Hillary Clinton a-t-elle déjà gagné la présidentielle américaine ?
Un duel entre la démocrate et le républicain Donald Trump semble de plus en plus probable. Mais ce match tournera-t-il forcément à l'avantage de l'ex-Première dame ?
L'affiche se dessine. Sauf coup de théâtre, la présidentielle américaine de novembre opposera Hillary Clinton à Donald Trump. La démocrate et le républicain sont en passe de sortir vainqueurs de la longue campagne des primaires. Ce duel annoncé entre l'ex-Première dame de 68 ans, conjointe de l'ex-président Bill Clinton et ancienne secrétaire d'Etat de Barack Obama, et l'homme d'affaires de 69 ans, milliardaire et populiste, tournera-t-il à l'avantage de la première ? Francetv info apporte quelques éléments de réponse.
Oui, les sondages donnent Clinton gagnante
Depuis un an, les sondages testant un duel entre Hillary Clinton et Donald Trump ont en moyenne toujours annoncé une victoire de la démocrate sur le républicain, calcule le Huffington Post. Au gré de la campagne des primaires, les intentions de vote en faveur de Donald Trump ont parfois tutoyé les prédictions de scores de Hillary Clinton, mais elles ne les ont jamais dépassées. Et rares sont les enquêtes d'opinion qui ont donné Trump vainqueur sur Clinton. La moyenne des derniers sondages donne l'ex-Première dame élue avec 46,6% des suffrages contre 39,9% pour l'homme d'affaires.
Oui, Clinton a une base électorale plus large que Trump
Jamais candidats à la présidentielle n'ont été aussi peu appréciés par les Américains. Seule consolation pour Hillary Clinton, Donald Trump est encore plus impopulaire qu'elle. Il compte même plus de 50% d'opinions défavorables, selon la moyenne des sondages établie par Vox. "Il s'est mis à dos tous les électeurs qui ne sont pas blancs", résume Nicole Bacharan.
Le racisme et le machisme affichés par Donald Trump sont de nature à inciter un certain nombre d'électeurs à se tourner vers Hillary Clinton : les électeurs afro-américains et latino-américains, les femmes célibataires et les jeunes notamment. Autant de votes que la démocrate cherche à assurer, observe New Republic.
"Donald Trump part avec un très gros handicap par rapport à Hillary Clinton : la démographie américaine et la carte électorale sont contre lui", explique la politologue Nicole Bacharan. Le républicain ne cible qu'une frange minimale de l'électorat. "Pour l'emporter, il fait le pari de faire venir aux urnes tous les électeurs blancs qui ne votent pas. Mais y parviendra-t-il ?", s'interroge la spécialiste de la vie politique américaine.
Face au polémique Donald Trump, le camp démocrate compte jouer la carte de l'unité nationale, présentant Hillary Clinton comme une présidente capable de rassembler le pays, là où son rival républicain risque de le diviser un peu plus. Le président de la campagne d'Hillary Clinton a donné un aperçu de cet angle d'attaque. "Donald Trump a montré qu'il n'était pas rassembleur et n'avait pas le tempérament pour diriger notre pays et le monde libre", a lancé John Podesta, cité par le Los Angeles Times, avant de trancher : "Donald Trump est un pari trop risqué."
Oui, Trump divise jusque dans son propre camp
A force de provocations et de droitisation de son discours, le controversé Donald Trump s'est mis à dos une partie de l'électorat républicain traditionnel, conservateur certes mais plus modéré. "Des républicains vont voter pour Hillary Clinton, d'autres vont s'abstenir", affirme Nicole Bacharan.
"Trump commence la campagne générale dans une position précaire. Comment va-t-il se réconcilier avec le reste du parti", s'interroge Larry Sabato, de l'Université de Virginie. "Le noyau intellectuel du parti républicain lui reste irrémédiablement hostile." "Nous voulons unifier le parti républicain", a d'ailleurs déclaré Donald Trump lors de son dernier discours en date depuis la tour Trump, à New York. Le choix de son colistier pourrait être un moyen d'obtenir les faveurs de ces réfractaires. Sur ABC, Donald Trump a assuré qu'il choisirait bien un républicain, "probablement quelqu'un avec une expérience politique", "plus que probablement" un élu.
"Donald Trump va-t-il abandonner sa stratégie habituelle, faite de violentes attaques, et opter pour un discours plus apaisé ? C'est possible", avance Nicole Bacharan. "Lors des précédentes campagnes présidentielles américaines, cette stratégie a été celle de nombreux candidats républicains, à commencer par Mitt Romney. Mais c'est justement ce qui est en train de miner leur parti. Beaucoup de républicains pensent d'ailleurs que leur parti est en train de mourir." Une solution qui n'est pas sans risques pour le candidat. "Si Donald Trump s'y essayait, ses supporters ne le reconnaîtraient plus", estime l'experte.
