville, où des détecteurs de métaux sont installés et où 2 000 policiers supplémentaires sont déployés.

Des policiers israéliens contrôlent un homme dans Jérusalem-Est, mardi 13 octobre 2015. (AHMAD GHARABLI / AFP)

Mardi 13 octobre, le cabinet de sécurité israélien autorise la police à boucler les quartiers arabes de Jérusalem-Est et à y imposer un couvre-feu

Cette arme crée une véritable "terreur psychologique"

"Une attaque au couteau n'a pas pour fonction première de tuer, mais d'abord de faire peur, et le but est atteint. Les Israéliens sentent le danger, même s'il n'est pas proportionnel à la menace", explique Shaul Kimhi, psychologue et spécialiste des situations de stress et de résilience liées au terrorisme.

Un climat de panique règne chez les Israéliens. Dans la rue, les habitants ont réduit leurs sorties au strict nécessaire, évitant les terrasses de café et les lieux fréquentés, rapporte Libération. Terrorisés par le caractère imprévisible de ces attaques et par l'impossibilité de repérer leurs auteurs, les médias israéliens se mobilisent pour apporter leurs conseils.

A la télévision israélienne, des spécialistes de l'autodéfense sont invités pour montrer des parades spécifiques, comme "éloigner le couteau le plus loin possible de son corps", "faire une clé de bras" ou "tordre le poignet de son agresseur". Les services de secours du Magen David Adom, l'équivalent de la Croix-Rouge, ont diffusé un tutoriel pour apprendre au public les gestes qui sauvent. Ils rappellent qu'il ne faut pas toucher à la lame enfoncée dans la victime, pour ne pas aggraver l'hémorragie.

Le couteau est érigé en symbole du désespoir de "la génération Oslo"

"L'usage d'une arme blanche est devenu typique d'une génération moins politisée et religieuse que ses aînés, et marquée par le désespoir, détaille Frédéric Encel. C'est ce qui effraie les autorités israéliennes, car elles sont incapables de repérer ces individus, puisqu'ils ne sont pas fichés dans leurs services."

Les auteurs de ces attaques sont de jeunes adultes ou des adolescents au casier judiciaire vierge, qui n’appartiennent à aucune organisation palestinienne et agissent comme des "loups solitaires". Loin d'être des extrémistes religieux, ils agissent seuls, sans coordination. "C’est la génération née après les accord d'Oslo de 1993, accords de paix qui ont échoué. Ces jeunes n’ont jamais rien connu d’autre que les affrontements, la guerre et les humiliations, explique Frédéric Encel. Désillusionnés, ils se sont autoradicalisés et sont prêts à tout pour que la Palestine devienne un pays indépendant."

Des Palestiniens transportent l'un des leurs, blessés dans un accrochage avec l'armée israélienne, le 4 octobre 2015 à Jenin (Cisjordanie). (ABED OMAR QUSINI / REUTERS)

A l'instar des pierres ou des attaques à la voiture bélier, le couteau est aussi chez eux un "phénomène de mode", propagé sur les réseaux sociaux. "Chaque fois qu'une lutte débute, elle porte avec elle un nouveau mode opératoire. Il y a eu les pierres, la voiture bélier, les attaques à la grue… Et maintenant le couteau. Les assaillants s'influencent les uns les autres, mais nul ne sait combien de temps ces affrontements vont durer."

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