Israël-Palestine : un mois d'escalade meurtrière
Près d'un mois après l'enlèvement et l'assassinat de trois jeunes Israéliens, des représailles sur deux jeunes Palestiniens font craindre un engrenage de la violence et un conflit ouvert avec le Hamas à Gaza.
Va-t-on vers un nouveau conflit ouvert entre Israël et la Palestine, et une occupation de la bande Gaza ? C'est la crainte des observateurs de la région après la vague de violences et de tensions qui a débuté le 12 juin avec le meurtre de 3 jeunes Israéliens. Mardi 8 juillet, de nouvelles frappes israéliennes ont fait un mort palestinien dans la bande de Gaza. L'armée israélienne se dit prête à toutes les options, y compris une offensive terrestre.
Francetv info revient sur un mois d'escalade de la violence.
12 juin : trois jeunes juifs enlevés près d'Hébron
Le 12 juin, trois jeunes font du stop sur une route proche du Gush Etzion, un bloc de colonies israéliennes situé entre les villes palestiniennes de Bethléem et Hébron, dans le sud de la Cisjordanie. Naftali Frenkel et Gilad Shaer, 16 ans, et Eyal Ifrach, 19 ans, veulent se rendre à Jérusalem. Ils n'arriveront jamais à destination. Vers 22h, l'un d'eux a le temps de donner l'alerte par téléphone : "On a été enlevés". La police croit à un canular jusqu'à ce que, plus tard dans la nuit, les parents d'un des garçons confirment leur disparition. Aucun Israélien n'avait été enlevé depuis 2006 et le soldat Gilad Shalit.
Les 3 étudiants retrouvés morts près d'#Hebron : Eyal Yifrach 19 ans, Naftali Frenkel et Gilad Shaar, 16 ans #Israël pic.twitter.com/hM2YqVN7pV
— Warda Mohamed (@WardaMD) 30 Juin 2014
Pour retrouver les trois jeunes, Israël déploie des moyens de grande envergure. Plus de 7 000 soldats de Tsahal sont envoyés sur le terrain pour passer la Cisjordanie au peigne fin, la plus forte présence militaire israélienne dans cette région depuis la fin de la deuxième intifada en 2005. Au total, plus de 400 Palestiniens sont arrêtés. Malgré le soutien du président de l'autorité palestinienne Mahmoud Abbas, les troupes sont accueillies par des échauffourées, qui font plusieurs morts côté palestinien, et des roquettes sont tirées sur Israël, qui réplique par des frappes aériennes.
30 juin : les corps retrouvés, le Hamas mis en cause
Pour Benyamin Netanyahou, pas de doute : le Hamas est impliqué. Le mouvement islamiste basé à Gaza ne revendique pas l'enlèvement, mais félicite publiquement les ravisseurs. "Tant qu'il y aura une résistance palestinienne en Cisjordanie, l'occupant [israélien] ne se sentira jamais en sécurité" affirme sur son site sa branche armée, peu après la disparition des trois adolescents. L'enquête finit par identifier deux suspects, des militants du Hamas résidant à Hébron, et vus pour la dernière fois quelques heures avant l'enlèvement.
Les corps des trois jeunes sont finalement retrouvés le 30 juin, sous un tas de pierres, dans un petit village près d'Hébron. Ils auraient été tués dans les heures qui ont suivi leur enlèvement, peut-être de façon préméditée, peut-être dans la panique. Leurs funérailles, le lendemain, sont l'occasion d'un discours très offensif du Premier ministre israélien, qui affirme que "le Hamas paiera". En représailles, les maisons des familles des deux suspects, toujours en fuite, sont détruites par des soldats israéliens. Ce type de punition, dissuasives selon Israël, avait été abandonné depuis une dizaine d'années. Pour le site américain Slate (lien en anglais), cette pratique participe à une culture de représailles poussée à l'extrême par les franges les plus radicales des deux bords.
3 juillet : un jeune Palestinien brûlé vif en représailles
Quelques heures plus tard, les tensions prennent un tour encore plus dramatique. Le corps carbonisé de Mohamed Abou Hdeir, un jeune palestinien de 16 ans résidant dans la partie arabe de Jérusalem, est retrouvé au petit matin, jeudi 3 juillet, dans un bois à l'ouest de la ville. A 3h45, alors qu'il attendait son père dans la rue, des témoins avaient vu deux hommes l'emmener de force dans une voiture. Les résultats provisoires de l'autopsie, rendus publics le 5 juillet, révèlent que le jeune homme a été battu, forcé à boire de l'essence, puis brûlé vif.
