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Taxer les robots : cinq questions sur la promesse de Benoît Hamon

Avec le revenu universel, c’est l’une des propositions clés du candidat socialiste à l’élection présidentielle. Pourquoi taxer les robots ? Qui seraient les gagnants et perdants d’une telle mesure ? Décryptage.

Article rédigé par franceinfo - Valentine Pasquesoone
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le candidat socialiste à la présidentielle, Benoît Hamon, visite une entreprise spécialisée dans l'intelligence artificielle, le 27 janvier 2017 à Paris. (MAXPPP)

C'est une idée pour le moins emblématique, et qui ne manque pas de faire parler d'elle. S'il est élu président de la République, Benoît Hamon propose de taxer les machines qui remplacent les hommes dans les entreprises. Franceinfo passe cette proposition au décrypteur.

1De quoi s'agit-il ?

Dans son programme pour l'élection présidentielle, le candidat socialiste annonce la création d'une "taxe sur les robots". L'idée ? Taxer "la richesse créée par les robots" dans les entreprises françaises, afin de "financer notre protection sociale". Benoît Hamon président, toute valeur ajoutée produite par des machines serait soumise à des cotisations, comme l'est aujourd'hui le travail des salariés. Il s'agirait, pour l'ancien ministre de l'Education, de "transférer les cotisations patronales assises sur le travail vers une taxe sur la valeur ajoutée ou le chiffre d'affaires". Une fois mise en place, cette "taxe robots" devrait servir à financer l'idée phare du candidat : la création d'un "revenu universel d'existence".

Mais pour quelle raison taxer les robots ? Benoît Hamon s'appuie sur l'idée que les transformations technologiques – robotisation, numérisation, etc. – vont conduire à une raréfaction du travail. "Entre 10 et 50% des emplois peuvent être menacés d'existence à raison de cette révolution numérique", a-t-il récemment avancé sur RTL. Le candidat se base sur plusieurs études démontrant le phénomène. Dans une synthèse (PDF) publiée en mai 2016, l'OCDE estime ainsi que "9% des emplois en moyenne présentent un risque élevé d'automatisation". Autres travaux évoqués par le député des Yvelines : ceux de Carl Frey et Michael Osborne, deux chercheurs de l'université d'Oxford au Royaume-Uni. Dans une étude publiée en 2013 (PDF), ces derniers estiment que 47% des emplois américains pourraient être automatisés. Pour mieux répondre à ces risques, Benoît Hamon prône donc un revenu pour tous, indépendant du travail, et la taxation des machines qui, justement, menacent ce travail.

2Combien ça rapporterait ?

C'est le grand flou de cette proposition. Interrogé par Europe 1, Nicolas Matyjasik, coordinateur du projet de Benoît Hamon, a précisé que son équipe n'avait pas encore "chiffré" les retombées financières de cette taxe. "Nous savons que cette taxe ne récoltera pas des centaines de milliards d'un coup", a-t-il reconnu. Pour Nicolas Matyjasik, une chose est sûre : "Ce n'est pas avec la seule 'taxe robots' que l'on financera la totalité du revenu universel."

3Qui seraient les gagnants ?

Ceux qui recevront le "revenu universel d'existence" prôné par Benoît Hamon seraient les premiers à bénéficier de cette taxe. Elle permettrait d'abord de financer un "revenu d'existence" pour tous les jeunes de 18 à 25 ans, ainsi que la revalorisation du RSA à 600 euros. Dans un deuxième temps, elle pourrait servir au versement d'une sorte de prime d'activité pour les salariés les moins bien payés.

Tous les Français pourraient, à terme, bénéficier des retombées de cette taxe – si Benoît Hamon parvient à mettre en place son projet d'un revenu pour tous de 750 euros par mois. Cette taxe sur les robots s'adresse aussi aux Français ayant perdu leur emploi du fait de la robotisation : en taxant les machines qui, aujourd'hui, font leur travail, Benoît Hamon entend trouver une source de financement supplémentaire pour leur protection sociale.

4Qui seraient les perdants ?

Les entreprises qui, justement, ont investi dans ces machines. Dans son projet, Benoît Hamon estime que "lorsqu'un(e) travailleur(euse) est remplacé par une machine, la richesse créée bénéficie essentiellement aux actionnaires". Avec la taxe sur les robots, cette richesse sera davantage redistribuée. Et les sociétés françaises automatisant leurs productions devront désormais payer plus.

Le candidat cite notamment l'exemple des grandes surfaces qui, peu à peu, remplacent les caisses par des portiques. Mais l'automatisation ne s'arrête pas aux portes des supermarchés. Courtiers, juristes, conseillers clientèle ou vendeurs téléphoniques... Bon nombre de métiers sont déjà plus ou moins automatisés. Les entreprises qui continuent dans cette lancée seront directement visées.

5Est-ce réaliste ?

Les avis sont très partagés. Oui, si l'on en croit l'Américain Bill Gates. Le fondateur de Microsoft défend lui aussi l'idée d'une taxe sur les robots. Il s'est exprimé à ce sujet lors d'une interview au site Quartz (en anglais), le 16 février. "Si un travailleur humain produit pour 50 000 dollars dans une usine, ce revenu est taxé : vous avez l'impôt sur le revenu, les cotisations sociales, toutes ces choses, relève l'homme d'affaires. Si un robot vient faire la même chose, vous pourriez penser que l'on imposerait le robot à un niveau similaire." Pour Bill Gates, cette taxe sur les robots n'aura pas d'effet particulièrement néfaste sur l'innovation.

Du côté des économistes, la "taxe robots" fait l'objet de bon nombre de critiques. "Du point de vue économique, on peut difficilement imaginer pire idée qu'une taxe sur les robots", lance Emmanuel Buisson-Fenet dans les colonnes du Monde (article payant). Pour lui, les entreprises qui robotisent gagnent en productivité. Cette taxe les pénaliserait directement face à la concurrence. Elle pourrait conduire à une pression accrue sur les salaires, voire à des suppressions de postes.

Autre argument avancé par plusieurs de ses pairs : le fait que la robotisation crée aussi de nouveaux emplois. En moyenne, un nouvel emploi dans le secteur des technologies conduit à cinq emplois supplémentaires. Le lien entre robots et emplois peut donc être vertueux. L'exemple de l'Allemagne le montre bien : fortement robotisé, le pays frôle le plein-emploi.

En résumé...

Benoît Hamon propose de mettre en place une taxe sur les robots pour financer la protection sociale – et notamment le revenu universel qu'il défend. Dans les entreprises qui remplacent leurs salariés par des machines, la richesse créée par les robots sera soumise à des cotisations. Cette taxe serait une réponse au phénomène de raréfaction du travail lié à l'automatisation. Mais le sujet fait largement débat : soutenu notamment par Bill Gates, il est aussi critiqué par bon nombre d'économistes. Ce nouvel impôt pourrait réduire la compétitivité de certaines entreprises, et causer à terme des délocalisations et suppressions d'emplois. Quant aux retombées financières espérées, le flou règne encore.

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