: Tribune "Ne touchez pas au Planning familial !" : l'association répond à Marion Maréchal-Le Pen et Louis Aliot
S'ils sont élus le 13 décembre, les frontistes Marion Maréchal-Le Pen et Louis Aliot ont promis de ne plus subventionner le Planning familial dans leurs régions. Les deux coprésidentes de l'association leur répondent.
Dans le cadre de la campagne pour les élections régionales, Marion Maréchal-Le Pen et Louis Aliot, têtes de liste du Front national en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, ont pris position contre le Planning familial, promettant de supprimer, s'ils étaient élus, les subventions que lui versent les conseils régionaux. Dans une tribune publiée par francetv info, les deux coprésidentes de l'association, Carine Favier et Véronique Séhier, leur répondent. Elles s'expriment ici librement.
Supprimer les moyens financiers aux associations qui permettent de développer l’accès à l’information et à l’accompagnement des personnes dans leur vie affective et sexuelle, et qui inscrivent donc le droit à l’avortement comme une condition de l’autonomie des femmes : voilà ce que proposent Marion Maréchal-Le Pen et Louis Aliot dans le cadre de la campagne pour les régionales, message largement relayé par d’autres dirigeants et candidats de leur camp.
Si le Front national n’affirme pas officiellement vouloir interdire l’avortement, comme le rappelle Marine Le Pen, il propose de le dérembourser et fait une formidable propagande pour "la liberté de ne pas avorter". De fait, par des solutions détournées – dont celle de museler notre association –, il ne remet pas en cause la loi, mais fait tout pour en restreindre drastiquement la portée.
Plus de 500 000 personnes sont accueillies chaque année
Si elles ne sont pas pour nous surprendre, ces prises de position confirment les vraies intentions de ce parti : contrôler et assujettir les personnes dans leurs choix de vie. Ces menaces font tomber le masque d’une "normalité républicaine" affichée par le Front national. Mais en s’en prenant au Planning familial, le FN s’attaque à la liberté chèrement acquise de milliers de femmes et d’hommes, jeunes et adultes, dans leurs choix de vie : une vraie régression !
Supprimer les moyens de notre mouvement, c’est remettre en cause l’accès à l’information et l’accueil, au quotidien, de plus de 500 000 jeunes et moins jeunes par an dans nos 76 associations, implantées sur tout le territoire, proposant écoute, information et orientation, sur les questions de droits et de santé sexuelle.
Education, contraception... Les besoins sont immenses
Or, de nombreuses études confirment que les besoins sont immenses. Toutes rappellent que la sexualité des jeunes est un enjeu majeur de politique publique, tant sur les plans éducatif que sanitaire. Elles mettent également en évidence les difficultés et les inégalités d’accès à la contraception (inégalités sociales, inégalités territoriales, inégalités financières...) et à la mise en œuvre de l’éducation à la sexualité.
Pour la première fois, on note une baisse de la couverture contraceptive chez les 20-24 ans, du fait de problèmes financiers. La prévalence des infections sexuellement transmissibles augmente régulièrement chez les jeunes, et pour la première année, plus de 12% des nouvelles contaminations par le VIH concernent les 15-24 ans. Tous les rapports, toutes les études soulignent le manque de moyens dévolus à cette mission, et pointent ainsi le peu de considération dont fait l’objet l’éducation à la sexualité pour tous et pour toutes. Il s’agit pourtant d’un enjeu de société.
Une remise en cause de notre lutte contre les inégalités
Pour le Planning familial, l'éducation à la sexualité permet de prendre conscience et de questionner les normes et les rapports inégalitaires entre les femmes et les hommes : droits des femmes, égalité, conscience de son corps...
En tant que mouvement d'éducation populaire, nous avons appris à entendre sans jugement, sans imposer notre vision du monde, à ne pas répondre seulement au souci social que pose la sexualité (violences sexuelles, préoccupations sanitaires...) mais à accompagner les jeunes vers des comportements qui favorisent le bien-être et l'équilibre affectif et social.
Couper les subventions, ou nous dicter "la bonne attitude", c'est remettre en cause la lutte que nous menons contre les inégalités. Tous les jours, partout où il intervient, le Planning familial accompagne, informe les femmes, mais aussi les hommes, sur leur droit de vivre leur sexualité librement.
Le Planning n'agit pas que pour le droit à l'avortement
Si l’accès à la contraception et le droit à l’avortement sont l'ADN du Planning familial, la lutte contre le sida et les infections sexuellement transmissibles, les violences faites aux femmes, les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre, les politiques de pénalisation (prostitution, étrangers sans papier...) sont aussi ses combats d’une actualité hélas brûlante. Depuis quarante ans, les avancées des droits des femmes sont nombreuses. Beaucoup sont inscrites dans la loi, mais toutes sont loin d’être appliquées. Lutter pour les droits, et l’application de ces droits, ne suffit pas.
La démarche du Planning familial est politique, globale et transversale. Parler d’égalité, lutter contre les violences, ou pour une égalité salariale, n’ont de sens qu’à travers une approche globale. Impossible de lutter contre le sida sans parler de sexualité, et de parler de sexualité sans la situer dans le cadre de la problématique des rapports femmes-hommes. Impossible de construire une société d’égalité sans la laïcité, conçue comme outil d’émancipation et de vivre ensemble. Tous ces combats passent par l’éducation à la sexualité, à la citoyenneté, dès le plus jeune âge, et tout au long de la vie. Construire l’égalité, entre femmes et hommes comme entre citoyens et citoyennes de toutes origines et de toutes situations sociales, est le fil rouge de toutes nos actions.
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