Enregistrements de Buisson : à qui profitent les fuites ?
Les révélations du "Canard enchaîné" et d'Atlantico ont provoqué la consternation de la droite, qui se dit "trahie". Francetv info se penche sur l'origine de ces enregistrements.
En apprenant que ses enregistrements allaient être publiés, Patrick Buisson "s'est liquéfié", écrit Le Canard enchaîné. L'hebdomadaire satirique et le site Atlantico ont révélé, mercredi 5 mars, le contenu de pistes sonores captées clandestinement par l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, lors de réunions et discussions privées en 2011. "Tombant de sa chaise", comme le dit Jean-Pierre Raffarin, la droite a fait part de son indignation.
Muet depuis ces révélations, Patrick Buisson a confié sa défense à son avocat, Gilles-William Goldnadel. Celui-ci clame qu'il s'agissait de simples enregistrements "pour le travail" et qu'ils n'ont pas été réalisés à l'insu de Nicolas Sarkozy. Comment se sont-ils retrouvés dans la nature ? "Je n'en sais rien, assure l'avocat à francetv info. Il est possible que Patrick Buisson ait sa petite idée, mais il ne m'a rien dit. En tout cas, ils ont été volés."
D'où viennent les pistes sonores ?
L'hypothèse d'un proche de Buisson. Le site Atlantico affirme que Patrick Buisson se serait déjà inquiété du fait qu'un de ses "familiers", avec lequel il s'oppose dans un "conflit privé violent", ait pu obtenir des copies de ces enregistrements. Ce proche aurait alors voulu s'en prendre à l'ancien conseiller présidentiel, en faisant "un usage extravagant et pervers" des bandes, dixit Gilles-William Goldnadel, qui dit toutefois "ne pas croire" à cette hypothèse.
Le fils de Patrick Buisson, que certains semblaient pointer du doigt, se défend sur LePoint.fr : "Je ne suis pas à l'origine des fuites, car je ne dispose tout simplement pas des fichiers." Georges Buisson indique néanmoins avoir découvert, au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, l'enregistrement d'une conversation politique dans deux fichiers que son père, avec qui il est aujourd'hui en procès, lui avait demandé de "copier sur un CD".
De son côté, RTL évoque l'hypothèse d'un "proche collaborateur", au courant des enregistrements, qui serait "entré en conflit" avec l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy il y a quelques mois, ce qui l'aurait poussé à divulguer les fichiers.
L'hypothèse d'une "personne X". Atlantico indique que Patrick Buisson a "fini par reconnaître", mardi, avoir "malheureusement laissé traîner certains de ces enregistrements et s'en être, selon lui, fait dérober d'autres par une personne X". Aucune précision toutefois sur l'identité du voleur, ni sur le terme "traîner", qui peut aussi bien renvoyer à un partage volontaire des bandes par Patrick Buisson avec certains proches qu'à un simple manque de protection des enregistrements de sa part. Le politologue Thomas Guénolé rappelle néanmoins que "Patrick Buisson a lâché Atlantico en début d'année pour passer, avec son carnet d'adresses, au Figaro Vox", comme le rapportait en février Le Canard enchaîné.
L'hypothèse judiciaire. L'ancien conseiller spécial de l'Elysée Henri Guaino dit avoir "compris" que "ces bandes ont été saisies lors d'une perquisition judiciaire à propos de l'affaire des sondages", dans laquelle un juge enquête sur la régularité des contrats conclus sous la présidence Sarkozy entre l'Elysée et neuf instituts de sondage, dont la société de conseil Publifact de Patrick Buisson. Cette piste était déjà avancée par Le Point, qui avait révélé l'existence des enregistrements en février. Le rédacteur en chef du Canard enchaîné Erik Emptaz a affirmé, mercredi, que "les bandes sont déjà dans la procédure judiciaire de l'affaire des sondages".
"Je pense que c'est une fausse piste", tempère aujourd'hui Gilles-William Goldnadel. En l'absence de mise en examen de son client, l'avocat n'a "pas eu accès au dossier", mais "pense qu'aucun enregistrement n'a été saisi". RTL et Europe 1 affirment également que "les enregistrements ne faisaient pas partie de la perquisition effectuée chez Patrick Buisson l'an dernier".
Qui peut instrumentaliser les fuites ?
Les ennemis de Buisson. La plupart des responsables de l'UMP n'ont "jamais considéré [Patrick Buisson] comme un membre de la famille", rappelle Libération. Nombreux sont ceux qui ne voient pas d'un bon œil les liens de Nicolas Sarkozy avec son conseiller, aujourd'hui encore, à l'heure d'un possible retour de l'ex-président. La fin de l'histoire entre les deux hommes, entamée en douceur depuis plusieurs mois selon Le JDD, pourrait être actée avec cette affaire.
Pour avoir procédé à ces enregistrements à l'insu de Nicolas Sarkozy et de ses proches, Patrick Buisson risque jusqu'à un an d'emprisonnement, selon l'article 226-1 du Code pénal. "J'imagine que les personnes concernées vont porter plainte", a glissé, mercredi, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem.
Les ennemis de Nicolas Sarkozy. L'ancien président pourrait pâtir de ces enregistrements. "Il apparaît comme un dirigeant qui n'a pas su s'entourer, avance à francetv info le politologue Thomas Guénolé. Il suffit désormais que sorte un autre enregistrement le mettant en cause dans une affaire judiciaire pour qu'il chute dans ce 'Watergate à l'envers'."
Pour l'heure, Nicolas Sarkozy pourrait toutefois sortir gagnant de l'affaire. "Quand Nicolas Sarkozy est perçu comme une victime, il s'en sort extrêmement bien dans l'opinion", affirme Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion de Harris interactive.
Selon France 2, l'ex-chef de l'Etat "se laisse le temps de la réflexion quant au dépôt d'une éventuelle plainte".
Les adversaires de l'UMP. Le Parti socialiste n'a pas manqué de commenter les révélations, qui surviennent à moins de trois semaines des élections municipales. Ainsi, le candidat socialiste à la mairie de Marseille en a profité pour rappeler les liens anciens entre Patrick Buisson et le maire sortant UMP, Jean-Claude Gaudin.
On se souvient que Patrick Buisson est aussi le conseiller de @jcgaudin pour qui il a négocié l'accord avec le FN en 1986.
— Patrick Mennucci (@patrickmennucci) 4 Mars 2014
"L'UMP n'est plus en état de mener une campagne des municipales à l'échelle nationale, estime Thomas Guénolé. Les candidats vont devoir se recentrer sur le local, en évitant les soutiens nationaux qui pourraient rappeler les affaires Copé et Buisson." Dans les urnes, "ce contexte rend plus difficile un sursaut de mobilisation sur lequel la droite compte faire la différence", selon le directeur adjoint du pôle opinion de CSA, Yves-Marie Cann, dans Le Figaro.
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