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Cinq questions sur la "bataille des toilettes" qui fait rage aux Etats-Unis

En Caroline du Nord, une loi interdit désormais aux personnes transgenres d'utiliser les WC publics correspondant à l'identité à laquelle elles s'identifient. Un texte discriminatoire qui crée la polémique au sein de la société américaine.

Article rédigé par franceinfo
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Un signe neutre a été installé à l'entrée des toilettes du "21C Museum Hotel" de Durham en Caroline du Nord, le 10 mai 2016. (SARA D. DAVIS / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

La "bataille des toilettes" n'en finit plus aux Etats-Unis. Un débat passionné sur l'accès aux toilettes publiques pour les personnes transgenres s'est engagé après la décision de certains Etats américains d'exiger qu'elles utilisent les toilettes publiques correspondant à leur sexe de naissance. Associations, entreprises et politiques s'affrontent sur ce sujet qui s'est invité dans la campagne présidentielle. Francetv info reprend le fil de cette controverse.

Quelle est l'origine de la polémique ?

La "bataille des toilettes" a débuté en mars en Caroline du Nord, sur la côte est des Etats-Unis. Cet Etat est devenu le premier du pays à adopter une loi qui exige des transgenres qu'ils se rendent dans des toilettes correspondant à leur sexe de naissance, lorsqu'il s'agit de lieux publics. Pour pouvoir choisir les commodités réservées au sexe auquel ils s'identifient, les transgenres doivent être en mesure de présenter des papiers d'identité conformes.

La nouvelle législation, nommée HB2, s'applique notamment aux écoles. La mesure a été votée dans la précipitation en réponse à une ordonnance de la ville de Charlotte qui permettait aux trans de choisir les toilettes qui correspondaient à leur identité de genre, comme le raconte Slate.

Le Mississippi a ensuite emboîté le pas à la Caroline du Nord en avril, et des Etats conservateurs comme le Texas envisagent désormais ce type de dispositif. Pour mémoire, le National Center for Transgender Equality estime que le nombre de personnes transgenres aux Etats-Unis oscille entre 0,25 et 1% de la population américaine.

Quelles sont les réactions ?

La loi a déclenché de nombreuses protestations d'abord de la part des associations de défense des transgenres et homosexuels, qui évoquent des mesures discriminatoires. Plusieurs entreprises et vedettes se sont mêlées au débat. La société de paiements par internet PayPal a par exemple annulé son projet d'ouvrir un centre en Caroline du Nord qui emploierait 400 personnes.

Des vedettes comme Bruce Springsteen, Ringo Starr ou le groupe Pearl Jam ont annulé des concerts dans l'Etat. "Je pense que le moment est venu pour moi et le groupe de faire preuve de solidarité avec les combattants de la liberté", a par exemple expliqué Bruce Springsteen sur son site. La ville de New York a de son côté promulgué un décret pour assurer que l'accès aux toilettes publiques de la ville serait possible selon l'identité de genre.

Certaines choses sont plus importantes qu'un spectacle de rock et cette lutte contre les préjugés et le sectarisme (...) est l'une d'entre elles.

Bruce Springsteen

sur son site internet

Quels sont les arguments des conservateurs ?

Les défenseurs de la position de la Caroline du Nord avancent deux arguments principaux, l'un religieux, l'autre sécuritaire. "Pas d'homme dans les toilettes des femmes", martèlent-ils sur les réseaux sociaux ou dans les rassemblements. Ils affirment que la loi est nécessaire pour protéger les femmes des prédateurs sexuels.

Les associations de défense des valeurs familiales chrétiennes, telle que l'American Family Association, sont en première ligne. Elles sont par exemple montées au créneau avec une pétition signée par plus d'un million de personnes pour boycotter les magasins de la chaîne de supermarchés Target qui avait pris position contre la loi.

Pour les groupes de protection des droits civiques, cette offensive réactionnaire peut s'expliquer par les récentes ouvertures législatives en faveur des droits des LGBT. "Je pense que les opposants au mariage gay et lesbien réalisent qu'ils ont perdu la bataille juridique et ont réorienté leur stratégie vers les transgenres", estime Katherine Franke, directrice du Centre de la législation du genre et de la sexualité à l'université de Columbia.

Quelle est la position de l'administration Obama ?

Le gouvernement américain a d'abord réagi sur un terrain judiciaire après avoir estimé que la législation sur les toilettes était discriminatoire et illégale. Washington a sommé la Caroline du Nord de revenir sur cette loi sous peine de voir ses fonds fédéraux coupés. Puis l'administration Obama a passé la vitesse supérieure, en publiant, vendredi 13 mai, des directives censées garantir un accueil non-discriminatoire des personnes transgenres en milieu scolaire. Des recommandations qui affirment clairement que l'accès aux toilettes et aux vestiaires publics doit se faire selon le sexe auquel un élève s'identifie.

Ces directives n'ont pas force de loi, mais jouent un rôle de mise en garde. Elles avertissent les autorités locales de l'enseignement public qu'elles risquent de perdre leurs subventions fédérales si elles ne s'y conforment pas. Selon la ministre de la Justice Loretta Lynch, la loi adoptée le 23 mars par la Caroline du Nord va à l'encontre des principes d'équité et d'intégration censés être garantis aux citoyens américains. Elle a assuré à la communauté transexuelle : "L'Histoire est de votre côté."

Quelle est la position des candidats aux primaires ?

Le débat s'est évidemment invité dans la campagne des primaires américaines. Du côté démocrate, Hillary Clinton et Bernie Sanders ont tous deux condamné l'initiative de la Caroline du Nord en affirmant qu'il n'y avait pas de place pour une telle animosité envers les LGBT dans l'Amérique moderne, comme le relaye The Advocate (en anglais).  

Côté républicain, Donald Trump s'est posé de manière surprenante en champion de la tolérance. Il a déclaré que les transgenres devraient pouvoir utiliser les toilettes qu'ils veulent. Une position qui a tranché avec les commentaires de son ancien opposant Ted Cruz qui, avant d'abandonner la primaire républicaine, avait tweeté : "Nous ne devrions pas permettre que des petites filles seules se retrouvent dans des toilettes avec des hommes adultes. C'est une très, très mauvaise idée."

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