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Quel Premier ministre pour Emmanuel Macron ?

Compétent, loyal, avec une expérience parlementaire... Le président élu a énoncé les qualités que devait posséder son futur Premier ministre. Franceinfo passe en revue les possibles locataires de Matignon, en listant leurs atouts et leurs défauts.

Article rédigé par Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Emmanuel Macron, le 7 mai 2017 à son QG, à Paris. (LIONEL BONAVENTURE/AP/SIPA / AP)

C'est l'un des secrets les mieux gardés par Emmanuel Macron : le nom de son Premier ministre. Vendredi 5 mai, deux jours avant son élection, il a annoncé avoir arrêté son choix, sans en avoir informé le principal intéressé. Tout au long de sa campagne, il a dressé le portrait-robot de celui ou de celle à qui il veut confier les clefs de Matignon, définissant plusieurs critères : une expérience dans le champ politique, notamment parlementaire, ce qui exclut un représentant de la société civile ; la capacité à diriger une équipe gouvernementale et la majorité parlementaire. La première mission du Premier ministre sera d'ailleurs de mener la bataille des législatives.

Enfin, dans un entretien au Monde, il a aussi énoncé une condition de loyauté : le Premier ministre "ne sera pas le porteur d'un agenda personnel", a-t-il expliqué. Ce qui exclut nombre de personnalités politiques de la nouvelle génération, notamment à droite. Franceinfo a passé en revue, au regard de ces critères, les candidats potentiels à Matignon. Sachant que cette liste n'est pas exhaustive.

Edouard Philippe

Avantages. Le député-maire du Havre (Seine-Maritime) coche quasiment toutes les cases. Edouard Philippe n'a qu'un mandat de député à son actif et peut donc incarner le renouveau. Il est de droite (Les Républicains), tendance Juppé, ce qui permettrait à Emmanuel Macron de tenir sa ligne "de droite et de gauche". Quand il étudiait à Sciences Po, Edouard Philippe a milité pendant deux ans au PS pour soutenir Michel Rocard, relève Le Point, avant de rendre sa carte après l'éviction de celui-ci. Une filiation qui ne peut que séduire Emmanuel Macron, qui se réclame lui aussi du rocardisme. Enarque, Edouard Philippe a aussi brièvement travaillé dans le privé. Son profil semble donc idéal par rapport aux critères émis par le président élu.

Inconvénients. Seule inconnue : Edouard Philippe disposerait-il d'un poids politique suffisant pour diriger une majorité ? Serait-il en mesure de mener la bataille des législatives, cruciale pour la suite du quinquennat ?

Jean-Yves Le Drian

Avantages. C'est le seul ministre socialiste sortant qu'Emmanuel Macron a accueilli à bras ouverts dans sa campagne. Chef des armées, son action a été saluée à gauche comme à droite. Un atout pour Emmanuel Macron, aujourd'hui peu expérimenté sur les questions régaliennes, dans le contexte de lutte contre le terrorisme. En Bretagne, Jean-Yves Le Drian a dirigé la région avec une majorité diverse et en intégrant la société civile. Comme une préfiguration de ce que pourrait être la future majorité présidentielle.

Inconvénients. Point négatif – et il est de taille : élu député pour la première fois en 1978, Jean-Yves Le Drian aura du mal à incarner le renouveau. Mais ce ne serait pas la première fois qu'un chef de l'Etat ferait, pour lui, une exception à la règle : François Hollande l'a laissé cumuler la présidence de la région Bretagne et son portefeuille ministériel.

François Bayrou

Avantages. Emmanuel Macron le reconnaît : François Bayrou a joué un rôle très important à un moment difficile de sa campagne. C'est après son ralliement, le 22 février, qu'Emmanuel Macron a définitivement doublé François Fillon dans les sondages. Plusieurs fois ministre, député à l'Assemblée et au Parlement européen, François Bayrou bénéficie d'une solide expérience.

Inconvénients. Cette expérience est aussi ce qui fait sa faiblesse par rapport à la définition de poste édictée par le président élu. François Bayrou a été ministre de l'Education nationale sous François Mitterrand, et candidat à la présidentielle à trois reprises. Il lui sera difficile de porter le renouveau. Sans compter que, dans une partie de l'électorat de droite, François Bayrou fait figure de repoussoir, lui qui a appelé à voter pour François Hollande au second tour en 2012. Dangereux avant des législatives très incertaines.

Jean-Louis Borloo

Avantages. Il n'a affiché son soutien à Emmanuel Macron qu'à l'entre-deux-tours, mais s'est empressé de lui faire une offre de services, se disant "prêt à se retrousser les manches deux ou trois ans pour donner un coup de main". Le centriste, retiré de la vie politique depuis plusieurs années, se verrait bien participer à un gouvernement de coalition, fédérant des élus de gauche et de droite. Il bénéficie encore d'une certaine popularité, notamment à droite : François Fillon a tenté de le rallier jusqu'à la fin de sa campagne.

