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Bernadette Chirac, le fils de Claude Guéant... Les drôles de subventions de la réserve ministérielle 2011

Les noms des élus qui ont distribué, en 2011, de la "réserve ministérielle", une version VIP de la réserve parlementaire, ont été rendus publics mercredi. On y trouve des noms connus.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La conseillère générale de Corrèze Bernadette Chirac, le 23 mars 2012, à Tulle (Corrèze). (PATRICK KOVARIK / AFP)

Bernadette Chirac, François Guéant, Frédéric Nihous... Les nouvelles données sur la réserve ministérielle, sorte de réserve parlementaire VIP, procurent bien des surprises. En 2013, le ministère de l'Intérieur avait préféré masquer les noms des élus - selon l'usage, des parlementaires - qui avaient distribué cette cagnotte contrôlée par les ministres.

Grâce à l'obstination de l'Association pour une démocratie directe et de son président, Hervé Lebreton, ces noms ont été révélés mercredi 9 juillet, en partenariat avec Regards citoyens"L'an dernier, nous avions ouvert la boîte de Pandore. Il en est sorti une chimère à laquelle il faut s'attaquer maintenant", justifie le président de l'Association pour une démocratie directe, qui poursuit toujours l'Etat en justice pour obtenir les documents manquants. 

Francetv info a épluché les 1 250 subventions de cette réserve ministérielle, qui s'élevait en 2011 à 32,9 millions d'euros sur les 150 millions de la réserve parlementaire. Son principe est le même que pour la réserve parlementaire : les collectivités locales font des demandes de subvention au ministère de l'Intérieur, avec le soutien d'un ministre (parfois obtenu par l'entremise d'un parlementaire). Ce soutien permet de faire passer le dossier sur le haut de la pile et de bénéficier de l'enveloppe accordée chaque année à la réserve ministérielle. S'il n'y a rien d'illégal - la réserve ministérielle n'est régie par aucun texte -, certaines subventions posent question, d'autant que des personnalités n'ayant aucun mandat de député ou de sénateur en ont fait profiter leur fief électoral.

Le fils Guéant a bien distribué des subventions dans la circonscription où il s'est présenté en 2012

C'est Le Canard enchaîné qui avait levé le lièvre. En février 2011, l'hebdomadaire avait révélé que François Guéant, fils du secrétaire général de l'Elysée et futur ministre de l'Intérieur, avait distribué de la réserve parlementaire en 2010. Problème, le fils de Claude Guéant n'est alors que simple suppléant de la 4e circonscription du Morbihan.

Sur la base de cet article, le député socialiste Jean-Jacques Urvoas avait demandé des explications à Claude Guéant. "L’évidence est que, n’étant ni député, ni maire, je n’ai pu, en aucune manière et d’aucune façon, bénéficier ne serait-ce que d’un seul centime d’euro au titre de tels financements", lui répond le fils dans les colonnes de Ouest-France.

S'il n'existe pas de données pour l'année 2010, les documents du ministère de l'Intérieur montrent pourtant que François Guéant a distribué pour 322 500 euros de subventions de la réserve ministérielle à des communes qui se trouvent toutes dans la 4e circonscription du Morbihan. Une circonscription dans laquelle il s'est présenté, sans succès, l'année suivante.

La subvention de Bernadette Chirac pour une commune de son canton

Bien qu'elle ne soit pas députée, ministre ou même suppléante, Bernadette Chirac a versé en 2011 une subvention de 16 410 euros issue de la réserve ministérielle à la commune de Chaumeil (Corrèze). Cette commune fait partie du canton de Corrèze, le canton dont Bernadette Chirac est la conseillère générale. Elle y a justement été réélue en 2011.

Ce n'est pas la première fois que les pratiques de la femme de l'ancien président sont épinglées. En août 2013, France 3 Limousin avait révélé que la commune de Corrèze avait perçu 200 000 euros de réserve ministérielle. Une générosité qui pose d'autant plus question que le maire de cette commune, adversaire de Bernadette Chirac dans la première élection cantonale de 2011, ne s'était pas représenté contre elle après l'invalidation de ce premier scrutin. "Il n'y a eu aucune tractation avec Madame Chirac", s'est défendu à l'époque François Barbazange.

Les 38 700 euros du candidat-chasseur Frédéric Nihous

Candidat à la présidentielle de 2007 pour le mouvement Chasse, pêche, nature et traditions, Frédéric Nihous, qui n'est ni député, ni sénateur, a obtenu en 2011 deux subventions d'un total de 38 700 euros pour la commune de Baudreix (Pyrénées-Atlantiques). L'année suivante, le candidat des chasseurs, qui n'a cessé de se rapprocher de l'UMP entre 2007 et 2012, a finalement rallié la candidature de Nicolas Sarkozy.

François Baroin, François Fillon et Jean-François Copé sont les mieux servis

Sans surprise, les barons de l'UMP, au pouvoir à l'époque, sont les élus qui ont le plus octroyé de subventions issues de la réserve ministérielle. François Baroin a accordé 3 millions d'euros de subventions, répartis comme suit : un million d'euros pour la ville de Troyes dont il est maire, 861 700 euros pour les autres communes de sa circonscription, et 770 000 euros pour Chantilly, la ville de son prédécesseur au ministère du Budget, Eric Woerth.

Le Premier ministre, François Fillon, a lui choyé son département de la Sarthe, en lui accordant 2 millions des 2,19 millions d'euros de subventions distribués au titre de la réserve ministérielle. Même schéma chez Jean-François Copé, qui ferme le podium. 981 534 euros ont été versés à des communes de Seine-et-Marne sur les 1 011 534 distribués par le maire de Meaux (Seine-et-Marne) cette année-là.

Quelques parlementaires de gauche ont également bénéficié de cette réserve

Si les 32,9 millions d'euros de cette réserve ministérielle ont été distribués par l'ancienne majorité, on retrouve tout de même des élus de gauche dans la liste. C'est le cas de l'actuel ministre de la Culture et députée de Moselle, Aurélie Filippetti (7 subventions dans son département pour un total de 24 233 euros), du sénateur Jean-Pierre Chevènement (4 subventions pour 130 000 euros dans le Territoire de Belfort), de l'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac (295 000 euros pour 3 subventions) ou du député communiste André Chassaigne (7 000 euros pour une commune de sa circonscription).

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