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Denis Masséglia, député LREM : "Etre identifié comme le 'gamer' de l'Assemblée ? Ça ne me dérange pas"

Récemment élu député de la 5e circonscription du Maine-et-Loire sous les couleurs de La République en marche, Denis Masséglia est un passionné de jeux vidéo. Notamment de "World of Warcraft".

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le député LREM de la 5e circonscription du Maine-et-Loire Denis Masséglia, mercredi 28 juin 2017 dans les jardins de l'Assemblée nationale, à Paris. (VINCENT MATALON / FRANCEINFO)

Avant de cirer les bancs de l'Hémicycle, Denis Masséglia était un mort-vivant. Elu député de la 5e circonscription du Maine-et-Loire sous les couleurs de La République en marche le 18 juin, cet ingénieur de 36 ans était il y a quelques années une petite célébrité de son serveur sur le jeu de rôle en ligne World of Warcraft (WoW).

Il y incarnait Kstor (prononcez "castor"), un "démoniste" revenu d'entre les morts, et terrassait les créatures les plus puissantes du jeu aux côtés des membres d'une guilde appelée Les Croisés. Franceinfo est allé à la rencontre de ce député d'un nouveau genre, et a interrogé ses camarades de jeu de l'époque.

"Je passais mes soirées à jouer à 'Total Annihilation'"

Attablé au premier étage d'un café situé à quelques dizaines de mètres du Palais-Bourbon, à Paris, celui qui découvre la vie d'un élu est intarissable lorsqu'il s'agit d'évoquer sa passion pour les jeux vidéo. "J'ai commencé sur l'Atari qu'avaient mes parents, mais je suis vraiment tombé dedans vers 10-12 ans, lorsque mon oncle m'a offert la Super Nintendo. J'ai mis une année à terminer Zelda, a Link to the Past, et je jouais également beaucoup au jeu de combat Dragon Ball Z : La Légende Saien", se souvient-il avec gourmandise.

Elève "aux résultats moyens avant le lycée" (il a redoublé sa 4e et est passé de justesse en seconde), il finit par décrocher un bac scientifique et intègre une école d'ingénieur en alternance à Toulouse. Et à l'âge où certains de ses collègues actuels distribuaient déjà des tracts, lui boudait les partis politiques et continuait de jouer. "Avec mon colocataire, nous passions nos soirées à nous défier au jeu de tir Unreal Tournament et au jeu de stratégie Total Annihilation. Le perdant devait préparer le repas, et le gagnant se contentait de la vaisselle."

"Mon personnage principal cumule 300 jours de temps de jeu"

Quelque temps après avoir été embauché comme responsable technique dans une entreprise produisant des pièces détachées pour les géants de l'aéronautique Thalès et Airbus, en 2005, Denis Masséglia investit dans un ordinateur et une connexion à internet suffisamment solides pour pouvoir s'essayer à World of Warcraft, le jeu de rôle massivement multijoueurs (MMO), vedette de l'époque. Après des débuts timides "à environ 10 à 12 heures de jeu par semaine" avec son "démoniste", le futur député s'investit plus sérieusement dans le jeu en 2007. 

Il rejoint la guilde Les Croisés, qui enchaîne les succès dans les donjons les plus exigeants du jeu, ceux qui nécessitent des groupes de 25 joueurs. "Des raids étaient organisés six soirs par semaine, le plus souvent de 21 heures à 00 h 30, et j'y participais pratiquement chaque soir. Il faut ajouter à cela le temps de préparation, au cours duquel je récoltais des 'consommables' pour la guilde", se remémore l'élu. 

Ce père de trois enfants participe même à une rencontre "IRL" ("in real life", "dans la vraie vie") au restaurant avec ses camarades "croisés". Cette période dure jusqu'en 2008, date à partir de laquelle il lève le pied et redevient un simple "casu", terme tiré du mot anglais casual, qui désigne un joueur occasionnel. En fouinant sur Google, il est d'ailleurs possible de retrouver, sur un forum, sa candidature pour rejoindre une guilde moins exigeante.

De cette époque, le député dit "garder vraiment un très bon souvenir", et retenir "surtout l'aspect humain, qui était très important". Il fait les comptes du temps effectif passé sur World of Warcraft avec un sourire qui trahit une certaine fierté : "Au total, mon main [personnage principal] compte 300 jours de temps de jeu". Ce qui est très conséquent, même pour un joueur assidu. 

