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Royaume-Uni: des centaines de milliers d’enfants émigrés de force jusqu’en 1974
Jusqu'en 1974, des centaines de milliers d’enfants britanniques, de 3 à 14 ans, ont été envoyés en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud et au Zimbabwe pour y vivre «une vie meilleure». Une grande enquête indépendante tente d’y voir plus clair sur ce pan oublié de l’histoire d’Albion, au cours de laquelle nombre de ces jeunes ont été battus et abusés sexuellement.
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L’affaire aurait en fait duré… 350 ans, soit la majeure partie de l’histoire coloniale du pays! A en croire Libération, «jusqu’en 1974, environ 350.000 enfants britanniques» ont ainsi été exilés. «C’était un programme destiné à peupler l’Empire avec de bons Britanniques blancs», selon l’un des avocats des victimes, Imran Khan. Le dossier rappelle, sur une beaucoup plus grande échelle, l’affaire des «enfants de la Creuse», ces quelque 2150 petits Français, originaires de la Réunion, emmenés en métropole entre 1963 et 1982 pour repeupler des départements ruraux.
Certains des jeunes Britanniques concernés étaient orphelins. D’autres venaient de familles monoparentales. Nombre d’entre eux étaient originaires de familles très pauvres qui n’avaient pas les moyens de les élever. Et n’ont pas eu leur mot à dire. Certains sont partis «sans même le consentement formel des parents, et laissés dans l’illusion qu’ils étaient orphelins» (Libération).
Ce qui est sûr, c’est que leur déplacement dans les colonies de la Couronne «a conduit à l’abus physique, émotionnel et sexuel d’innombrables enfants, à des milliers de kilomètres de leurs familles», poursuit Me Imran Khan. Officiellement, il s'agissait de leur offrir de meilleures perspectives d'avenir, et de soulager du même coup les institutions sociales britanniques de bouches à nourrir. Tout en contribuant à peupler les territoires d'outre-mer. «Il ne s’agissait pas d'immigration volontaire mais de déplacement forcé», souligne l'association de protection de l'enfance Children Migrants Trust. Un déplacement qui s'est doublé dans de nombreux cas, selon les témoignages recueillis, de mauvais traitements allant jusqu'à «la torture, le viol et l'esclavage», ajoute l’association.
Les mauvais traitements étaient systématiques en Australie, principale destination de ces enfants émigrés de force après la Seconde guerre mondiale et jusqu'à la fin de ce programme mis en place avec le soutien des gouvernements de l'époque, selon un rapport parlementaire de 1998. Entre 7000 et 10.000 jeunes y auraient été envoyés.
Arrivés dans les pays de destination, les enfants étaient apparemment souvent pris en charge dans des lieux reculés par des institutions religieuses, catholiques ou anglicanes.
«Un épisode honteux de l’Histoire»
Apparemment, les problèmes étaient connus des autorités britanniques, comme le montrent des documents officiels révélés par la BBC. En 1956, trois inspecteurs se sont ainsi rendus en Australie pour inspecter 26 sites prenant en charge des petits migrants. Leur rapport, «critique» selon la BBC, épinglait certaines des institutions concernées mais sans faire mention des abus sexuels ou physiques. Il aurait été enterré.
Depuis, le gouvernement de Sa Majesté a fait son mea culpa. En 2010, le Premier ministre travailliste Gordon Brown avait présenté ses excuses pour ce programme.
«A tous les anciens enfants émigrés et à leurs familles, (...) je dis aujourd'hui que nous sommes vraiment désolés. On les a laissés tomber», avait-il déclaré devant la Chambre des Communes. Il avait reconnu «le coût humain associé à cet épisode honteux de l'Histoire» et «la défaillance du premier devoir d'une nation: protéger ses enfants.» Toutefois, il a fallu toutefois attendre l'émotion suscitée en 2012 par le scandale Jimmy Savile, l'ancien animateur de la BBC soupçonné de centaines d'agressions sexuelles sur mineurs, pour que les yeux se braquent à nouveau sur ce drame. Les pouvoirs publics ont alors décidé de mettre en place une enquête publique.
En l’occurrence, cette gigantesque enquête, intitulée «Independent Inquiry into Child Sexual Abuse», et qui a élaboré son propre site internet, a pour mission de se pencher, d’une manière générale, sur les abus sexuels commis sur de jeunes Britanniques. Elle doit durer cinq ans. Il s’agit de tenter de faire la lumière sur l’ampleur des abus. Et de tenter de savoir «jusqu’à quel point les institutions ont échoué pour protéger les enfants». Pour l’avocat Imran Khan, cité par Libération, «le fait que les témoignages (des petits «migrants» de force) soient tellement similaires (…) ne peut signifier qu’une chose: il s’agissait d’un problème systématique et institutionnel». Un dossier dont on n’a sans doute pas fini de parler.
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