Propos de Michel Onfray utilisés dans une vidéo de l'Etat islamique : la polémique en trois actes
Le philosophe appelle à cesser de bombarder le groupe jihadiste. Des déclarations qui n'ont pas plu à Raphaël Enthoven, professeur de philosophie et animateur de radio sur Europe 1 et Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de "Libération".
Un petit pas vers une notoriété mondiale. Michel Onfray apparaît dans une vidéo de revendication des attentats du 13 novembre, postée sur internet, vendredi dernier, par des jihadistes se réclamant du groupe Etat islamique (EI).
Sur ces images, on peut voir le philosophe appeler à cesser de bombarder l'EI en Irak et en Syrie. Des propos qu'il a réitérés depuis. De quoi lui attirer, lundi, les foudres de Raphaël Enthoven, professeur de philosophie et animateur de radio sur Europe 1 et de Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération. Retour sur cette polémique en trois actes.
Acte 1 : Onfray apparaît dans une vidéo de l'Etat islamique
Le groupe Etat islamique a choisi le philosophe Michel Onfray pour faire sa propagande dans sa cinquième vidéo revendiquant les attentats de Paris. Comme le relaie le spécialiste des mouvements jihadistes Romain Caillet sur Twitter, plusieurs extraits d'interviews de l'écrivain français sont ainsi utilisés.
L'#EI section-#Hassaka publie une 5e vidéo revendiquant les attentats de Paris dans laquelle apparaît Michel Onfray pic.twitter.com/A0pXs6Tqpd
— Romain Caillet (@RomainCaillet) 21 Novembre 2015
Enfin la vidéo s'achève sur une autre intervention Michel Onfray appelant à cesser de combattre les jihadistes. pic.twitter.com/f82qsRjZ9A
— Romain Caillet (@RomainCaillet) 21 Novembre 2015
La vidéo des jihadistes se termine sur un extrait de l'interview de Michel Onfray, réalisée en septembre sur LCI. Le philosophe déclare : "Nous devrions, nous la France, cesser de bombarder les populations musulmanes sur la totalité de la planète." Dès le lendemain des attentats du 13 novembre à Paris, avant d'apparaître dans la vidéo de propagande, l'essayiste avait enfoncé le clou dans ce tweet : "Droite et gauche qui ont internationalement semé la guerre contre l'islam politique récoltent nationalement la guerre de l'islam politique."
Acte 2 : il se justifie par la volonté de calmer les "jeunes soldats de l'EI partout en France"
Interrogé sur l’utilisation de ses propos par l'EI, Michel Onfray estime, samedi 21 novembre, sur i-Télé, qu'on est "toujours instrumentalisé par tout le monde". Il poursuit en reprochant à la France de s'être aligné depuis un quart de siècle, sous toutes les présidences, sauf celle de Jacques Chirac, sur les guerres occidentales lancées en Irak par les Etats-Unis (en 1991 par George Bush père, en 2003 par George Bush fils).
Enfin, il appelle à nouveau à cesser les bombardements contre le groupe jihadiste. "Bombarder l'Etat islamique ne permettra pas de calmer ses jeunes soldats qui sont partout en France et qui seraient susceptibles d'écouter un calife qui, lui, pourrait faire savoir qu'on peut peut-être calmer le jeu dans les relations entre l'Etat islamique et la France", explique-t-il. Comme l'extrême-droite, il dépeint dans cette argumentation une cinquième colonne ennemie présente "partout en France".
Acte 3 : Enthoven et Joffrin s'en prennent aux "sophismes" d'Onfray
Ce ne sont cependant pas ces derniers propos qui vaudront à Michel Onfray les foudres, lundi 23 novembre, des deux éditorialistes Raphaël Enthoven et Laurent Joffrin, mais bien ses considérations sur la politique étrangère de la France. Présenter le groupe Etat islamique en "victime de ses victimes" tient, estime le philosophe Raphaël Enthoven, du "sophisme" (un faux raisonnement, une des pires injures pour un philosophe).
Par quel sophisme #MichelOnfray en vient-il à présenter #Daech comme la victime de ses victimes ? https://t.co/ck2r1x8ZFN
— Raphaël Enthoven (@Enthoven_R) 23 Novembre 2015
L'éditorialiste d'Europe 1 développe son argumentation. "Tenir ces attentats pour la conséquence d'une politique étrangère, c'est à la fois prêter à la France une influence qu'elle n'a plus, et traiter les terroristes avec l'arrogance d'un père", estime Raphaël Enthoven. Il juge que ces "paroles coloniales" perpétuent "le sentiment que ceux qui nous attaquent ne font que répondre à la violence que l'on porte contre eux" au lieu d'agir de leur propre chef.
Dans un article intitulé "Non, Michel Onfray, le monde musulman n'est pas Daech", le directeur de la rédaction de Libération, Laurent Joffrin, lui, s'attaque à un autre argument du philosophe. Celui selon lequel la France "bombarde les populations musulmanes sur l'ensemble de la planète".
Après avoir évoqué le contexte des guerres d'Irak, l'éditorialiste rappelle qu'on "peut contester toutes ces décisions, toutes ces guerres, bien sûr. Mais les présenter comme une simple agression de l’Occident contre l’islam est sommaire et faux. La plupart du temps, il y a des musulmans des deux côtés de la ligne d’affrontement." Pour le journaliste, Michel Onfray est "incapable de penser cette complexité".
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