Réforme territoriale : Hollande a-t-il vraiment raté son coup ?
Mesure phare de l'acte II du quinquennat, la réforme territoriale suscite de nombreuses incompréhensions. Ses partisans rétorquent qu'elle a au moins le mérite d'exister.
"Un cauchemar" pour les Verts, une "humiliation" selon le président PS du Languedoc-Roussillon Christian Bourquin, un "tripatouillage entre copains" pour le sénateur-maire UMP de Marseille Jean-Claude Gaudin. La réforme territoriale, annoncée mardi 3 juin et censée symboliser l'acte II du quinquennat de François Hollande, suscite de nombreuses incompréhensions.
Cette nouvelle carte des régions est-elle un ratage total pour François Hollande ? Francetv info apporte quelques éléments de réponse.
Oui, des élus socialistes sont mécontents
Pour certains élus régionaux socialistes, découvrir la carte concoctée par François Hollande a été un choc. Le plus virulent d'entre eux a, sans doute, été Christian Bourquin, président PS de la région Languedoc-Roussillon, appelée à fusionner avec sa voisine Midi-Pyrénées. Considérant sa région comme "la plus attractive de France", il fulmine à l'idée de sa probable disparition : "C'est une carte de France des copains qui est dessinée."
Le Sud n'est pas le seul endroit où la carte des régions fait grincer des dents. Le mariage de la Picardie et de Champagne-Ardenne n'est pas franchement du goût du président picard, Claude Gewerc, qui dit être "très surpris" et ne pas "comprendre la cohérence". "Lundi matin encore, j'ai discuté avec le ministre de l'Intérieur de trois hypothèses : Normandie-Picardie, Picardie-Nord-Pas-de-Calais et Picardie-Champagne-Ardenne-Lorraine, cette dernière n'ayant pas ma préférence, enrage l'élu PS. Mais cette fusion avec la Champagne-Ardenne, elle n'a jamais été évoquée."
Oui, le découpage a été effectué sur un coin de table
Quelques minutes avant de transmettre à la presse régionale la tribune dans laquelle il allait présenter sa nouvelle carte des régions, François Hollande tergiversait. Rattacher les Pays de la Loire avec la Bretagne, comme le souhaitait Jean-Marc Ayrault ? Ou avec Poitou-Charentes, comme le voulait Ségolène Royal ? Jusqu'au bout, le président a hésité, et a fini par ne pas choisir. Pour ne pas froisser son ami breton Jean-Yves Le Drian, François Hollande a accordé le statut quo aux Pays de la Loire.
Jusqu'aux derniers instants, le chef de l'Etat n'avait toujours pas idée du nombre de régions finalement retenu. Sur le brouillon envoyé aux rédactions régionales en début de soirée, il était écrit : "Je propose donc de ramener leur nombre de 22 à XXX." Une faute de communication qui relance les soupçons d'amateurisme, et nourrit l'impression d'une copie bâclée, griffonnée sur un coin de table.
Non, cette réforme avait déjà trop attendu
Le débat est enfin lancé. François Hollande garde pour lui d'avoir eu le courage de lancer une réforme difficile et dans les cartons depuis longtemps. "Cela fait des années que nous disons tous, sur tous les bancs, dans tous les partis politiques, que l'on ne s'y retrouve plus dans la carte territoriale. La critique de la méthode vient masquer beaucoup de conservatisme", affirme la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine.
Au lieu d'imposer une carte, François Hollande aurait, certes, pu choisir la voie de la concertation. Mais ses détracteurs n'en auraient-ils pas profité pour critiquer la création d'une énième concertation et l'immobilisme d'un président incapable de trancher ? "La carte aujourd’hui sur la table a le mérite d’introduire le débat parlementaire", estime le président du Sénat, Jean-Pierre Bel. Et, relève-t-il dans une interview à Libération, "le Premier ministre l’a dit, le débat parlementaire peut faire bouger les lignes".
Non, la compétitivité des régions était en jeu
Rendre les territoires attractifs, donner aux régions une taille qui leur permette de peser économiquement… Tel est le but avoué de cette réforme, qui donnera à cet échelon territorial des compétences élargies. Pour François Hollande, "les régions sont à l’étroit dans des espaces qui sont hérités de découpages administratifs remontant au milieu des années 1960". En diminuant leur nombre, il compte en faire des territoires "de taille européenne et capables de bâtir des stratégies territoriales".
Pour Dominique Mertens Santamaria, maître de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, interrogée par L'Usine nouvelle, "les régions françaises actuelles sont trop petites d’un point de vue démographique et économique par rapport aux régions européennes. (...) Pour réussir à se développer, une région a besoin d’un minimum de moyens humains et intellectuels". Selon elle, une région doit, pour se développer, atteindre le seuil de 3 à 4 millions d'habitants.
Reste que les nouvelles régions comportent de fortes disparités entre elles. Alors que le Nord-Pas-de-Calais, inchangé, est composé de seulement deux départements, les mastodontes Midi-Pyrénées-Languedoc ou Centre-Poitou-Charentes-Limousin en comptent treize. Economiquement, six régions de la moitié nord (Pays de la Loire, Bretagne, Normandie, Nord-Pas-de-Calais, Picardie-Champagne-Ardennes, Alsace-Lorraine) pèsent 27,9% du PIB français, à peine davantage que trois régions de la moitié sud (Midi-Pyrénées-Languedoc, Paca, Auvergne-Rhône-Alpes), qui représentent 25,7% du PIB.
Oui, les ambitions ont été revues à la baisse
Initialement, François Hollande voulait diviser le nombre de régions par deux. Autrement dit, passer de 22 à 11. Les premières indiscrétions faisaient état de 12 régions. Finalement, quatorze ont été retenues. Une évolution forcément perçue comme une reculade.
In fine, les annonces de lundi soir sont très éloignées du "big bang" territorial attendu. Plus qu'un redécoupage ou qu'une remise à plat des frontières régionales, il s'agit de fusions d'entités existantes. Alors que certaines régions sont priées de se rapprocher, parfois à marche forcée, d'autres ont obtenu l'étonnant privilège du statu quo.
De plus, François Hollande a lâché du lest sur la suppression des départements. D'abord annoncée pour 2021, puis pour 2017, le chef de l'Etat évoque désormais la date de 2020, après s'être rendu compte qu'il ne disposait pas de la majorité nécessaire pour faire modifier la Constitution, étape obligatoire pour supprimer les départements.
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