Delphine Batho raconte le jour où elle s'est fait virer du gouvernement
Dans son livre "Insoumise", qui paraît mercredi, l'ancienne ministre de l'Ecologie dévoile les SMS échangés avec Jean-Marc Ayrault et François Hollande lors de son éviction.
Après Valérie Trierweiler et Cécile Duflot, c'est au tour de Delphine Batho de régler ses comptes avec l'exécutif. Dans Insoumise, son livre publié mercredi 15 octobre, l'ancienne ministre revient sur les treize mois qu'elle a passé au gouvernement avant son limogeage, le 2 juillet 2013. Francetv info raconte minute par minute et texto par texto la dernière journée de Delphine Batho au ministère de l'Ecologie.
Elle pousse un coup de gueule sur RTL
Tout commence le matin du 2 juillet. Invitée sur RTL, la ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie ose critiquer la baisse de 7% du budget de son ministère.
Selon Le Lab d'Europe 1, elle est immédiatement rappelée à l'ordre par un SMS du Premier ministre Jean-Marc Ayrault : "Tes déclarations sont inadmissibles sur ton budget, je te demande de rectifier." "Ce n'est pas une déclaration d'humeur", répond Delphine Batho. Elle demande au Premier ministre une rencontre. "Trop tard, le mal est fait", rétorque sèchement Ayrault.
Jean-Marc Ayrault lui lance un ultimatum
A 11h06, Jean-Marc Ayrault revient à la charge, via deux textos envoyés à quelques secondes d'écart. "Je te demande un communiqué officiel de rectification avant la fin de matinée." Puis : "J'ai informé le PR [le président de la République] de ce problème politique."
Le téléphone de la ministre n'arrête pas de vibrer. Cette fois, le texto vient de François Hollande. "Tu dois répondre à la demande du Premier ministre, je ne comprends pas ce que tu as fait ce matin. Je t'ai écoutée."
Le stress augmente avec la pression. Delphine Batho tente de se justifier une nouvelle fois auprès du Premier ministre. "C'est par nos décisions que l'on résoudra ce problème politique", lui envoie-t-elle. "Alors tu choisis soit un communiqué ou tu pars", lui répond Jean-Marc Ayrault, sévère.
Le Premier ministre et François Hollande lui téléphonent
"Sonnée", dit-elle dans son livre, elle demande à nouveau une rencontre au chef du gouvernement, "pour en discuter de vive voix". Il préfère l'appeler. "Je lui dis que je ne démentirai pas mes propos, que je ne partirai pas. Que je voudrais le voir pour en parler directement", raconte l'ancienne ministre dans Insoumise. "Il ne veut rien entendre. La confrontation est dure." "J'ai compris", conclut sèchement Jean-Marc Ayrault. Le Premier ministre raccroche.
Delphine Batho se rend à l'Assemblée nationale à 15 heures pour défendre un projet de loi. Elle est obligée d'interrompre la séance. François Hollande veut lui parler "sur le champ au téléphone". Le Lab avait repéré la scène.
D'une "voix douce" mais d'un ton "ferme", François Hollande lui dit : "Tu aurais dû me le dire qu'il y avait un problème sur le budget de l'Ecologie. On ne peut pas mettre en cause les arbitrages budgétaires. (...) S'il y a un problème, c'est à moi qu'il fallait en parler. C'est moi qui ai été élu le 6 mai."
Le président somme Delphine Batho d'accepter la demande du Premier ministre. "Il faut que vous trouviez un terrain d'entente. Si vous ne vous mettez pas d'accord, tu sais ce qui se passera. Tu redeviendras députée. Bon, tu seras une députée parmi d'autres... Tu sais, il y en a beaucoup qui sont prêts à prendre ta place au gouvernement. Y compris parmi ceux qui disent te soutenir."
Jean-Marc Ayrault la reçoit et la limoge
La ministre est finalement reçue par Jean-Marc Ayrault à 16h30, à la demande de François Hollande. "Il s'installe derrière son gros bureau, et moi en face", écrit Delphine Batho. L'échange est, là encore, rude.
"La confiance est rompue. Tu as remis en cause mes arbitrages budgétaires, accuse le Premier ministre. Il n'y a rien à négocier, rien à obtenir." Delphine Batho tente de sauver sa peau. Elle lui dit sa volonté de rester au gouvernement. Rien à faire : "Tu mets en cause notre action, la confiance est rompue. (...) Tu sais ce qu'il va se passer maintenant, on s'est tout dit." Fin de la discussion.
François Hollande l'informe à son tour, toujours par téléphone, de l'officialisation de son limogeage. A 18h08, le communiqué "tombe à l'AFP", écrit la désormais ex-ministre.
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