Dans dix ans, le silence aura disparu de la surface de la Terre
Gordon Hempton, amoureux du silence, traque les zones de son pur aux quatre coins du monde. Selon ce bio-acousticien américain, le silence pourrait disparaître de notre planète dans les dix prochaines années.
Des oiseaux, le souffle fragile du vent dans le feuillage des arbres, peut-être aussi celui, cristallin, de l’eau qui coule dans une rivière : ici, seuls les bruits de la nature parviennent à l’oreille du promeneur.
Plus qu'une douzaine de lieux silencieux aux USA
Depuis trente-cinq ans, le bio-acousticien Gordon Hempton traque ces rares endroits où le son des éléments naturels est encore intact. L’affaire se révèle de plus en plus difficile pour cet amoureux du silence. "Dans les années 80, trouver du silence était beaucoup plus facile, même si trouver un lieu silencieux pendant au moins quinze minutes prenait déjà des semaines. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus difficile : après une trentaine d’années de recherche, il n’y a qu’une douzaine de lieux aux Etats-Unis où l’on peut trouver un quart d’heure de silence d’affilée", se désole le chercheur à la radio américaine NPR.
Les lieux où l’on peut bénéficier du silence sont aussi communs que ceux avec de l’eau ou de l’air pur
Gordon Hempton ne recherche pas le silence absolu - impossible à trouver dans la réalité - mais plutôt l’absence de pollution sonore d’origine humaine. Aujourd'hui, il souhaite alerter le monde de la disparition de ces lieux. "Les lieux où l’on peut bénéficier du silence sont aussi communs que ceux avec de l’eau ou de l’air pur, explique-t-il. Et pourtant, ils sont en voie de disparition et se sont éloignés de nous sans même que nous nous en rendions compte."
En France, une seule zone de silence, nichée en plein Paris
Selon le bioacousticien, il ne resterait qu'une cinquantaine de zone de silence à travers le monde : une dizaine en Afrique, douze en Amérique du Nord, mais plus un seul en France. Pour le cas français, Mylène Pardoen, docteur en musicologie, affirme pourtant en avoir trouvé au moins une, nichée en… plein Paris, dans la prison des femmes de la Conciergerie. "C’est typique de ce que j’appelle un puits de silence, indique la chercheuse. Ce n’est pas super silencieux comme à plusieurs milliers de mètres d’altitude, mais par rapport aux bruits de la ville, on se retrouve d’un seul coup dans un monde plongés dans un autre monde. Silencieux."
Le silence de nos quotidiens est devenu cotonneux, sans saveur
La notion de silence est en effet relative en fonction de chacun. Mais, pour Mylène Pardoen, il semble que le bruit soit devenu, avec le temps, une nuisance pour la majorité des personnes : "De plus en plus, les ambiances deviennent cotonneuses, comme dans un petit cocon. Ainsi, on met des protections pour éviter le bruit des voisins. On installe du double-vitrage pour que le bruit de la rue n’entre pas. Mais, protégés du son, nous en perdons toutes les saveurs."
Réapprendre à savourer les sons de la natuure est ainsi l'objet du travail de Gordon Hempton. Micro à la main, il continue à enrichir sa bibliothèque de milliers d’heures de "sons de la vie". Une collection extraordinaire d’éléments répertoriés dans la soixantaine d’albums qu’il a publiés.
* Mylène Pardoen est aussi archéologue des sons. Elle a notamment reconstitué l’ambiance sonore du quartier du Grand Châtelet à Paris, au XVIIIe siècle. Son projet, qui associe historiens et spécialistes de la 3D, est visible sur le site internet du CNRS, ici.
* Retrouvez Gordon Hempton sur son blog, là.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.