Peut-être, même si Trump reste un adversaire redoutable
"Au sein des deux partis, démocrate comme républicain, aucun stratège ne croyait en Donald Trump", rappelle la politologue Nicole Bacharan. "Personne ne pensait qu'il irait jusque-là." Pour tous, il était celui qui avait envisagé de se présenter en 1988, en 2000, en 2004 et en 2012, et avait renoncé. Il a fait mentir les pronostics.
En dépit de son absence d'expérience politique, Donald Trump est parvenu en dix mois et demi d'une virulente campagne à éliminer quinze autres candidats. L'homme d'affaires a enchaîné les victoires, sans jamais changer de tactique ni adoucir son ton, servant aux conservateurs un discours populiste, protectionniste et isolationniste. Il a ciblé, encore et toujours, les démocrates et s'est violemment attaqué à Hillary Clinton. Un piège dans lequel il est délicat de ne pas tomber. "Si elle répond aux attaques de Donald Trump, elle tombera à son niveau, mais si elle les ignore, elle pourrait donner l'impression d'être faible ou de vouloir fuir l'affrontement", analyse New Republic.
"La candidate et son équipe sont focalisés sur l'affrontement avec Donald Trump", confirme Nicole Bacharan. "Ils travaillent sur un angle précis : 'Donald Trump dit tout et n'importe quoi'. Et ils tentent de le démontrer avec des arguments rationnels. Hillary Clinton ne parvient pas à susciter une adhésion venant du cœur, elle tente donc de convaincre les électeurs en s'adressant à leur raison. Face à elle, Donald Trump fait exactement l'inverse." Hillary Clinton ne s'y est pas trompée. "La campagne va être très dure", a-t-elle confié sur MSNBC.
Non, Clinton ne séduit pas les jeunes électeurs
Pour se faire élire, Hillary Clinton cherche à rassembler l'électorat qui a élu et réélu Barack Obama. Mais au bout de huit années de présidence, cette coalition est à reconstruire. Il lui reste ainsi un électorat clé à conquérir : les jeunes. "Ces électeurs en quête d'un renouvellement de la classe politique soutiennent Bernie Sanders et ses idées progressistes. Ils ne vont donc pas voter pour Donald Trump, mais vont-ils accepter de faire un compromis en votant pour Hillary Clinton, ce n'est pas certain", juge Nicole Bacharan.
En restant dans la course jusqu'au dernier moment, Bernie Sanders ne facilite pas la tâche de la démocrate, expose l'experte franco-américaine. "Plus Bernie Sanders persiste à retarder le moment où il renoncera à se présenter et où il appellera à soutenir Hillary Clinton, et donc continuera à attaquer et dénigrer sa rivale, plus cela sera difficile pour Hillary Clinton de s'assurer le soutien de ses partisans."
Barack Obama va avoir un rôle clé à jouer. "Le président sortant va s'engager à fond dans la campagne pour soutenir Hillary Clinton", prédit la spécialiste, "mais il est au pouvoir depuis huit ans et, pour les plus jeunes, il ne représente pas le changement attendu."
Non, Hillary Clinton pourrait être lâchée par son parti
Hillary Clinton pourrait être rattrapée par l'affaire de sa messagerie privée, qu'elle a utilisée à la place de sa boîte mail officielle, lorsqu'elle était secrétaire d'Etat. Le FBI a ouvert une enquête. Selon le Washington Post, les enquêteurs pourraient l'interroger. La menace d'une inculpation plane sur sa campagne. Les républicains imaginent déjà le scénario catastrophe redouté par les démocrates : Hillary Clinton, inculpée avant la convention, serait lâchée par son parti dont les super-délégués préfèreraient soutenir Bernie Sanders. Riposte de l'intéressée : "Oh mon dieu, cela n'arrivera pas."
Non, la campagne ne fait que commencer
"La statistique présente ne va pas déterminer le vainqueur du 8 novembre prochain", tranche François Durpaire, historien spécialiste des Etats-Unis. Et de souligner que "ceux qui le pensent disaient de Donald Trump qu'il n'irait pas jusqu'au bout de la course à l'investiture". La campagne des primaires s'est peut-être achevée bien avant les conventions de juillet mais, prévient François Durpaire "aujourd'hui, c'est la campagne de l'élection générale qui débute et elle n'est pas du tout jouée d'avance". "Une campagne électorale est un organisme vivant. Il y a des interactions entre les candidats. Il peut s'y passer beaucoup de choses", avertit l'expert en histoire américaine. Il reste encore six mois de campagne avant l'élection.
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