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Déchéance de nationalité : trois questions pour comprendre qui sera finalement concerné

La référence aux binationaux a disparu de la dernière version du projet de révision constitutionnelle, présentée mercredi par Manuel Valls. Mais dans les faits, seule une personne possédant la double nationalité pourra être touchée par la loi.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le Premier ministre, Manuel Valls, quitte l'Elysée à l'issue du Conseil des ministres, le 27 janvier 2016. (CITIZENSIDE/YANN KORBI / AFP)

Volte-face ou maquillage ? Le Premier ministre, Manuel Valls, a présenté mercredi 27 janvier, devant la commission des lois de l'Assemblée, une nouvelle version de l'article 2 du projet de révision constitutionnelle. Une version dans laquelle la mention de la binationalité ne figure plus dans cet article consacré à la déchéance de nationalité

Comment le gouvernement a-t-il revu sa copie ? Pour quelles raisons le texte a-t-il été modifié ? Qu'est-ce que ça change à l'arrivée ? Réponse en trois questions.

Qu'est-ce qui a changé dans la copie du gouvernement ?

Au départ, l'article 2 de la révision constitutionnelle concernait "les binationaux nés Français", comme en témoigne le compte-rendu du Conseil des ministres du 23 décembre, reproduit sur le site de l'Assemblée nationale :

"L'article 2 du projet de loi permettra la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français. Cette mesure vise à sanctionner les auteurs des seuls crimes les plus graves, à l'exception de tout délit. Les règles qui leur seront applicables sont ainsi rapprochées de celles actuellement en vigueur pour les binationaux devenus Français. A la suite de la révision constitutionnelle, une loi ordinaire sera nécessaire pour fixer les modalités d'application de ces dispositions, notamment la liste des crimes pouvant conduire, en cas de condamnation, à la déchéance de nationalité."

Face à la polémique, cette fameuse mention a finalement été supprimée. "Aucune référence à la binationalité ne figurera dans le texte constitutionnel, ni a priori dans la loi ordinaire", a assuré Manuel Valls mercredi aux députés. Le chef du gouvernement a précisé qu'il ne voulait pas "stigmatiser" les binationaux.

Selon une journaliste du Monde, l'article 2 est désormais rédigé ainsi : "La loi fixe les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu'elle est condamnée pour un crime ou un délit qui constitue une atteinte grave à la vie de la Nation".

Pourquoi ce changement ?

En décembre, la mention de la binationalité dans le premier projet de texte avait créé un tollé à la gauche du PS. Les opposants à cette formulation pointaient que le texte créait deux catégories de Français, et stigmatisaient les binationaux.

Si le nouveau texte semble plus accommodant à une lecture rapide, il marque en réalité, dans les faits, un durcissement. Les cas de déchéance, qui ne concernaient au départ que les "crimes", sont en effet élargis aux "délits" constituant "une atteinte grave à la vie de la Nation".

A l'arrivée, qui sera concerné par la loi ?

La suppression du terme "binationaux" n'y change rien : seuls les binationaux peuvent être concernés par la déchéance de nationalité. Car même si la France n'a pas ratifié les textes prohibant l'apatridie, comme l'explique Slate, le gouvernement n'entend pas créer d'apatrides. Manuel Valls a répété ce principe mercredi : "Seuls les principes prévus par la convention internationale de 1954 et la loi du 7 mars 1998 (...) qui proscrivent la création de nouveaux apatrides devront continuer à figurer dans notre droit positif."

La nouvelle formulation de l'article 2 (stipulant qu'"une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu'elle est condamnée pour un crime ou un délit qui constitue une atteinte grave à la vie de la Nation") mélange, en fait, deux types de déchéance (de nationalité et de droits civiques).

Et elle masque les conséquences très différentes. Un binational déchu de sa nationalité française perd tous les droits afférents, notamment s'il est expulsé dans un pays n'offrant pas les mêmes garanties ou les mêmes possibilités de recours judiciaires. Un Français, lui, ne perd que ses droits civiques (droit de vote, éligibilité, emploi dans la fonction publique...).

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