On a relu ce qu'écrivait François Hollande avant son élection (et on a bien ri)
Avant d'accéder à l'Elysée, le candidat socialiste avait publié deux livres : "Le Rêve français" en 2011 et "Changer de destin" en 2012. Francetv info les a relus, quatre ans après l'arrivée au pouvoir de François Hollande.
"Changer le destin de la France ? N'est-ce pas un but inaccessible ? N’est-ce pas une ambition présomptueuse quand tant de contraintes pèsent sur la nation ? N’est-ce pas hors de portée quand tant de mes concitoyens doutent de la politique ? Eh bien non !" En février 2012, telle est l'ambition que François Hollande affiche dans son livre Changer de destin (éd. Robert Laffont).
Quelques mois plus tôt, le candidat socialiste a publié un premier ouvrage, Le Rêve français (éd. Privat), qui compile plusieurs discours de campagne. A un an de la fin du quinquennat, nous avons relu ces deux livres : ils jettent rétrospectivement une lumière crue sur la présidence de François Hollande. Francetv info a retenu quelques extraits qui apparaissent aujourd'hui bien décalés par rapport à ce qui s'est passé depuis.
Sur le jugement des Français de son action
Quand ma présidence sera jugée par les Français, s’ils me donnent leur suffrage, je veux qu’on dise, avec le recul du temps : son quinquennat a été juste.
Pourquoi ça nous a fait rire ? Même si à l'époque, François Hollande demande à être jugé avec du "recul", l'opinion des Français à son égard quatre ans plus tard est extrêmement sévère. Un sondage Elabe réalisé pour Les Echos, et publié vendredi 6 mai, montre que seuls 16% des sondés lui font encore confiance. Jamais le niveau de mécontentement n'avait été si fort depuis le début du mandat. Et si l'élection présidentielle se jouait aujourd'hui, le chef de l'Etat serait éliminé dans tous les cas de figure dès le premier tour, selon un sondage Odoxa paru à la mi-avril.
Sur les promesses non tenues de Sarkozy
Je n’accable pas le président sortant. Il n’est pas responsable de tout. Ni du passé, ni des contraintes extérieures. Mais il doit acquitter la note des promesses qu’il a faites et dont il savait qu’elles ne seraient pas tenues : laisser croire au retour du plein-emploi, laisser espérer des gains substantiels de pouvoir d’achat pour ceux qui travailleraient davantage, laisser penser à une éradication prochaine de la violence, annoncer des projets qu’il ne voulait pas atteindre : l’Etat impartial, l’indépendance de la justice, la protection des plus humbles. Dois-je continuer la liste ?
Pourquoi ça nous a fait rire ? En 2012, le candidat Hollande a eu beau jeu de faire la liste des promesses non tenues par Nicolas Sarkozy. Mais à l'époque, il s'est lui aussi engagé sur de nombreux points : réduction du déficit public en dessous de 3% dès 2013, inversion de la courbe du chômage, grande réforme fiscale, droit de vote des étrangers...
Quatre ans plus tard, le déficit public annoncé pour l'année 2015 est de 3,5%, la France compte 3,53 millions de chômeurs sans aucune activité (soit 610 000 de plus qu'en mai 2012), la grande réforme fiscale a été enterrée et l'idée d'accorder le droit de vote des étrangers aux élections locales a été abandonnée. Bilan : sur 551 promesses listées par le site Lui Président, seules 123 ont été réellement tenues à un an de la fin du quinquennat.
Sur la cohérence de sa politique
Décider pour décider. Si seulement ça marchait ainsi. S’il suffisait de trancher pour que le pays avance. Le coup de menton est souvent un coup de bluff. Un poing sur la table ne l’a jamais fait avancer. Ce qui compte, c’est la constance, la cohérence, la crédibilité au service d’une vision longue et d’une perspective lisible.
Pourquoi ça nous a fait rire ? En 2012, le candidat François Hollande plaidait la constance et la cohérence. Mais depuis quatre ans, son mandat a été marqué par plusieurs volte-face sur des sujets sensibles. A commencer par la question des impôts, massivement augmentés au début du quinquennat, jusqu'à ce que le "ras-le-bol fiscal" ne pousse l'exécutif à annoncer une série de baisses d'impôts. Des errements et revirements pointés par Le Monde à l'été 2015, et qui ont perdu de nombreux Français.