Son élection a mis un "coup de vieux" à ses anciens camarades de jeu

Denis Masséglia a pour la première fois évoqué son passé de joueur assidu dans un article des Inrockuptibles, massivement relayé sur les réseaux sociaux par des personnalités du jeu vidéo qui se sont félicités de voir arriver l'un des leurs à l'Assemblée.

Interrogés par franceinfo, ses anciens camarades de jeu disent avoir été "surpris" en apprenant que Kstor allait siéger au Palais-Bourbon. "On en a plaisanté sur le canal de discussion que nous avons créé avec quelques anciens de la guilde, même si la plupart sont de gauche et d'extrême gauche", s'amuse Denis, qui avait écumé avec son personnage de mage les donjons de WoW avec le futur député.

"Ça m'a mis un sacré coup de vieux !" abonde Ludovic, 38 ans, qui occupait le poste d'officier chez Les Croisés avant de prendre la tête de la guilde. "J’aurais préféré qu’il aille dans un autre parti, car je me situe plus à gauche, mais j'imagine qu'il est plus facile actuellement de gravir les échelons chez En marche !"

A l'époque, son personnage jetait souvent un sort qui s'appelait 'Graine de corruption'. J'espère que ça ne lui a pas donné de mauvaises habitudes !

Ludovic, ancien camarade de jeu de Denis Masséglia

à franceinfo

S'il ne partage pas les orientations politiques de son ancien coéquipier, Ludovic se félicite tout de même de voir arriver une personnalité de son profil à l'Assemblée. "C'est un changement de génération intéressant, qui amène des gens qui auront un autre prisme sur les jeux vidéo que ce qu'avaient parfois les politiques. Je me sens plus proche de personnalités comme la sienne que de d'autres qui ne comprennent pas ces loisirs."

"Montrer qu'on peut jouer à haut niveau et avoir une vie équilibrée"

Denis Masséglia accepte volontiers son étiquette de parlementaire joueur mais ne veut pas être réduit à cela. "Etre identifié comme le 'gamer' de l'Assemblée ? Ça ne me dérange pas", assure-t-il avant d'insister sur le fait d'avoir toujours accordé la priorité à sa vie privée et professionnelle. 

Si, par mon expérience, je peux démontrer qu'on peut jouer à haut niveau et avoir une vie équilibrée et saine, j'en serais heureux.

Denis Masséglia

à franceinfo

Dans le secteur du sport électronique, l'arrivée de Denis Masséglia au Palais-Bourbon suscite en tout cas un certain enthousiasme. Membre du comité chargé de représenter la France lors de la prochaine Coupe du monde du jeu de tir Overwatch, Mathias Szanto, dit Troma, veut espérer que le parlementaire puisse jouer un rôle de "porte-voix de l'e-sport" dans l'Hémicycle.

"Quand je l'ai interpellé sur Twitter avec le compte de l'équipe de France d'Overwatch, il a envoyé un message d'encouragement qui montrait qu'il connaissait la suite du programme", se félicite Troma. "J'espère qu'il profitera de sa tribune pour donner de la visibilité à l'e-sport, et qu'il amènera d'autres soutiens dans le monde politique", continue le joueur, qui rêve de voir Emmanuel Macron publier un message d'encouragement à l'équipe de France si les Bleus venaient à se qualifier pour la finale de la Coupe du monde d'Overwatch.

Denis Masséglia, qui a rejoint la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée, avoue ne pas avoir jusqu'à présent envisagé d'utiliser son mandat pour promouvoir le jeu vidéo. "Ma priorité, c'est de porter les aspirations des habitants de ma circonscription du Choletais. Mais si ceux qui veulent faire avancer ces dossiers souhaitent me rencontrer, la porte est ouverte !" assure le jeune ingénieur.

Les intéressés feraient en tout cas bien de se manifester rapidement auprès de l'élu, qui a bien réalisé que le vent pouvait rapidement tourner en politique. "Aujourd'hui, à l'Assemblée, je suis chez Les Croisés, mais dans cinq ans, je reviendrai peut-être au mode 'casu' !" sourit Denis Masséglia.

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