Montebourg, le PS, les frondeurs... Comment ils ont (déjà) saboté la primaire socialiste
Arnaud Montebourg est candidat à la présidentielle mais il n'a pas précisé s'il souhaitait participer à la primaire organisé par son parti. Le scrutin semble déjà avoir du plomb dans l'aile, alors qu'il est censé permettre un rassemblement de la gauche.
Le principe d'une primaire entre socialistes et alliés a été enteriné avant l'été et le scrutin est prévu les 22 et 29 janvier. Mais aujourd'hui, ces dates sont bien les seules fondations stables de cet immense chantier. Alors que les critères de candidature ne seront fixés que le 2 octobre, certains menacent déjà de contourner le processus tandis que les "petites" candidatures se multiplient.
Le premier objectif de cette consultation, censée apporter crédit et légitimité au meilleur candidat pour la présidentielle, semble déjà compromis. La faute aux principaux intéressés. Francetv info vous explique comment ils ont déjà mis à mal la primaire.
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Montebourg, en prenant ses libertés avec sa créature
Va-t-il y aller directement ou en passant par la primaire à gauche ? Arnaud Montebourg a annoncé se porter "candidat à la présidence de la République française"... sans préciser s'il comptait passer par la case primaire. A l'inverse de Benoît Hamon, lui aussi candidat, l'ancien ministre du Redressement productif a laissé planer le doute. "Il alimente une division qui mène à un échec garanti (...) Je souhaite qu'il soit candidat à la primaire pour qu'il y ait un vrai débat", a aussitôt réagi François de Rugy, président du parti Écologistes !, interrogé sur BFMTV.
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Cette ambiguïté est d'autant plus étonnante qu'Arnaud Montebourg a lui-même été un fervent partisan des primaires. En 2009, convaincu du bien-fondé de l'exercice, il considérait ce scrutin comme une révolution démocratique, rappelle Le Figaro, avant d'y participer deux ans plus tard et d'obtenir 17% des suffrages. Cette fois, le néo-candidat laisse planer le doute et affirme ne pas souhaiter participer à la primaire tant qu'il n'en connaîtra pas les modalités.
Le flou actuel suscitent des commentaires agacés au gouvernement. "Je n'imagine pas que celui qui a imaginé la démarche des primaires, qui l'a théorisée, institutionnalisée, puisse s'exonérer de ce passage qui est obligé", a réagi le ministre de la Ville, Patrick Kanner. Mêmes inquiétudes chez les farouches opposants à François Hollande, parmi lesquels le candidat Gérard Filoche, interrogé sur LCI : "Ce que je souhaite, c'est que tout le monde passe par la primaire. S'il n'y a pas de primaire, c'est un désastre en juin."
La gauche du PS, en multipliant les candidatures
"Souvent, il y a eu une mise en doute de la capacité de notre courant à construire une candidature alternative. Cette démarche s'engage", affirmait le député frondeur Christian Paul avant l'été, en commentant une déclaration de la gauche du PS en faveur de "la candidature d'une autre gauche de gouvernement". Visiblement, le message n'a pas été reçu. Outre Arnaud Montebourg, d'autres candidats de cette sensibilité ont déjà annoncé leur candidature : Marie-Noëlle Lienemann, Gérard Filoche et Benoît Hamon. De quoi nourrir la possible cacophonie lors des débats de la primaire.
Du côté de Solférino, on voit rouge: le premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis s'en prend ouvertement aux frondeurs, dans le JDD : "La présidentielle, ce n’est pas la chasse aux Pokémon ! (...) Le seul qui ne soit pas candidat, c’est Christian Paul. Ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux qu’ils sont majoritaires chez les électeurs de gauche." Même à gauche du PS, on ne cache pas ses réserves. "Plus il y a de candidatures, plus cela popularise l'idée d'une primaire à gauche, concédait le frondeur Jérôme Guedj, avant l'été, dans Le Point. Mais il ne faudrait pas que cela continue trop longtemps…"
Macron, en jouant l'électron libre, "ni de droite, ni de gauche"
La primaire ? "Ce sont des questions qui, aujourd'hui, ne m'intéressent pas", répondait Emmanuel Macron, fin juin. Le ministre de l'Economie n'a pas de carte d'adhérent au PS et ne se prive pas de le faire savoir : "Je ne suis pas socialiste", a-t-il ainsi rappelé, non sans applomb, vendredi 19 août. Son mouvement En Marche ! n'est "ni de droite, ni de gauche", selon ses propres termes. En théorie donc, rien ne lui interdit de partir seul en campagne. Interrogé sur les primaires, Le Figaro rapporte qu'il en a même plaisanté, à bord d'un train entre Calais et Paris : "Celle de la gauche ou celle de la droite ?" Avant d'ajouter : "Les primaires, c'est la preuve du faible leadership de chaque côté." De quoi donner quelques sueurs froides au Parti socialiste.
Solférino, en favorisant Hollande
Hollande sera-t-il candidat à la primaire et à sa propre succession ? Si l'Elysée, n'a toujours pas fait d'annonce, Solférino multiplie les signaux en ce sens. "Je le souhaite", a répondu le premier secrétaire du PS, avant l'été. Les frondeurs craignent que le Parti socialiste favorise la candidature de l'actuel pensionnaire de l'Elysée. Le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, semble favorable à une primaire ouverte de la gauche du gouvernement, restreinte aux contours de La Belle Alliance populaire !, réunie autour de la ligne actuelle et à quelques alliés.
De quoi agacer les frondeurs et la gauche du parti. Avant même l'officialisation de la primaire, dès le mois d'avril, l'ancienne ministre Aurélie Filippetti avait sonné la charge : "C'est un simulacre de primaire que veut Solférino (...) Les hiérarques du Parti socialiste veulent tout faire pour éviter une véritable primaire ouverte." Des critiques également formulées par la membre du Parti radical de gauche Sylvia Pinel, ancienne ministre.
Les radicaux ont toujours été favorables aux primaires de la gauche. Mais pas à un simulacre ou à une parodie de primaires ...
— Sylvia PINEL (@SylviaPinel) 17 juin 2016
>> Et si François Hollande avait finalement intérêt à se soumettre à une primaire ?
Les autres partis de gauche, en désavouant le scrutin
La gauche a finalement échoué à proposer une primaire élargie, pourtant maintes fois réclamée. En janvier, un appel cosigné par des dizaines de personnalités est publié dans Libération pour réclamer l'organisation d'une primaire élargie à l'ensemble de la gauche. Puis, pendant plusieurs semaines, des rencontres ont lieu chaque jeudi matin, à l'Assemblée nationale. En vain, puisque le PCF et EELV rejettent une candidature de François Hollande, signale alors Le Parisien.
Fin juin, le secrétaire national du parti écologiste, David Cormand, ferme la parenthèse, sur France 2, excluant la participation d'EELV à cette primaire, une "affaire qui concerne avant tout le PS" : "On voit bien qu'on bégaie la même offre, que 2017 risque de ressembler au remake de 2012 avec les mêmes acteurs, les mêmes projets. Il faut vraiment passer à autre chose." Jean-Luc Mélenchon, lui, avait déjà annoncé sa candidature en février. Retour à la case départ.
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