L'exemple le plus cruel reste la suppression de la TVA sociale, mise en place par Nicolas Sarkozy : après avoir abrogé la mesure dès juillet 2012, François Hollande l'a remise en place sous une autre forme avec une augmentation de la TVA cinq mois plus tard pour financer le CICE. Le président a d'ailleurs exprimé l'an dernier des regrets sur cette décision. Inconstance aussi au sujet des réfugiés, lorsque le chef de l'Etat a fini par accepter l'instauration de quotas en Europe, après s'y être opposé pendant plusieurs mois.
Sur l'alliance avec les Verts
Je souhaite gouverner avec les Verts. Les socialistes l’ont déjà fait pendant cinq années. A condition de faire du vert un levier de développement, un instrument de bien-être, un principe d’équilibre. L’écologie est la grande cause du XXIe siècle, elle est partie prenante de la politique de réduction des inégalités, de la démocratie participative et de la préservation des générations futures. C’est une alliance qui vaut la peine d’un accord, en oubliant l’accroc !
Pourquoi ça nous a fait rire ? Sitôt élu, François Hollande a nommé deux écologistes, Cécile Duflot et Pascal Canfin, au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Mais déçus par les orientations prises par le chef de l'Etat, ces derniers ont fini par claquer la porte en mars 2014. Ironie du sort : lors du dernier remaniement de février, les écologistes ont fait leur retour mais contre l'avis d'Europe Ecologie-Les Verts. Emmanuelle Cosse, Jean-Vincent Placé et Barbara Pompili ont par conséquent quitté (de gré ou de force) leur parti.
Malgré l'entrée de ces "cautions vertes", François Hollande ne semble pas prêt à aller au bout de ses promesses faites aux écologistes dans le cadre de l'accord PS-EELV signé en 2011. C'est particulièrement visible sur le dossier du nucléaire, où François Hollande cherche à gagner du temps avant de tenir ses promesses.
Sur les divisions au sein du PS
On ne peut nier que la 'diversité' est consubstantielle des socialistes. Ce peut être une force, un signe de vie, alors que tant d’autres partis constituent des blocs où l’on ne discute pas. Mais force est de constater que cette pluralité de sensibilités et de personnalités, lorsqu’elle a été mal maîtrisée, y compris dans des périodes récentes, a toujours produit de l’échec et, parfois pire, a conduit à des séparations sans lendemain pour ceux qui se sont éloignés.
Pourquoi ça nous a fait rire ? En 2012, le champion de la primaire socialiste est aussi le champion de la synthèse. Mais malgré sa leçon d'unité, l'ancien premier secrétaire du PS n'a pas franchement réussi à maîtriser les différentes lignes de son camp. A un an de la présidentielle, le PS est plus désuni que jamais.
L'écart s'est creusé entre l'aile gauche et l'aile droite du parti. Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Aurélie Filipetti, en quittant le gouvernement, ont joint leurs critiques à celles des députés socialistes frondeurs à l'Assemblée nationale. Certains sont même allés jusqu'à quitter le parti. Et les débats autour de la loi El Khomri, jugée trop favorable aux entreprises, ne devraient pas ressouder les troupes.
Sur le fait d'être de gauche
C’est en étant nous-mêmes que nous sommes fidèles à notre électorat. (...) C’est d’abord en étant socialistes, en fonction des engagements que nous avons pris et des orientations que nous nous sommes données.
Pourquoi ça nous a fait rire ? En 2012, au Bourget, François Hollande clamait : "Mon adversaire, c'est le monde de la finance". Pourtant, une fois au pouvoir, la politique économique et sociale du président de la République a beaucoup surpris les électeurs.
L'annonce du pacte de responsabilité dès le mois de janvier 2014 a été vécue par une partie de la gauche comme le premier tournant libéral du quinquennat. La loi Macron en 2015 et le projet de loi El Khomri en 2016, jugées trop favorables aux entreprises et au patronat, ont tout aussi été vivement critiqués à gauche. Et de l'autre côté, les promesses afin de mieux réguler "le monde de la finance" gardent un goût d'inachevé. La séparation des activités bancaires s'est révélée plus modeste que prévue et la lutte contre les paradis fiscaux n'est pas allée au bout de ses ambitions.
