La Tchétchénie accusée d'arrêter et de torturer des homosexuels
"Novaïa Gazeta", bihebdomadaire russe d'investigation, fait état d'arrestations massives d'homosexuels en Tchétchénie. Plusieurs ONG appellent à une "action urgente".
Le bihebdomadaire d'opposition russe Novaïa Gazeta (article en russe) a accusé, début avril, la Tchétchénie d'organiser une vague de répression sans précédent contre les gays. Plus d'une centaine d'homosexuels ou soupçonnés de l’être auraient été arrêtés et seraient détenus dans des "prisons secrètes", notamment à Argoun, non loin de Grozny, selon les accusations du journal d'investigation relayées par Courrier international. Au moins trois personnes seraient mortes, indique Novaïa Gazeta qui précise que des témoins affirment que les victimes sont plus nombreuses encore.
Un "nettoyage préventif" des autorités
Le magazine moscovite (article en russe) a également publié des témoignages anonymes qui font état de cas de tortures, accompagnés de photos - choquantes - montrant des blessures. Les hommes arrêtés seraient contraints de livrer les noms d’autres homosexuels de leur entourage. Une victime raconte avoir été passée à tabac "plusieurs fois par jour", battue avec des tuyaux en polypropylène ou encore avoir été la cible de décharges électriques, rapporte L'Obs.
Toujours selon Novaïa Gazeta, c'est la volonté de militants LGBT d'organiser des gay pride dans plusieurs villes du Caucase du Nord qui a entraîné cette vague de répression de la part des autorités (dont le président du Parlement tchétchène et le chef de la police d'Argoun) qui se sont lancées dans un "nettoyage préventif". Début avril, le New York Times (article en anglais) faisait déjà état de rumeurs parmi les militants des droits de l'Homme faisant état d'enlèvements d'hommes âgés de 16 à 50 ans au cours des dernières semaines en Tchétchénie.
Des informations "conformes" aux témoignages recueillis par Human Rights Watch
A la suite de ces révélations, plusieurs ONG ont réagi. "Ces hommes auraient subi des actes de torture ou d’autres mauvais traitements, et auraient été contraints à divulguer l’identité d’autres personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres de leur connaissance", déplore Amnesty International (document PDF) qui lance un appel à l'"action urgente".
"Des membres de l’ONG Russian LGBT Network [article en russe] ont confirmé ces informations et ont ouvert une ligne téléphonique d’urgence pour aider les personnes qui auraient besoin de se mettre en sécurité en dehors de la région", précise Amnesty International. "Si vous vous sentez en danger, si l’on vous menace, contactez-nous immédiatement à l’adresse kavkaz@lgbtnet.org", écrit Russian LGBT Network.
De son côté, Human Rights Watch (en anglais) va plus loin : "Les informations publiées par Novaïa Gazeta sont conformes aux témoignages que Human Rights Watch a récemment reçus de la part de nombreuses sources de confiance, y compris des sources sur le terrain. Le nombre de sources et la cohérence des témoignages ne laissent aucun doute quant au fait que ces événements ont effectivement eu lieu."
"L'homosexualité n'existe pas ici"
Le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, a également publié un communiqué (en anglais) sur la situation le vendredi 7 avril, sommant les "autorités fédérales russes de se prononcer contre de telles pratiques, prendre des mesures pour assurer la libération de toute personne injustement détenue, mener des investigations indépendantes et crédibles sur ces rapports et de désigner les responsables" de ces actes.
De son côté, Alvi Karimov, porte-parole du dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, a estimé qu'il était impossible d'"arrêter ou réprimer des gens qui n'existent pas dans la République. L'homosexualité n'existe pas ici." Interrogé par l'agence de presse Interfax (article en anglais du Washington Post), il a lancé un message sans équivoque en référence au climat dangereux pour les LGBT : "Si de telles personnes existaient en Tchétchénie, les forces de l'ordre n'auraient pas à se soucier d'eux, vu que leurs propres parents les auraient déjà envoyés là où ils ne pourraient jamais revenir."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.