A La Rochelle, Manuel Valls se veut "ferme" mais "de gauche"
Dans un discours offensif très applaudi, le ministre de l'Intérieur campe sur une ligne intransigeante, tout en désamorçant les récentes critiques à son égard.
Jusqu'à la démonstration de force de Christiane Taubira en fin d'après-midi, Manuel Valls faisait figure de star du jour à La Rochelle. Un an après avoir galvanisé les militants socialistes à l'université d'été 2012, le ministre de l'Intérieur a remis le couvert, samedi 24 août. Au cours d'une table ronde consacrée à la lutte contre le Front national, Manuel Valls a livré un discours offensif d'une vingtaine de minutes. Très applaudie, son intervention visait à cultiver son image d'homme incontournable au Parti socialiste, autant qu'à mettre un terme aux polémiques qui ont perturbé son été. Francetv info décrypte la stratégie du ministre.
Asseoir sa position de force au PS
Pas besoin d'être un habitué de La Rochelle pour saisir à quel point Manuel Valls était attendu à l'université du PS. Vendredi, son arrivée avait provoqué quelques bousculades. Samedi, même constat : le ministre de l'Intérieur ne peut se déplacer sans être suivi par une forêt de militants et de caméras.
Manuel Valls est populaire dans l'opinion, mais pas toujours bien vu dans son parti. Lors de son discours de samedi, pendant une vingtaine de minutes, il a donc cherché à séduire son auditoire. Avec une arme redoutable : son talent oratoire. "Gagner contre le Front national, c'est d'abord gagner la bataille des mots", martèle-t-il. Une formule qui pourrait aussi s'appliquer à son cas personnel dans la tambouille politicienne interne au PS.
Pour s'attirer la confiance des militants, rien de tel que de s'assumer en homme de gauche. Le ministre de l'Intérieur met donc en avant les décisions prises en rupture avec l'équipe Sarkozy : l'abrogation de la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers, "la fin des stigmatisations et des outrances" en matière d'immigration, la dissolution des groupuscules d'extrême droite, dont "on se demande pourquoi ça n'a pas été fait avant".
"Le ministre de l'Intérieur, il est de gauche, il est socialiste et il est fier de mener cette politique", lâche-t-il devant des militants approbateurs. Une façon de démontrer que, non, Manuel Valls ne joue pas sa carte personnelle contre son parti.
Réaffirmer une ligne "intransigeante"
Mais Manuel Valls n'est pas homme à se laisser dicter sa ligne politique. Tout socialiste qu'il soit, il revendique, une fois de plus, sa légitimité à parler de tous les sujets, y compris les plus polémiques : "N'abandonnons aucun sujet, car ce serait faire le jeu du Front national. Parlons de tout, parlons clair, sans rien renier de ce que nous sommes."
Au coeur de son discours, Manuel Valls prône une "laïcité intransigeante". "La gauche, c'est la République, c'est la nation, c'est la laïcité", clame-t-il. Les formules font mouche, mais le propos n'est pas apprécié par tous de la même façon. "C'est très bien qu'il s'attache à des symboles républicains, il a raison de vouloir parler de tout, mais il n'a donné aucune définition de la laïcité, qui pour moi s'entend par le respect et la liberté religieuse de chacun", regrette Rim, 20 ans, jeune socialiste militante dans le Calvados.
Manuel Valls se montre tout aussi intransigeant sur le dossier des Roms, justifiant l'évacuation, la veille, d'un camp à Vaulx-en-Velin, sur lequel vivaient 400 personnes. Le seul moment où quelques huées s'élèvent, vite recouvertes par un nouveau tonnerre d'applaudissements.
Déminer les polémiques récentes
A l'offensive pour défendre sa politique, le ministre de l'Intérieur a profité de sa prestation devant les socialistes pour mettre un terme aux polémiques qui ont jalonné l'été.
D'abord sur la réforme pénale menée par sa collègue de la Justice, Christiane Taubira, un texte qu'il avait vertement critiqué dans un courrier confidentiel au chef de l'Etat. Pour assurer l'auditoire de sa loyauté, Manuel Valls cite "une belle phrase d'Aimé Césaire", "ce grand poète" que la ministre de la Justice aime à mentionner dans ses discours : "J'ai eu, je garde, j'ai le libre choix de mes ennemis. Eh bien Christiane Taubira est une amie."
Même s'il jure que ses propos ont été déformés par la presse, Manuel Valls est conscient d'avoir choqué sa gauche en affirmant, lundi lors d'un séminaire gouvernemental, que la France devrait à l'avenir "faire la démonstration que l'islam est compatible avec la démocratie". Le ministre rmet donc les choses au point : "Oui, l'islam est compatible avec la démocratie", s'écrie-t-il.
A l'issue de son discours, Manuel Valls s'engouffre, une fois de plus masqué par une meute de journalistes, dans la salle de réception d'un hôtel où l'attendent plusieurs dizaines de ses partisans dans une ambiance plus apaisée. Souvent accusé de "jouer perso", il assure ses troupes de son "soutien total au président de la République". Manuel Valls "ne veut gêner personne", mais jusqu'à un certain point. Il le résume lui-même dans une conclusion limpide adressée à ses adversaires : "J'aime bien prendre des coups. J'aime en donner."
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