Sur les alliés du PS
Un PS seul et c’est l’alternance qui se trouve empêchée, car le changement a besoin d’une assise solide et d’un assentiment large de la population. Les bases électorales du PS sont à la fois étroites et fragiles. Il a besoin d’alliés, à condition qu’ils partagent la même exigence de crédibilité et de responsabilité. Les défis sont trop lourds, les contraintes trop fortes pour ne pas concevoir un rassemblement large et cohérent. (...) Il réclame une sincérité dans les engagements et un dépassement dans les formes et les pensées politiques.
Pourquoi ça nous a fait rire ? En 2016, le Parti socialiste compte peu d'alliés de poids. Le dernier remaniement ministériel a vu croître le nombre de ministres de 32 à 38. Parmi eux, on ne compte que quatre écologistes et trois radicaux. Mais le parti Europe Ecologie-Les Verts, qui ne souhaite plus collaborer avec l'exécutif, a désavoué son ancienne secrétaire nationale Emmanuel Cosse. Les mouvements "Ecologistes !" et "Nouvelle ère" ont, eux, un poids politique très limité et le modeste "Mouvement des progressistes" de l'ancien communiste Robert Hue, qui s'était rapproché de François Hollande, a fini par tourner le dos au PS.
Le Parti radical de gauche reste donc le principal allié des socialistes. L'arrivée de son président Jean-Michel Baylet, battu aux dernières élections, a été sévèrement critiquée y compris au sein de la majorité. Quant aux communistes, alliés du PS par le passé, ils se rangent désormais clairement dans l'opposition au gouvernement, notamment au côté du Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon.
Sur l'Etat de droit
Quel serait notre honneur si face aux violences qu’il faut résolument sanctionner, nous en finissions avec l’Etat de droit, avec les règles de liberté ? Quel serait notre honneur si parce que nous sommes confrontés à ce malaise, nous doutions de nous-mêmes au point de nourrir de la rancune à l’égard des autres quand la France a toujours a été capable de porter un modèle pour les autres ?
Pourquoi ça nous a fait rire ? Ce discours a radicalement changé après les attentats de janvier et de novembre 2015. Les services de renseignement disposent aujourd'hui d'un pouvoir accru qui échappe au contrôle de la justice, notamment en ce qui concerne la surveillance. Dans la tribune d'un blog de Mediapart, une vingtaine d'élus écologistes dénonçaient en mai 2015 "un blanc-seing liberticide".
L'état d'urgence, décrété le 13 novembre 2015 après les attentats, est également dénoncé par certains comme une contradiction avec l'Etat de droit. En novembre, la France a prévenu le Conseil de l'Europe qu'elle s'apprêtait à enfreindre la Convention européenne des droits de l'homme. Mais l'état d'urgence a été prolongé deux fois, le 19 novembre et le 16 février 2016, et devrait l'être encore jusqu'à l'Euro cet été. En quatre mois, La Quadrature du net a recensé sur un site la liste des nombreux abus constatés.
Sur le fait d'être comptable de son bilan
Qui peut-être président de la République ? Nicolas Sarkozy dira qu’il a quelques prétentions puisqu’il l’a déjà été. C’est incontestable mais ses résultats ne lui donnent pas le droit de recommencer ! (...) Les promesses du candidat UMP de 2007 sont autant de fardeaux pour celui de 2012. Enfin, l’unité dont la droite avait fait preuve en 2007 s’est fissurée et les rancœurs paraissent insurmontables… comme en 1981.
Pourquoi ça nous a fait rire ? Les mots du candidat Hollande sonnent comme une prophétie : cinq ans après l'écriture de son Rêve français, le président sortant est confronté aux mêmes obstacles qu'il prêtait à son prédécesseur : des prétentions présidentielles contestées, des promesses non tenues et un parti divisé sur fond de rancœurs du côté de son aile gauche. Si l'élection de 2012 pouvait être comparée à celle de 1981, la présidentielle de 2017 quant à elle risque de plutôt ressembler, comme le souligne un éditorial du Monde, à l'humiliation du 21 avril 2002.
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