"Quand il a sorti son arme, j'ai cru à une performance théâtrale" : le photographe du tireur d'Ankara raconte
Ces photos, qui semblent tirées d'un film, ont marqué les esprits. Elles sont le fruit des réflexes professionnels et du courage de Burhan Ozbilici, photographe d'Associated Press.
"L'événement semblait être de routine: l'inauguration d'une exposition de photographies de Russie. Alors quand un homme en costume-cravate noir a brandi un pistolet, j'ai cru à une performance théâtrale." C'est par ces mots que le photographe d'Associated Press commence son récit sur APNews de "l'assassinat froid et calculé" de l'ambassadeur russe Andreï Karlov dans une galerie d'art à Ankara, lundi 19 décembre.
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Le fruit du hasard
S'il y a eu d'autres photos du tueur, notamment de différents médias turcs, ce sont celles de Burhan Ozbilici, particulièrement nettes et cadrées de près, qui ont été retenues par les journaux pour leur numéro de mardi. L'une d'elle a notamment fait la Une du New York Times. Le quotidien américain a expliqué auprès de ses lecteurs, en partie choqués, que cette photo d'un "fait d'actualité majeur" était "saisissante mais pas gore".
Les photographies de ce tueur en costume élégant, prises de près, semblent presque mises en scène. Comment ont-elles été possibles ? "Par hasard" répond le photographe. S'il est présent à cette inauguration, raconte-t-il, c'est uniquement parce que "la galerie était sur le chemin de chez moi depuis mon bureau". Arrivé au milieu du discours de l'ambassadeur, il s'est approché de lui pour le photographier "en pensant que les images pourraient être utiles pour illustrer des papiers sur les relations turco-russes."
Il ajoute, visiblement ému : "Il parlait doucement et (...) avec amour de son pays natal (...). Je me rappelle avoir pensé qu'il semblait très calme et très humble."
"Je suis journaliste, je dois faire mon travail"
Plusieurs coups de feu retentissent alors, l'ambassadeur s'effondre devant lui."Ca m'a pris quelques secondes pour me rendre compte de ce qui était arrivé : un homme était mort devant mes yeux", écrit-il. Et, alors que le tireur fait les cent pas et harangue le public de l'exposition, Burhan Ozbilici s'avance et le photographie.
Il agit en toute conscience, par devoir professionnel, explique-t-il. "J'avais peur et je savais que j'étais en danger s'il se tournait vers moi (...) Voici ce que j'ai pensé : 'Je suis présent, même si je suis touché et blessé, ou tué, je suis un journaliste. Je dois faire mon travail.' J'aurais pu m'enfuir sans prendre aucune photo...Mais je n'aurais pas eu une réponse correcte si on m'avait posé la question : 'Pourquoi n'as-tu pas pris de photos ?'"
Le tireur demande à tout le monde de reculer. Avec les autres personnes présentes, Burhan Ozbilici sort de la galerie quand les forces de sécurité leur ordonnent, et fonce vers son bureau.
C'est en éditant ses photos que le journaliste tombe sur une scène glaçante : "J'étais choqué de voir que le tireur se tenait derrière l'épaule de l'ambassadeur quand il parlait. Comme un ami, ou un garde du corps".
Cette photo puissante de l'ambassadeur, son futur assassin en arrière-plan, est d'ailleurs presque autant partagée sur les réseaux sociaux que celles du tireur qui agite son bras, le corps d'Andreï Karlov à ses pieds.
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