Conflit en Syrie : "Il y a un risque d'embrasement régional"
Alors qu'une frappe contre le régime syrien semble imminente, francetv info a demandé à Philippe Migault, expert des conflits armés et directeur de recherche à l'Iris, s'il fallait craindre une contagion du conflit.
L'opposition à Bachar Al-Assad l'affirme : une intervention militaire occidentale contre des positions du régime syrien est "une question de jours". Une frappe contre la Syrie, accusée d'avoir utilisé des armes chimiques dans sa guerre contre les rebelles, semble imminente mercredi 28 août : Washington, Paris et Londres alliés préparent le terrain pour une action militaire contre laquelle Damas a promis de se défendre.
Alors que le conflit a déjà fait plus de 100 000 morts en deux ans et demi, Bachar Al-Assad avait mis en garde, en avril, contre un risque de "contagion du conflit directement dans les pays voisins", évoquant un "effet domino". Le président syrien avait-il raison ? Les réponses de Philippe Migault, expert des conflits armés et directeur de recherche à l'Institut de relations internationales (Iris), interrogé par francetv info.
Francetv info : Doit-on redouter un élargissement du conflit syrien à l'ensemble du Moyen-Orient ?
Philippe Migault : Cette guerre est déjà en voie d'élargissement. Des Libanais sont impliqués dans le conflit par le biais du Hezbollah, qui soutient le régime de Bachar Al-Assad. D'autre part, les attentats de Tripoli au Liban constituent aussi une extension du conflit. Il y a donc déjà un problème au Liban, et il pourrait gagner l'ensemble de la région. On a trouvé en Irak un certain nombre de laboratoires clandestins fabriquant des armes chimiques, relevant d'Al-Qaïda. Il se peut que ces laboratoires aient alimenté la filière d'armes chimiques en Syrie. Et la Turquie se propose d'entrer dans le conflit dans le cadre d'une coalition. On sait que la Jordanie est aussi concernée... On peut donc dire qu'il existe un risque d'embrasement de la région.
Bachar Al-Assad est soutenu par l'Iran et la Russie, il a aussi des soutiens au Liban ou en Irak... Ces pays peuvent-ils prendre part au conflit ?
Nous ne sommes pas non plus en 1914. Ces pays-là ne vont pas rentrer en guerre du jour au lendemain pour soutenir Bachar Al-Assad. Mais ils ont des moyens de lui apporter un soutien accru, ou de se livrer à des actions de rétorsion contre les intérêts occidentaux dans la région.
Si les Américains décident d'intervenir, ils violeront le droit international puisqu'ils le feront sans mandat des Nations Unies. Donc là, ce serait la quatrième fois en quinze ans que les Américains prennent une décision violant le droit international, malgré l'opposition de la Russie [1999 : Kosovo ; 2002 : retrait du Traité anti-missile américain ; 2003 : intervention en Irak ; et donc 2013 : Syrie]. Cela fait beaucoup. Et les Russes ont un moyen de rétorsion très simple. Actuellement, il y a des négociations en cours sur le désarmement nucléaire. Les Russes peuvent très bien décider que toutes ces négociations soient gelées et dans le même temps développer de nouveaux programmes de missiles.
Les islamistes radicaux ont-ils intérêt à ce que le conflit déborde ?
Les groupes islamistes par essence, notamment ceux qui relèvent d'Al-Qaïda et qui sont en action en Syrie, n'ont jamais caché que pour eux, la Syrie était une première étape. Leur slogan était 'Damas, cette année. Al Qods [Jérusalem en arabe] l'année prochaine'. Ces groupes islamistes vont partout où ils estiment avoir une chance d'imposer l'islam radical. Aujourd'hui, c'est la Syrie. Demain, cela peut être la frontière israélienne, le Caucase russe, la Jordanie pour chasser le roi, l'Egypte pour y soutenir les Frères musulmans... Par définition, Al-Qaïda n'intervient pas dans un seul pays mais dans l'ensemble du monde musulman. Pour eux, le conflit a donc vocation à s'élargir.
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