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"Les gens peuvent demander à lire mes SMS professionnels" : en Suède, la transparence des élus est la règle

La transparence s’est imposée comme un thème majeur de la campagne française pour l’élection présidentielle. En Suède, où franceinfo s'est rendu, il s’agit d’une exigence portée bien au-delà des standards français.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le Parlement suédois, installé sur une toute petite île au centre de Stockholm : l'exigence de transparence n'y est pas un vain mot. (ISABELLE LABEYRIE / RADIO FRANCE)

À trois semaines maintenant du premier tour de l’élection présidentielle, bousculée par les affaires, la transparence s'est imposée comme un thème majeur de la campagne. Isabelle Labeyrie s’est rendue en Suède pour franceinfo, là où la transparence est une exigence quotidienne, tant dans la vie de tous les jours que dans le monde politique.

En Suède, la transparence jusque dans le contenu des SMS des élus - Reportage en Suède d'Isabelle Labeyrie

Ainsi existe-t-il dans le pays un très gros annuaire qui s’appelle le Ratsit dans lequel on trouve le nom de tous les Suédois de plus de 18 ans, avec noms, adresses, salaires et éventuels impayés. Si le Ratsit est payant (25 euros), il existe des applications gratuites qui permettent d’avoir presque autant d’informations. Pour les hommes et les femmes qui ont une fonction publique, la pression monte encore d’un cran, par exemple au Parlement suédois, installé sur une toute petite île au centre de Stockholm. Stig Henriksson est aujourd’hui député. Il a longtemps été maire, et donc redevable de chacun de ses faits et gestes. "Les journalistes m’appelaient pour me demander la liste des sites internet que j’avais consultés pendant la semaine", témoigne-t-il.

Le contenu des sms professionnels peut-être consulté

L’exigence de transparence va encore plus loin. "Pour les coups de fil, on peut aussi savoir qui j'ai contacté ou qui m'a appelé et pour les sms professionnels, c'est pareil, les gens peuvent demander à les lire…" indique Stig Henriksson. À la mairie, un service dédié est chargé de transmettre ces données. "Quand vous savez tout ça, vous faites attention ! Mais c'est notre système,  j'y vois pas mal d'avantages et ça vous aide à garder une certaine éthique."

Le député Stieg Henriksson, député de gauche, dans la salle de la Commission Défense du Parlement. (ISABELLE LABEYRIE / RADIO FRANCE)

L’administration n’a d’ailleurs pas le droit de refuser ces demandes des citoyens. Quant au contrôle des fonds, il est très strict. Stig Henriksson ne recrute pas lui-même son assistante, qui est payée par le Parlement. Les cadeaux, eux, sont à déclarer à l’administration. S’ils valent plus de 20 euros, ils doivent lui être remis. Quand évoque les trois costumes de François Fillon à 13 000 euros, Stig Henriksson ne peut réprimer un franc sourire : il répond que lui, rien que la cravate, il n’aurait même pas pu accepter.

Deux verres d’alcool, la "plus grosse erreur de sa vie"

L’histoire récente est jalonnée de démissions express, comme celle de ces deux ministres. Il y  a onze ans, la première n’avait pas payé sa redevance pendant plusieurs années, l’autre ne déclarait pas sa nounou. L’exemple le plus récent remonte à l’été 2016 : Aida Hadzialic, 29 ans, ministre de l’Éducation, est alors contrôlée positive à un contrôle routier. Elle vient d’elle-même devant la presse expliquer qu’elle avait bu deux verres, "un verre de vin rouge et un verre de mousseux" et qu’elle avait fait, "la plus grosse erreur de sa vie" en prenant la voiture quatre heures plus tard. "On m’a appris à assumer les conséquences de mes actes", dit la jeune femme qui présente sa démission. Son taux d’alcoolémie s’élevait à 0,2 g par litre de sang, la limite maximale en Suède.

Un tel effort permet aux citoyens de peser sur les choix politiques. Les municipalités suédoises publient sur un site internet toutes les décisions qu’elles envisagent de prendre. Cela veut dire que, bien en amont, les citoyens peuvent donner leur avis et même changer le cours des choses. "Une fois, nous avons voulu changer les règles du stationnement longue durée dans Stockholm en augmentant les tarifs, même pour les résidents, raconte Daniel Helldén, le vice-maire de Stockholm, en charge de la circulation.  Nous avons reçu des tonnes de mails et d’appels de gens mécontents qui avaient consulté le projet. Il y avait beaucoup de choses justes dans ce qu’ils disaient. Comme cela ne sert à rien de prendre des décisions qui vont contre l’intérêt des citoyens, nous avons revu notre projet."

Les affaires Fillon ou Le Pen, impensables en Suède

Le fait que le pays ait l’un des taux d’imposition les plus élevés d’Europe est aussi un critère : les citoyens suédois veulent savoir comment leur argent est utilisé. Les Suédois ont à cet égard beaucoup de mal à comprendre qu’un François Fillon ou une Marine Le Pen soient toujours dans la course : en Suède, noyés dans de telles affaires, ces candidats auraient abandonné depuis longtemps. Christian Ekström dirige une association de contribuables, Skattebetalarna, qui traque la façon dont est dépensé l’argent public.

Christian Ekström, patron des Contribuables, une association qui demande des comptes aux politiques sur les dépenses publiques. (ISABELLE LABEYRIE / RADIO FRANCE)

Les seuls qui souffrent du système sont les corrompus

"Je critique beaucoup de choses dans mon pays, mais cette transparence est une bonne chose et vous devriez l’adopter, en France, conseille-t-il. Les seuls à souffrir du système, selon lui, sont en effet les politiques et les fonctionnaires corrompus "Pourquoi est-ce que nos hommes politiques auraient des choses à nous cacher ? Et pourquoi est-ce qu’on les laisserait faire ? Nous les avons élus pour qu’ils servent nos intérêts, pas l’inverse." Dans ce pays profondément protestant et très égalitariste, l’idée forte est que les élus sont avant tout au service de la collectivité. Les Suédois ne cherchent ni à exporter leur modèle ni à critiquer ce qui se passe ailleurs : "Si ça se passe comme cela chez vous, c’est que vous l’acceptez", analysent d’ailleurs tous les interlocuteurs que franceinfo a rencontrés...

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