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Limiter le nombre de mandats des députés dans le temps ? "C'est démagogique"

François Hollande a proposé de limiter "dans le temps" le cumul des mandats des élus. A l'Assemblée nationale, certains députés sont là depuis plus de trente ans. Franceinfo a demandé à ces historiques de la politique leur avis sur cette possible réforme.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié
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L'hémicycle de l'Assemblée nationale, le 19 juillet 2016. (IRINA KALASHNIKOVA / SPUTNIK / AFP)

"Il faut savoir s'arrêter", assure Denis Jacquat. Le député LR de Moselle ne s'est pas encore appliqué cette recommandation pour l'instant : il est élu à l'Assemblée nationale sans interruption depuis... 1986. Trente années de mandat sans discontinuer, et il n'est pas le seul dans ce cas au palais Bourbon. La longévité de certains de ses collègues est encore plus importante, car aucune limitation n'existe pour les parlementaires : Alain Bocquet (PCF) et Henri Emmanuelli (PS) en sont à leur neuvième législature.

De telles situations seront-elles bientôt de l'histoire ancienne ? François Hollande souhaite en effet aller "plus loin" contre le cumul des mandats et le limiter "dans le temps", une idée ancienne dans le débat mais jamais suivie d'effet. Pour "renouveler" la démocratie, le président de la République a fait cette proposition, jeudi 8 septembre, sans préciser le nombre de mandats autorisés dans son idée.

"La longévité vous donne de l'expérience"

"Je suis contre le cumul des mandats, mais cette idée, c'est de la démagogie, c'est stupide, dénonce Denis Jacquat auprès de franceinfo. La longévité vous donne de l'expérience, c'est indéniable. Je suis, par exemple, devenu un spécialiste du social. Je suis le seul député à avoir suivi de façon extrêmement étroite toutes les réformes des retraites. Un renouvellement trop fréquent entraînerait peut-être une moindre qualité des élus."

Apparemment, les électeurs ne se sont pas lassés de voir leur député inlassablement reconduit. "S'ils ne vous trouvent pas bon, vous disparaissez de la circulation", estime Denis Jacquat. "Il y a un juge suprême, c'est le corps électoral, abonde son collègue socialiste Jean-Louis Dumont, élu pour la première fois député de la Meuse en 1981, dans la foulée de l'entrée de François Mitterrand à l'Elysée. Les électeurs choisissent leur élu et le sanctionnent en ne le renouvelant pas."

Le contre-exemple de Laurent Grandguillaume

On est loin de la position de Laurent Grandguillaume. A seulement 38 ans, ce député de Côte-d'Or a décidé de ne pas se représenter en 2017, après un seul mandat, et d'entamer une formation pour retrouver le monde de l'entreprise. "La politique, ce n'est pas une situation de rente", a-t-il expliqué à franceinfo. Le socialiste préconise de limiter les parlementaires à deux mandats successifs. "Si on veut renouveler et au moins diversifier la classe politique, il faut en passer par là", estime-t-il.

François Asensi ne dit pas le contraire. Le député-maire PCF de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) est pourtant installé sur les bancs de l'Assemblée depuis 1978. "Je dis oui à une limitation dans le temps, encore faut-il une véritable proportionnelle pour en finir avec les effets pervers du scrutin majoritaire, juge l'élu communiste. Le problème, en dehors des deux grands partis, c'est que pour préserver des sièges, on est obligés de présenter des candidats avec une certaine influence locale. C'est uniquement pour ça que j'ai longtemps été candidat, car le fait d'être maire dans ma circonscription me donnait un certain avantage. Ça se fait au détriment des femmes, des jeunes."

Quelle reconversion pour les députés ?

Dans la version proposée par François Hollande, rien "n'empêcherait, bien sûr, à ces élus [atteints par la limite] de concourir à d'autres scrutins". "C'est hypocrite", dans ce cas-là, commente Gérard Bapt, socialiste et lui aussi député depuis 1978. L'élu de Haute-Garonne n'est pas hostile au non-cumul dans le temps, à condition d'offrir des perspectives aux élus. "Un parlementaire qui le devient très jeune peut avoir un problème pour rebondir professionnellement", estime-t-il. Il met en garde contre les risques de "pantouflage" posés par ce système : faute de débouchés, les élus auraient tout intérêt à se reconvertir dans le privé, dans des domaines sur lesquels ils ont légiféré, ce qui n'est pas sans poser des problèmes de déontologie.

Les députés ont le temps d'y réfléchir. Certains "dinosaures" du palais Bourbon seront certainement de retour dans l'hémicycle après les prochaines élections, car l'idée de François Hollande n'est pas encore prête à être mise en application. Elle a même été rejetée à plusieurs reprises au Parlement, notamment en juillet 2013, lors des débats à l'Assemblée sur la loi sur le non-cumul des mandats.

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