Cet article date de plus de sept ans.

Barack Obama n'est pas le super-président que vous imaginez : ses quatre plus gros ratés à la Maison Blanche

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
Le président Barack Obama et le vice-président Joe Biden dans le bureau ovale, le 17 octobre 2016.  (YURI GRIPAS / AFP)

Guantanamo, dossier syrien, régulation de la vente d'armes à feu... Après huit ans, Barack Obama quitte la Maison Blanche avec un beau bilan, mais aussi quelques gros regrets.  

Au moment de quitter la Maison Blanche, Barack Obama peut se targuer d'une cote de popularité de 53%, selon le baromêtre quotidien de l'institut Gallup, lundi 7 novembre. Il a réformé le système de santé, remis les Etats-Unis sur les rails de la croissance et de l'emploi en dépit d'une crise financière historique, renoué des relations avec Cuba, signé l'accord de Paris contre le réchauffement climatique... En huit ans, le président américain n'a pas chômé, luttant souvent contre un Congrès dominé par les républicains, bien décidé à torpiller chacun de ses objectifs.

Pourtant, certaines de ses promesses sont restées lettre morte. Selon le site Politifact (en anglais), Barack Obama a mené à bien seulement 45% de son programme. Dans 26% des cas, il a dû se soumettre au compromis. Et parfois renoncer ou se renier : 22% de ses promesses n'ont pas du tout été tenues, tandis que 1% d'entre elles sont au point mort, et 5%, toujours en cours de réalisation. Avec un tel bilan, nourrit-il quelques regrets ? Franceinfo revient sur les espoirs déçus d'un président qui pensait que tout était possible. 

Guantanamo : un boulet au pied d'Obama (pour l'instant)

Ce qu'il a promis. L'engagement de Barack Obama était clair : "Fermer le centre de détention de Guantanamo Bay." Lancée à l'initiative de son prédécesseur George W. Bush et motivée par "la guerre contre le terrorisme", cette base américaine installée sur le sol cubain et reconvertie a compté jusqu'à 775 prisonniers, tous suspectés d'activités terroristes ou de soutiens à des groupes terroristes. "C'est devenu un outil de recrutement pour nos ennemis, peut-on lire dans un document de campagne de 2008 (PDF en anglais). Le cadre légal derrière Guantanamo est un échec complet, avec seulement une condamnation."

Ce qu'il a fait. Quand Barack Obama arrive au pouvoir, ils sont encore 242 prisonniers à Guantanamo. Dès son deuxième jour dans le bureau ovale, le 22 janvier 2009, Barack Obama en profite pour prononcer un décret, demandant la fermeture du centre de détention d'ici la fin de l'année, relate le New Yorker (en anglais). En novembre 2016, huit ans plus tard, il est toujours ouvert et accueille encore 76 prisonniers, poursuit le site de l'hebdomadaire. Chaque année, le président a annoncé sa volonté de fermer l'établissement, sans jamais y parvenir. 

"Négociations tendues avec des dignitaires étrangers, prises de bec dans la 'Situation Room' de la Maison Blanche et une longue bataille avec le Pentagone [qui abrite le ministère de la Défense]" ont sans cesse repoussé l'échéance, explique le New Yorker. Décidé à vider la prison, à défaut de la fermer – ce qui reviendrait sensiblement au même pour Barack Obama –, le président s'est heurté au Congrès républicain, vivement opposé au transfert des prisonniers sur le sol américain, rappelle Politifact (en anglais). Tout n'est pas terminé pour autant, précise le New Yorker : il pourrait profiter des semaines qui séparent l'élection de son successeur et son investiture en janvier pour prendre d'ultimes mesures en dehors du cadre législatif. 

Le contrôle des armes à feu : une ambition entravée par le Congrès 

Ce qu'il a promis. Le 14 décembre 2012, un jeune collectionneur d'armes, Adam Lanza, pénètre dans l'école primaire Sandy Hook, à Newtown, une petite ville du Connecticut. Il tue vingt-six personnes : vingt enfants, tous âgés de 6 et 7 ans, et six adultes, avant de retourner l'arme contre lui. Barack Obama, tout juste réélu au moment des faits, évoquera plus tard cette date comme le pire jour de sa présidence. Quelques heures après le drame, il s'adresse aux Américains à la télévision, dans un discours historique pendant lequel il ne parvient pas à retenir ses larmes. "Nous ne pouvons plus tolérer cela, et pour mettre un terme à ces tragédies nous devons changer", lance-t-il.

Ce qu'il a fait. En dépit de l'émotion générale, le Congrès, dominé par les républicains, rejette, à peine quatre mois plus tard, une série de propositions (listées par le New York Times) visant à limiter le port d'armes aux Etats-Unis, via davantage de contrôles et l'interdiction des armes d'assaut. Les années passent, les fusillades se succèdent, avec notamment celles de Charleston, en juin 2015, et d'Orlando, un an plus tard. A chaque fois, le président rappelle sa volonté d'encadrer strictement les ventes d'armes. Pour avoir annoncé en janvier 2016 le renforcement des moyens accordés aux vérifications, le site Politifact (en anglais) estime que la promesse du président est "en cours de réalisation", quand bien même il n'est pas parvenu à faire passer une loi au niveau fédéral. 

