Pourquoi Taubira reste au gouvernement malgré ses désaccords avec l'exécutif
Déchéance de nationalité, travail dominical... La ministre de la Justice affiche souvent sa différence face à la politique menée par l'exécutif. Pourtant, elle ne compte pas lâcher son poste. Francetv info vous explique pourquoi.
De nouveau en désaccord avec le président de la République et le Premier ministre. Et pourtant toujours au gouvernement. La garde des Sceaux, Christiane Taubira, a répété, jeudi 7 janvier, que l'extension de la déchéance de nationalité aux Français binationaux nés en France auteurs d'actes terroristes n'était, selon elle, "pas souhaitable".
"C'est une forme d'aberration. Elle va devoir défendre une loi à laquelle elle est opposée", souligne Nathalie Saint-Cricq, responsable du service politique de France 2. Alors pourquoi François Hollande ne congédie-t-il pas sa ministre de la Justice ? Et pourquoi s'accroche-t-elle à son siège si elle est en désaccord avec le chef de l'Etat ? Francetv invo vous résume les raisons qui poussent Christiane Taubira à rester au gouvernement.
Elle incarne la caution de gauche du gouvernement
Pour le député Pouria Amirshahi, ami de Christiane Taubira, "le gouvernement a sans doute besoin d’elle parce qu’elle est le symbole d’une pensée qui est l’antithèse de la politique gouvernementale en termes de valeurs et de libertés". La ministre est, en effet, rapidement devenue l'icône de l'aile gauche du PS, "son alibi de gauche, sa prise de guerre", acquiesce Nathalie Saint-Cricq.
La ministre n'a d'ailleurs pas caché sa proximité avec les frondeurs. Elle s'est, par exemple, affichée à leurs côtés lors de l'université d'été du PS, en 2014. Quelques mois plus tard, en avril 2015, elle invitait le gouvernement à écouter d'avantage les députés frondeurs, dans un entretien avec l'Obs. Après les départs d'Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti et Benoît Hamon, beaucoup la considèrent comme la dernière représentante de l'aile gauche du PS au gouvernement.
Et sa popularité auprès de l'électorat de gauche ne devrait pas inciter François Hollande à se séparer d'elle : selon le dernier baromètre Elabe, publié jeudi 7 janvier, elle est, en effet, la ministre la plus appréciée des sympathisants de gauche, avec 57% d'opinions positives.
Elle serait plus "dangereuse" en dehors
Après ses désaccords répétés avec la ligne fixée par François Hollande et Manuel Valls, "il a bel et bien été question de la faire partir, assure Nathalie Saint-Cricq. Elle a d'ailleurs elle-même envisagé cette option." Pourtant, près de quatre ans après son arrivée place Vendôme, Christiane Taubira est toujours à son poste.
Pour le chef de l'Etat et le Premier ministre, l'intérêt est stratégique. "Quand Christiane Taubira parle, elle est très audible. Elle a une vraie force de frappe dans ses prises de parole, souligne la journaliste Caroline Vigoureux, auteur du livre Le mystère Taubira. Si elle n'était pas au gouvernement, elle aurait la parole complètement libre. Elle pourrait dire tout le mal qu'elle pense des politiques actuelles. François Hollande a peur de son côté indomptable et rebelle."
"A elle seule, et malgré son aura personnelle, Christiane Taubira ne cristallise pas la force d'une nouvelle alliance, abonde la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann dans L'Express. Son départ, en revanche, pourrait accroître le désarroi et la compromettre."
Elle veut mener à leur terme plusieurs réformes
Si le gouvernement ne semble pas vouloir se séparer d'elle, Christiane Taubira ne semble pas non plus décidée à partir, comme ont pu le faire en 2014 Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti et Benoît Hamon. "Elle est très attachée à la réforme de la justice du XXIe siècle. Elle espère depuis le début porter sa réforme sur la justice des mineurs, constamment repoussée", décrypte Caroline Vigoureux.
La garde des Sceaux avait, en effet, posé cette réforme comme condition à son maintien place Vendôme. "Son bilan est actuellement en deça de ses ambitions initiales", insiste la journaliste. "Au poste de ministre, lorsque vous voulez inscrire dans la loi des évolutions en lesquelles vous croyez vraiment, comme c'est son cas, ça peut être la motivation première pour rester", remarque le député PS Christophe Léonard. Et pour la déchéance de nationalité pour les binationaux, auquel le député est lui aussi farouchement opposé, "peut-être qu'elle considère que cette proposition évoluera dans le bon sens pendant la discussion."
"Elle a des dossiers sur lesquels elle veut avancer, confirme la présidente des Jeunes socialistes européens, Laura Slimani, à L'Express. Elle reste pour obtenir des compromis. Mais à partir de quel moment cela devient des compromissions ?"
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