Le logiciel espion vendu à Kadhafi devait "chasser le pédophile", pas l'opposant
Pour la première fois, un cadre d'Amesys s'explique. Cette entreprise française a fourni à la Libye de Mouammar Kadhafi un système de surveillance qui a permis l'espionnage d'opposants à l'étranger. Il assure que son logiciel a été "détourné".
C'est un logiciel conçu pour "chasser le pédophile, le terroriste, le narcotrafiquant" qui a finalement servi à traquer l'oppposant politique libyen. En 2008, la société française Amesys livre au régime de Mouammar Kadhafi un système de surveillance et d'interception des communications électroniques et numériques.
Baptisé Eagle, il a permis à la Libye d'espionner les e-mails de sept personnalités de l'opposition en exil, résidant au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. Des révélations faites par le site d'information Owni, le 1er décembre, en partenariat avec Wikileaks.
Pour la première fois, l'un des cadres de cette filiale du groupe Bull s'explique. Le produit a été "détourné", affirme le directeur commercial d'Amesys, Bruno Samtmann, aux journalistes de France 2.
"Cette liste, je ne la connais pas"
Dans le mode d'emploi du logiciel figure une capture d'écran démontrant comment le système peut dresser le profil d'une cible en recensant ses 80 contacts les plus fréquents, dans ses échanges d'e-mails. Il a suffi de quelques clics pour révéler le document masqué sous un cache blanc, comme le rapporte Le Monde, le 5 décembre. Il s'agit d'une liste de pseudonymes et d'adresses électroniques dont seuls les 40 premiers sont visibles. Une partie des contacts d'un certain Annakoa...
Cet internaute n'est autre que Mahmud Nacua, l'un des pères fondateurs de l'opposition libyenne en exil, vivant en Grande-Bretagne et nommé en août ambassadeur de Libye à Londres. "Cette liste, je ne la connais pas", proteste Bruno Samtmann, qui précise qu'elle a été fournie par son client - le régime libyen - sans aucun contrôle d'Amesys.
"C'est vraiment de l'espionnage"
L'entreprise avait déjà démenti dans un communiqué, le 1er septembre, les premières révélations du journaliste Jean-Marc Manach. Mais avec ce document, le spécialiste des questions de surveillance et de liberté sur le net apporte de nouvelles preuves. "C'est vraiment de l'espionnage", juge-t-il tout en expliquant comment il a découvert ce document et comment fonctionne le logiciel fabriqué par Amesys.
Les députés socialistes ont demandé, mercredi 2 novembre, l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire. Ils veulent notamment tirer au clair le rôle éventuel jouer par l'Etat français dans cette affaire.
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