Le 8 novembre, jour de l'élection présidentielle, les habitants de quatre Etats américains doivent se prononcer sur l'adoption de lois limitant les ventes d'armes. Cette approche, Etat par Etat, permet de contourner le blocage systématique du Congrès, explique le Christian Science Monitor (en anglais), dans l'attente d'une loi fédérale susceptible d'encadrer plus strictement le second amendement de la Constitution, si cher à de nombreux Américains. 

La politique étrangère : les limites de la "doctrine Obama"

Ce qu'il a promis. Quand la victoire de Barack Obama est annoncée, ce soir de novembre 2008, le correspondant du Guardian (en anglais) à Chicago se souvient d'avoir interviewé une jeune femme dans un bar : "Mon homme est en Afghanistan. Il va rentrer à la maison !", se réjouissait-elle. Après les bourbiers irakiens et afghans de l'ère Bush, Barack Obama avait en effet promis de "faire rentrer les 'boys' à la maison". Sa promesse d'alors : désengager les Etats-Unis du Proche et du Moyen-Orient, passer d'"acteur indispensable" à "partenaire indispensable", préférant agir en tant que coalition plutôt qu'en tant que "gendarme du monde", explique à La Croix la politologue Alexandra de Hoop Scheffer, spécialiste des relations transatlantiques. 

Ce qu'il a fait. Après les printemps arabes et les bouleversements en Libye et en Syrie, "sa politique étrangère dans la région [a été] un échec complet", tranche David Rothkopf, rédacteur en chef du groupe Foreign Policy, sur Slate. Contraint de renvoyer des troupes en Irak, le président n'a cessé de ralentir le retrait des militaires en Afghanistan : ils seront encore plus de 8 000 déployés jusqu'en 2017. "Géopolitiquement parlant, nos échecs et notre inaction auront poussé les pays de la région à chercher le soutien d'autres grandes puissances", analyse David Rothkopf, relevant que "l'influence américaine [fond] comme neige au soleil." 

Dans le dossier syrien, Barack Obama a perdu "sa crédibilité sur la scène internationale", estime le spécialiste des relations internationales François Heisbourg, président de l’International Institute for Strategic Studies à Londres. Interrogé par Le Temps, il revient sur l'épisode de "la ligne rouge", en 2012. A l'époque, le président américain menace de représailles si le régime syrien fait usage d'armes chimiques sur la population. En août 2013, les forces de Damas franchissent cette limite. Barack Obama hésite, puis renonce à intervenir militairement, conformément à la "doctrine Obama". Résultat : le conflit se militarise à la faveur de la Russie et de l'Iran, deux pays alliés de Bachar Al-Assad. Un échec diplomatique aux conséquences directes : Hillary Clinton, son ancienne secrétaire d'Etat, envisage d'être une présidente plus interventionniste, renouant avec une vision plus traditionnelle de la politique étrangère américaine. 

Réconcilier l'Amérique : un échec cuisant

Ce qu'il a promis. Pendant la campagne de 2008, Obama se présente en candidat de l'espoir, mais aussi de la réconciliation. "En raison de mon vécu et des circonstances, j'ai au moins le potentiel pour rassembler des gens qui pourraient être méfiants les uns vis-à-vis des autres, expliquait-il à Politico (en anglais). Ce n'est pas qu'une question de couleur de peau, d'ailleurs. Je viens aussi d'une aile progressiste du parti démocrate, mais j'ai toujours eu d'excellentes relations avec mes collègues les plus conservateurs." 

Ce qu'il a fait. Dès l'issue du premier mandat d'Obama, en 2012, Politifact (en anglais) estime que sa promesse n'a pas été tenue. Le site relève qu'au contraire, jamais le Congrès n'a été si polarisé, démocrates d'un côté et républicains de l'autre. Cette division se traduit par un immobilisme record, les uns bloquant systématiquement les projets de loi des autres. Une étude publiée en 2016 par le Pew Research Center (en anglais) montre même que l'antipathie entre sympathisants démocrates et républicains n'a jamais été aussi élevée en vingt-cinq ans.

Outre le clivage politique, le fossé s'est aussi agrandi entre les communautés. "Son élection a agité une autre fraction de la population blanche, qui reste conservatrice et raciste", analyse Orlando Patterson, professeur en sociologie à l'université d'Harvard et référence sur les questions raciales aux Etats-Unis, interrogé par franceinfo. Un sondage publié en 2015 par le New York Times (en anglais) confirme que les Noirs et les Blancs ont le sentiment que leurs relations se sont détériorées depuis 2009. 

Le président américain n'a par ailleurs pas su mettre un terme aux discriminations policières dont les Noirs font l'objet, rapporte encore Politifact (en anglais). Or, "il aurait dû s'occuper bien plus tôt du taux élevé d'incarcération des Noirs", relève Orlando Patterson. "Ce problème englobe tout le système judiciaire, lequel cible beaucoup plus les Noirs, les arrête davantage, les emprisonne plus souvent et les condamne à des peines de prison plus lourdes que les Blancs ayant commis les mêmes infractions." Cette inégalité est brutalement apparue aux Américains dans les villes où de jeunes Noirs ont été abattus par des policiers blancs, ce qui a donné lieu à des émeutes et des manifestations pacifistes au cri de "Black Lives Matter" ("La vie des Noirs compte").

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.