Les annonces de Manuel Valls peuvent-elles relancer l'investissement en France ?
L'économiste Mathieu Plane se penche sur les mesures annoncées mercredi par le Premier ministre, parmi lesquelles un geste fiscal pour les entreprises qui effectueront des investissements industriels.
Alors que les indicateurs économiques se font encourageants en ce début d'année, notamment la croissance, un secteur reste en berne : l'investissement, aussi bien des entreprises que des collectivités, qui continue de baisser. Un problème auquel le gouvernement entend s'attaquer. Le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé, mercredi 8 avril, un ensemble de mesures dans ce sens : les entreprises qui se lancent dans des investissements industriels, pour une période d'un an à partir du 15 avril, pourront ainsi déduire l'équivalent de 140% de leur investissement du montant de leur bénéfice imposable, contre 100% aujourd'hui. Réduisant ainsi leur bénéfice imposable, et donc leur impôt.
Francetv info a interrogé Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), sur l'efficacité de ces nouvelles mesures.
Francetv info : Se concentrer sur la relance de l'investissement, est-ce le bon levier pour encourager l'économie et l'emploi en France ?
Mathieu Plane : On peut parler de scénario de reprise en France. La question, aujourd'hui, est de savoir si l'on va rentrer dans un cercle vertueux. Mettre un coup de pouce à l'investissement, qui s'est contracté depuis 2008, pour s’en assurer, c’est plutôt une bonne chose. L’investissement génère de la croissance, car il faut bien que quelqu’un fabrique les biens dans lesquels on investit. Et si vous augmentez vos capacités productives, vous avez besoin de main d'œuvre et vous créez de l'emploi.
La question qui se pose est celle du montant de l'enveloppe : quand Manuel Valls parle d'un investissement de 2,5 milliards d'euros dans ce geste fiscal, c'est un peu survendu. En réalité, il s'agit de 500 millions par an sur cinq ans : c'est chirurgical. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement n'a pas plutôt essayé de répartir autrement les 40 milliards d'euros du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Il s'applique aujourd'hui aux salaires qui représentent jusqu'à 2,5 fois le Smic : en baissant ce plafond, on aurait pu concentrer les effets du dispositif sur les bas salaires, notamment dans le secteur des services, tout en ciblant plus précisément les dépenses d'équipement et l'industrie avec les moyens restants, qui auraient été sans comparaison avec les montants annoncés pour ce nouveau dispositif.
Comment expliquez-vous les difficultés des petites et moyennes entreprises françaises à investir ?
Le nœud du problème, c’est qu'elles ont des carnets de commandes vides, et des marges qui sont faibles. Leurs conditions de financement sont difficiles, ce qui rend leur situation complexe à gérer. De plus, les PME sont beaucoup plus dépendantes de l’activité locale que les grands groupes, qui peuvent aller chercher la croissance ailleurs, à l'étranger. Au début de la crise, les défaillances d’entreprises concernaient surtout les grands groupes. Aujourd'hui, ce sont surtout de plus petites entreprises.
Ces entreprises ont du mal à investir. Comment peuvent-elles bénéficier d'une mesure qui repose justement sur leur capacité d'investissement ?
Elles ont de toute façon une nécessité d'investir régulièrement : avec cette mesure, elles se poseront la question de faire maintenant une dépense qu'elles auraient dû faire, mais peut-être plus tard. C'est un effet d'aubaine. Et même si ça ne créait pas une relance massive de l’investissement industriel, ce geste fiscal améliorera la situation financière des entreprises qui investissent déjà et auraient fait ces dépenses de toute façon.
Faut-il avant tout parier sur l'investissement privé, comme semble le faire le gouvernement, ou public, qui pâtit de la baisse des dotations aux collectivités locales ?
Il ne faut pas penser que l’un est en concurrence avec l’autre. L’investissement public peut être le levier de l’investissement privé, et les deux sont potentiellement complémentaires, avec des cibles différentes : la rénovation écologique, par exemple, va plutôt être du domaine de l'investissement public. Ce dernier est très dépendant des marges de manœuvre des collectivités, alors que l'investissement privé est dépendant des carnets de commandes, des taux de marge et du coût du crédit. Les deux sont importants dans une économie, et dans la zone euro les deux se sont effondrés. Il faut les encourager, car l'investissement d’aujourd'hui, c'est aussi la croissance potentielle de demain.
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