Cet article date de plus d'onze ans.

Négociations sur le marché du travail : ce qui coince encore

Les discussions entre patronat et syndicats reprennent aujourd'hui et vendredi. Francetv info fait le point sur les sujets de crispations.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les leaders du patronat et des syndicats lors de la grande conférence sociale du 9 juillet 2012. (CHARLES PLATIAU / POOL)

Deux jours pour trouver un accord. Les représentants du patronat et des syndicats se retrouvent, jeudi 10 et vendredi 11 janvier, pour parvenir à un compromis sur la "sécurisation de l'emploi". Et ce dernier round s'annonce musclé : depuis le début des négociations, le 4 octobre 2012, les deux parties n'ont eu de cesse d'afficher leurs désaccords sur cette réforme cruciale qui vise à fluidifier le marché du travail, en offrant davantage de souplesse aux entreprises et davantage de protection aux salariés.

Le gouvernement espérait qu'un compromis "historique" serait trouvé avant la fin de l'année 2012, ce qui n'a finalement pas été le cas. Mais l'exécutif continue de voir dans cette réforme un élément primordial de la lutte contre le chômage, qui pourrait contribuer à inverser la courbe du nombre de demandeurs d'emploi d'ici à la fin de l'année.

Une chose est certaine : pour qu'il y ait accord, il faut au moins la signature de trois des cinq centrales syndicales. Sujet par sujet, francetv info fait le point sur l'état des négociations.

Taxation des contrats courts : compromis difficile, mais...

C’est le premier objectif du gouvernement, et celui qui divise le plus patronat et syndicats : trouver les "leviers pour que le CDI demeure ou redevienne la forme normale d’embauche", expliquait la feuille de route remise aux partenaires sociaux au début des négociations. Aujourd'hui, près de huit embauches sur dix se font en contrat à durée déterminée (CDD) en France. Pour inciter les employeurs à choisir le CDI, il est envisagé d'augmenter le montant de la somme que versent les entreprises à l'Unedic (qui gère l'assurance chômage) pour les personnes embauchées en contrat précaire.

Position du patronat. Laurence Parisot, la présidente du Medef, ne veut pas de cette mesure, qu'elle estime contre-productive pour l'emploi et punitive pour les employeurs. Selon Les Echos, elle devrait chercher à "contourner l'obstacle en ne concédant que la taxation des contrats de moins d'un mois, ou en obtenant un maximum d'exceptions".

Position des syndicats. La CFDT préconise la diminution de la cotisation chômage en fonction de la durée de l'emploi : plus le contrat serait court, plus il serait taxé. FO propose un système de bonus-malus en fonction du nombre de CDD et d'intérimaires. De son côté, la CFTC veut exclure de ce qui est considéré comme des contrats courts tous ceux qui sont liés à des remplacements (maladie ou congé maternité) ainsi qu'a des activités saisonnières.

Pour pousser le Medef à faire des concessions, le gouvernement a menacé d'exclure les contrats courts de l'assiette de calcul du crédit d'impôt compétitivité (CICE) dont peuvent bénéficier les entreprises. Ce qui a eu le don de mettre en colère Laurence Parisot, qui a fustigé cette "ingérence". Résultat : alors que la patronne du Medef pensait qu'un accord était en vue, elle a fait volte-face lundi 7 janvier, se déclarant "très pessimiste" en raison "de nombreux points durs" et d'"une surenchère inacceptable".

 Réforme des licenciements : compromis très difficile

Position du patronat. Pour gagner en réactivité, le patronat veut réduire le délai de contestation des licenciements individuels devant les tribunaux, et plafonner les dommages et intérêts versés aux salariés. Le texte patronal prévoit que les plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) soient validés par un accord majoritaire avec les instances représentatives du personnel, avant d'être transmis pour validation à l’administration. Celle-ci disposerait alors de quinze jours pour donner son avis. Passé ce délai, le PSE serait considéré comme "homologué". Autre mesure, le salarié qui refuse une mobilité (changer de lieu de travail) pourrait être licencié pour motif personnel. Mais l'entreprise ne peut pas imposer une augmentation du temps de transport de plus de 45 minutes ou l'éloigner de plus de 50 kilomètres de son lieu de travail actuel.

Position des syndicats. FO et la CGT y sont hostiles. "Ce n'est pas ça qui va créer de l'embauche", selon Marie-François Leflon (CFE-CGC) citée par Le Monde (article payant).

Accords de flexibilité : compromis difficile

Position du patronat. Pour surmonter des difficultés conjoncturelles tout en maintenant les effectifs, les entreprises veulent pouvoir plus facilement conclure des accords pour moduler le temps de travail et les salaires, et cela sans être contraintes d'engager un plan social.

Position des syndicats. FO et la CGT sont contre sur le principe. Les autres (CFDT, CFTC et CFE-CGC) pourraient l'approuver, mais avec des conditions. Ainsi, selon Joseph Thouvenel (CFTC), interrogé par Le Monde, au lieu de diminuer la rémunération des salariés, il faudrait prévoir des allègements de charges patronales, ainsi que proscrire le versement de dividendes aux actionnaires durant ces périodes d'austérité. 

Généralisation des complémentaires santé : compromis possible

Position des syndicats. L'objectif est de permettre aux 40% des salariés (principalement dans les PME) qui ne sont pas couverts par une mutuelle d'en bénéficier. C'est surtout pour obtenir cet avantage social que les syndicats sont prêts à transiger sur la flexibilité.

Position du patronat. Le patronat, effrayé par le coût de la facture (2 à 4 milliards d'euros, selon le Medef) est divisé. En effet, les grands groupes bénéficient déjà d'un accord collectif en matière de santé, ce qui n'est pas le cas des PME. Si la mesure est prise, la facture sera davantage supportée par les petites et moyennes entreprises. Le Medef milite pour une mise en place progressive sur cinq ans. "Il n'est pas question d'augmenter subitement les coûts des entreprises, qui ne s'en relèveraient pas", justifie Laurence Parisot dans Le Figaro.

Assouplissement du CDI : compromis très difficile

Position du patronat. Pour gagner en flexibilité, l'objectif est d'élargir le recours au contrat de mission (utilisé dans le BTP) et au contrat intermittent. Il a l'avantage de dispenser l'employeur d'une procédure de licenciement. Ce dispositif serait étendu pour les entreprises de moins de 50 personnes.

Position des syndicats. Pour FO et la CGT, il s'agit d'une provocation. Les deux centrales ont déjà prévenu qu'elle ne signerait pas d'accord si le patronat maintenait ses exigences.

Droits rechargeables à l'assurance-chômage : compromis possible

Position des syndicats. Ils militent pour permettre aux salariés de bénéficier d'une meilleure protection sociale durant des périodes de chômage successives. Ainsi, le chômeur pourra additionner le reliquat de ses droits au chômage non-pris quand il reprenait un emploi, avec ceux de son dernier emploi.

Position du patronat.  Le Medef serait prêt à faire ce geste pour emporter l'accord de la CFDT. Selon un projet de texte rendu fin novembre"les droits au chômage seront calculés en tenant compte de l'ensemble des périodes travaillées et non plus seulement de la période d'emploi la plus favorable financièrement, comme c'est le cas aujourd'hui". Le patronat exige en échange un meilleur équilibre financier de l'assurance-chômage et prévoit de jouer s'il le faut sur les taux d'indemnisation.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.