17 year old Mohammad Abu Khdeir’s body found charred and killed this morning in Jerusalem. pic.twitter.com/iHHjXz1zrb
— Confused Orientalist (@Habibiline) 2 Juillet 2014
Dans les deux camps, l'indignation est unanime. La famille d'un des jeunes israéliens tués, Naftali Frankel, qualifie cet assassinat d'"horrible et méprisable". "Nous avons agi immédiatement pour arrêter les meurtriers. Nous les jugerons et ils subiront toute la rigueur de la loi", promet Netanyahou. Six suspects, âgés de 16 à 25 ans, juifs et appartenant aux milieux religieux extrémistes, sont arrêtés le matin même. Parmi eux, trois sont passés aux aveux, lundi soir, lors d'une reconstitution du crime. Ils auraient agi pour des "motifs nationalistes", et sont soupçonnés d'appartenir à une "organisation terroriste". Les enquêteurs les soupçonnent aussi d'avoir tenté d'enlever un garçon de 9 ans dans un camp de réfugiés, la veille de l'assassinat.
4 juillet : un autre jeune battu par la police israélienne
American teen, cousin of murdered Palestinian, in Jerusalem hospital. Parents say was beaten by police in #Israel >> pic.twitter.com/VWdMZQNSCI
— Jon Williams (@WilliamsJon) 5 Juillet 2014
Un autre débordement n'a pas provoqué les mêmes réactions émues côté israélien. Vendredi 4 juillet, Tarik Abou Khdeir, 15 ans, un cousin de l'adolescent brûlé vif, est tabassé en pleine rue, à coups de poings et de pieds dans le visage, par des officiers de police israéliens au visage masqué. Les images du visage tuméfié du jeune homme, et deux vidéos montrant l'agression d'un jeune garçon qui serait Tarik Abou Khdeir, apparaissent sur internet. Mais cette fois-ci, la police israélienne se défend, expliquant que l'adolescent faisait partie d'un groupe d'individus qui lançaient des projectiles sur les forces de l'ordre, en marge de l'enterrement du jeune Mohamed. La Maison Blanche, notamment, se dit préoccupée, Tarik Abou Khdeir étant citoyen américain.
7 juillet : l'hypothèse d'une intervention terrestre
La crainte de la communauté internationale pousserait-elle le Premier ministre israélien à la modération ? "L'expérience a prouvé que dans des moments comme aujourd'hui, nous devons garder la tête froide" martèle Benyamin Netanyahou face aux membres les plus belliqueux de son gouvernement. En réponse aux tirs de roquette du Hamas, et alors que les meurtriers présumés des trois jeunes israéliens sont toujours introuvables, des voix penchent pour une offensive sur Gaza, le fief de Hamas, pour en finir avec le mouvement. La réticence de Netanyahou face à cette option a finalement raison, lundi, de l'alliance entre son parti le Likoud et les nationalistes d'Israel Beitenou.
Le Premier ministre promet tout de même de "faire le nécessaire" pour ramener le calme dans le sud du pays. Déplorant la mort de 6 combattants dans l'explosion d'un tunnel - dans laquelle Tsahal nie toute responsabilité -, le Hamas réplique dans la soirée par de fortes salves de roquettes, revendiquées par le mouvement pour la première fois depuis 2012. Dans la nuit de lundi a mardi, l'armée israélienne bombarde une cinquantaine de cibles, dont des maisons de responsables du mouvement, dans le but de réduire "la capacité du Hamas à terroriser Israël", comme l'explique son porte-parole. Mais il avertit aussi le mouvement nationaliste palestinien : Israël a rassemblé ses forces et rappelé certains de ses réservistes "qui nous permettront de nous mobiliser si cela est nécessaire".
Signe d'un possible tournant, Mahmoud Abbas, soutien d'Israël depuis le début des recherches des trois jeunes juifs assassinés, a exigé mardi matin la fin de l'offensive à Gaza, en appelant à une intervention de la communauté internationale.
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