Présidentielle : Arnaud Montebourg, candidat en construction
Un mois après sa déclaration de candidature, l'ancien ministre socialiste déroule un "projet France", qui n'est encore que partiellement ficelé.
L'annonce date d'il y a un mois déjà. Le 19 août, à la Fête de la rose de Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire), Arnaud Montebourg officialisait sa candidature à la présidence de la République. Malheureusement pour lui, depuis la rentrée, c'est surtout Emmanuel Macron qui a tenu le devant de la scène médiatique, avec sa sortie fracassante du gouvernement et ses allures de présidentiable en puissance.
Dépassé dans le registre du coup d'éclat, Arnaud Montebourg part en campagne dans un style inédit pour lui. En déplacement à Gonesse (Val-d'Oise), lundi 19 septembre, il a montré le visage d'un candidat besogneux qui, pas à pas, espère réunir les conditions pour battre François Hollande lors de la primaire à gauche.
Car, sauf coup de théâtre, il y aura bien un affrontement entre le président et son ancien ministre dans les urnes en janvier. Après avoir laissé planer le doute à Frangy quant à une éventuelle candidature directe à la présidentielle, Arnaud Montebourg évoque désormais ouvertement sa participation à la primaire, tout en précisant qu'elle doit être "loyale et équitable". Son entourage ne manque pas de critiquer, au passage, le rôle de la direction du Parti socialiste, qui organise des réunions publiques ressemblant un peu trop, à leur goût, à des meetings pro-Hollande.
Arnaud Montebourg ira-t-il jusqu'à soutenir le chef de l'Etat si celui-ci remporte la primaire ? Lorsqu'une militante lui pose la question, en plein meeting, l'ancien ministre sous-entend que oui, avant de suggérer une inversion des rôles : "J'aimerais bien avoir un ancien président de la République comme chauffeur de salle dans mes meetings !", lâche-t-il à la tribune. Rires garantis.
"Il faut tourner la page de ce quinquennat et prévoir"
Dans la salle Jacques-Brel de Gonesse, invité par le député PS frondeur et maire de la ville Jean-Pierre Blazy, l'un de ses soutiens à l'Assemblée, Arnaud Montebourg est venu présenter son "projet France". Mais il a surtout déroulé ses convictions économiques, déjà bien connues. Protectionnisme industriel, made in France, fin de l'austérité budgétaire, relance de l'Europe… Depuis 2011 et ses 17% obtenus à la primaire socialiste, Arnaud Montebourg n'a pas beaucoup fait évoluer son discours. Persuadé de détenir la vérité face à la ligne Hollande-Valls-Macron, il ressasse les désaccords qui ont conduit à son éviction du gouvernement, il y a deux ans.
"Vous avez en face de vous un homme qui y a cru, comme vous, et qui a quitté le gouvernement sur un désaccord majeur. Il faut tourner la page de ce quinquennat et prévoir", explique-t-il, lundi après-midi, devant une délégation de syndicalistes témoignant de leurs conditions de travail à la limite de la légalité sur le tarmac de l'aéroport de Roissy. "La concurrence déloyale des travailleurs détachés, j'ai ouvert ce débat dans le salon Murat de l'Elysée. Mais ce n'est pas parce que vous siégez au conseil des ministres que vous êtes entendus", leur lance-t-il, prônant une "suspension unilatérale du droit européen" et prévoyant d'aller "casser un peu de vaisselle à Bruxelles".
Lors de cette visite dans le Val-d'Oise, le candidat a pu mesurer l'état de déprime profonde dans lequel le pays est plongé. "Vous êtes la troisième personne de la journée à me dire ça", répond-il gravement à un homme qui lui confie, des sanglots dans la voix, avoir cru "voter pour un gouvernement de gauche en 2012". "Arnaud parle à ceux qui ne se sentent pas écoutés. Il peut apporter des réponses aux gens qui, s'ils n'ont pas fait le choix de voter Marine Le Pen, seraient un jour tentés de le faire", estime un membre de son équipe.
La méthode des "crash-tests"
Intarissable sur l'économie, Arnaud Montebourg n'est pas toujours aussi à l'aise quand il s'aventure sur d'autres terrains. A l'hôpital de Gonesse, flambant neuf, qu'il vient de visiter, il prévient d'emblée la vingtaine de personnels qui s'entretiennent avec lui : "Je ne suis pas un spécialiste de l'hôpital." L'ancien ministre écoute patiemment leurs remarques et leurs doléances, parfois très techniques, plutôt que de dérouler des propositions. Et quand la question controversée de la tarification à l'activité (T2A) dans les hôpitaux arrive dans la discussion, Arnaud Montebourg saisit la balle au bond : "Ah ! Expliquez-moi ça ! Excusez-moi, mais je suis en cours, là !"
C'est l'illustration de sa méthode : sans idées arrêtées sur la santé, comme sur l'éducation, le candidat veut s'inspirer de ses rencontres de terrain. A la fin de l'échange, il promet de revenir vers eux dans quelques semaines pour leur soumettre ses propositions, une fois qu'il les aura imaginées. "J'ai besoin de faire des 'crash-tests', comme pour les voitures !", plaisante Arnaud Montebourg, qui revendique le fait de présenter un "projet", plutôt qu'un "programme".
D'ici à la primaire, Arnaud Montebourg a encore le temps de peaufiner ses propositions. Jeudi soir, dans "L'Emission politique" sur France 2, il devrait détailler son projet pour l'école. Quelques jours plus tard, il publiera en librairie son discours de Frangy, annoté et complété de données chiffrées. Un livre-programme est attendu pour le mois de décembre, au moment de la clôture des candidatures pour la primaire. La campagne ne fait que commencer, et le candidat Montebourg est encore en construction.
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