Inconvénients.  D'après Le Monde (article payant), le courant ne passe pas très bien entre les deux hommes, Borloo étant trop "attaché aux partis". Enfin, celui qui a été ministre de Nicolas Sarkozy ne pourra pas être le "visage du renouveau" promis par le président élu.

Richard Ferrand

Avantages. C'est l'un des politiques les plus proches d'Emmanuel Macron. Les deux hommes ont appris à travailler ensemble lors de l'examen de la loi Macron et ne se sont, pour ainsi dire, plus quittés depuis. Richard Ferrand coche plusieurs des cases du portrait chinois dessiné par Emmanuel Macron pour Matignon. Il n'a effectué qu'un mandat de député (il a été élu sous l'étiquette socialiste en 2012). Rapporteur de la loi Macron, il a bataillé pendant des jours et des nuits au côté du ministre de l'Economie. A 54 ans, il dispose donc d'une "solide" expérience parlementaire, sans apparaître comme un vieux routier de la politique. Il a travaillé dans le privé. Et il ne porte pas "d'agenda personnel", critère donné explicitement par Emmanuel Macron. "Emmanuel lui fait une confiance absolue", assure un parlementaire du premier cercle.

Aujourd'hui secrétaire général d'En marche !, Richard Ferrand a gagné ses galons à tel point qu'en interne, nombreux sont ceux qui le voient à Matignon. "Il est extrêmement loyal et a prouvé sa solidité dans l'épreuve, estime Renaud Dutreil, fondateur de La droite avec Macron. Etre numéro deux dans une opération comme celle d'En marche !, c'est là où on prend le plus de coups, c'est le poste le plus difficile, il s'est vraiment révélé."

Inconvénients. Aura-t-il un poids politique suffisant pour mener la campagne des législatives ? Sa faible notoriété peut être un handicap. Et sur l'échiquier politique, en tant que premier député socialiste rallié à Emmanuel Macron, "cela n'apporte rien de plus, cela n'a aucun intérêt pour les législatives", analyse un socialiste qui soutient lui aussi le président élu.

Gérard Collomb

Avantages. Il est de ceux qui ont poussé Emmanuel Macron à se lancer dans la course présidentielle. Fidèle soutien du président élu, le maire de Lyon n'a jamais été ministre. Pragmatique plus que socialiste, il a mis en pratique le macronisme avant l'heure, avec une large majorité et une vision économique libérale. Député puis sénateur, il a une bonne expérience parlementaire.

Inconvénients. A presque 70 ans, il est loin d'incarner le renouveau.

Anne-Marie Idrac

Avantages. Centriste, proche de François Bayrou, libérale, européenne, Anne-Marie Idrac est sur une ligne très macronienne. Depuis qu'elle s'est mise en retrait de la vie politique, elle a occupé des postes à responsabilité dans plusieurs entreprises publiques, comme la SNCF ou aujourd'hui l'aéroport de Toulouse-Blagnac. Et puis, c'est une femme. Un des critères retenus par Emmanuel Macron, même s'il n'est pas exclusif.

Inconvénients. Même handicap que pour les autres postulants de sa génération : elle n'est pas un visage nouveau.

Sylvie Goulard

Avantages. Voilà une personnalité politique méconnue des Français qui pourrait émerger dans le quinquennat. Sylvie Goulard est députée européenne du MoDem, le parti de François Bayrou. Ancienne conseillère de Romano Prodi lorsque celui-ci dirigeait la Commission européenne, elle a organisé la récente rencontre entre Angela Merkel et Emmanuel Macron. Quinquagénaire, femme, jamais ministre auparavant, elle coche plusieurs cases pour rentrer à Matignon.

Inconvénients. Elle n'a jamais été élue à l'Assemblée et n'est pas aujourd'hui un poids lourd politique. Un handicap certain pour mener la bataille cruciale des législatives et ensuite s'imposer comme cheffe de la majorité.

Xavier Bertrand

Avantages. Emmanuel Macron lui avait adressé un signal clair dans l'entre-deux-tours. "Il y a une vraie cohérence entre Xavier Bertrand et Jean-Yves Le Drian", estimait alors le candidat dans un entretien à la presse régionale. Le président de la région Hauts-de-France, élu grâce aux voix de la gauche face au FN, serait en effet une prise habile avant les législatives. "Cela aurait de la gueule vis-à-vis de la droite et du Front national. Il a plein de qualités et incarne une droite assez populaire", estime un socialiste rallié à Emmanuel Macron.

Inconvénients. L'ancien ministre de Nicolas Sarkozy a semblé, par avance, opposer une fin de non-recevoir à Emmanuel Macron. "Je suis un homme de la droite et du centre, je resterai un homme de la droite et du centre", a-t-il fait savoir, semblant peu goûter la ligne de rassemblement souhaité par le président élu. Xavier Bertrand a deux autres handicaps : il n'est pas un modèle de renouveau. Et ce poids lourd des Républicains n'a jamais caché ses ambitions, son "agenda personnel" dont Emmanuel Macron ne veut pas à Matignon.

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