Présidentielle américaine : Anthony Weiner, l'homme qui embarrasse le camp Clinton avec son pénis
Anthony Weiner a ruiné sa propre carrière politique, mais peut-il coûter la présidence à Hillary Clinton ? Car le goût de l'ancien élu au Congrès pour les photos dénudées n'est pas sans lien avec la réouverture de l'enquête du FBI sur la candidate.
Pour illustrer la théorie du chaos, le météorologue américain Edward Lorenz a un jour déclaré qu'"un battement d'ailes de papillon au Brésil [pouvait] provoquer une tornade au Texas". Suivant ce modèle, les politologues diront peut-être un jour qu'"un démocrate qui photographie son pénis à New York peut provoquer un raz de marée républicain sur Washington".
Mis au ban de son parti en raison d'une très dérangeante tendance à envoyer des photos de ses attributs à de jeunes femmes, Anthony Weiner, ancien espoir de la politique américaine, pourrait en effet compromettre une victoire – jadis prévisible – d'Hillary Clinton, à quelques jours de l'élection présidentielle américaine.
Quel est le rapport entre les sextos embarrassants d'un élu et la réouverture, vendredi 28 octobre, de l'enquête sur les e-mails de la candidate à la Maison Blanche ? Pour tirer cela au clair, franceinfo se doit de vous raconter l'histoire d'Anthony Weiner, de ses parties intimes, de son ancienne compagne Huma Abedin et d'Hillary Clinton.
Le "DM fail" le plus célèbre de la politique américaine
Ex-étoile montante du parti démocrate, Anthony Weiner n'avait que 34 ans quand il est entré au Congrès. Ce natif de Brooklyn, toujours réélu plutôt confortablement par ses administrés, a enchaîné pas moins de sept mandats. Mais en mai 2011, sa carrière s'effondre à la suite d'une bourde d'un genre nouveau : "un DM fail", soit un "message privé raté sur Twitter". Pensant s'adresser discrètement à une étudiante de 21 ans, le parlementaire lui envoie publiquement un lien vers une photo de son pénis en érection, à peine dissimulé dans un caleçon moulant. Il supprime aussitôt la publication, mais le mal est fait.
Après quelques jours de démentis maladroits – dont le classique "ce n'est pas moi, j'ai été piraté" – et la parution de nouveaux clichés, il admet être l'auteur de ces photos érotiques et reconnaît, en essuyant quelques larmes, avoir entretenu une correspondance coquine avec six femmes. Y compris depuis son mariage, en 2009, avec Huma Abedin, une proche conseillère d'Hillary Clinton. Devenu la risée de tout le pays (ironie du sort, son nom de famille ressemble à s'y méprendre au mot "wiener", qui signifie pénis en argot) et une source d'embarras pour son parti, Anthony Weiner démissionne du Congrès.
Deux ans plus tard, il décide de se lancer à la conquête de la mairie de New York, mais un nouveau scandale vient atomiser ses chances : à nouveau, le candidat est rattrapé par le partage d'autoportraits sous la ceinture. Sans surprise, les New-Yorkais refusent de voter pour un homme qui distribue des photos de son sexe en utilisant le pseudo "Carlos Danger". A défaut d'arrêter de photographier son anatomie, Anthony Weiner met de côté son ambition politique et devient père au foyer et éditorialiste dans plusieurs médias. Pour l'anecdote, il accepte même de faire une brève apparition dans le nanar Sharknado 3, en 2015. Oui, Sharknado 3, le film sur de surréalistes attaques de requins.
Malaise, divorce et enquête du FBI
En août 2016, alors que la campagne présidentielle bat son plein, Anthony Weiner se retrouve à nouveau en première page des tabloïds. Le New York Post (en anglais) révèle qu'il continue d'envoyer des photos explicites à des jeunes femmes via les réseaux sociaux. Cette fois, le cliché, daté de 2015, monte d'un cran sur l'échelle du malaise : il apparaît en caleçon, toujours en érection, avec son fils de trois ans endormi à ses côtés. Sa femme, Huma Abedin, l'a toujours soutenu à travers les différents scandales, mais là, c'en est trop : elle annonce leur divorce.
Un mois plus tard, nouveau scandale : une adolescente américaine de 15 ans assure au Daily Mail (en anglais) détenir des photos érotiques d'Anthony Weiner, avec qui elle déclare entretenir une relation par SMS. Aussitôt, la police de New York se saisit de l'enquête, décidant d'éplucher la correspondance en ligne du démocrate. Fin octobre, le FBI obtient, dans le cadre de cette affaire, l'autorisation de fouiller dans l'ordinateur portable d'Huma Abedin au motif que cette dernière le partageait avec son mari.
Problème : en tant que proche collaboratrice d'Hillary Clinton, depuis son entrée comme stagiaire à la Maison Blanche en 1996, Huma Abedin bénéficiait d'une adresse e-mail lui permettant de communiquer directement avec l'ancienne Première dame. Fidèle conseillère, voire "ombre" d'Hillary Clinton, pour Politico (en anglais), elle fait partie des personnes susceptibles d'avoir reçu des informations classifiées et donc partagées par la candidate au mépris de la loi.
Le FBI a donc décidé de facto de rouvrir l'enquête concernant les e-mails de la démocrate, à la recherche d'éventuels secrets d'Etats, cachés parmi les éventuelles conversations qu'aurait pu entretenir Anthony Weiner avec des adolescentes.
Un séisme politique dans la dernière ligne droite
Huma Abedin était pressentie pour devenir la chef de cabinet d'Hillary Clinton si celle-ci entre à la Maison Blanche, mais ce scénario est désormais remis en cause. Car, pour le camp Trump, qui a fait de l'affaire des e-mails un thème phare de sa campagne, ce rebondissement, à quelques jours du scrutin, est une chance inespérée. En retard de 12 points dans les sondages, le candidat républicain est remonté dans les dernières enquêtes d'opinion.
Pire, cette annonce a offert au milliardaire une occasion de briller, en mettant en avant sa "jugeote", voire des qualités prophétiques, rappelle Politico (en anglais). "Huma Abedin, la principale conseillère d'Hillary Clinton et la femme de ce pervers d'Anthony Weiner, était une faille majeure de sécurité, en tant que collectrice d'informations", tweetait-il il y a quelques semaines, sous-entendant que sa relation avec l'ancien représentant au Congrès en faisait une menace pour la sécurité du pays.
Dans une campagne souvent menée à hauteur de caniveau, ce rebondissement exaspère certains Américains. Habitué à ruiner sa propre carrière, Anthony Weiner, en vrai monsieur catastrophe, pourrait réussir le 8 novembre l'exploit d'anéantir celle des autres : celle de sa femme et de son amie, la possible future présidente des Etats-Unis. Pas étonnant que le vice-président des Etats-Unis ne soit "pas fan" de l'ancien parlementaire.
Invité d'un plateau de télévision vendredi pour réagir à "l'affaire", Joe Biden a appris en direct l'implication d'Anthony Weiner dans ce nouveau volet du scandale. "Oh mon dieu, lâche-t-il, consterné. Anthony Weiner..." Le tout accompagné d'un long soupir. Une déclaration au moins aussi explicite que les selfies de l'ancien élu.
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